C’est à Abidjan* que nous avons rencontré Asa. Chouchoute du public et des critiques, l’étoile nigériane s’est livrée avec spontanéité. Emblématique de l’intense vitalité de la scène artistique nigériane, la chanteuse de 33 ans incarne une Afrique ouverte et cosmopolite.

Vingt ans plus tard, c’est chose faite, et Asa se sent chez elle sur toutes les scènes du monde : il suffit de la voir performer pour se dire que la vérité sort bel et bien de la bouche des enfants. Si son destin s’impose comme une évidence, Asa a su le prendre à bras-le-corps, fidèle au surnom de «petit faucon» (asa en yoruba) que lui a valu son caractère fonceur. Bercée de musiques noires américaines, de chants traditionnels et religieux yoruba et des grands classiques de la musique Gold Coast, «Bukky» (Bukola Elemide à l’état civil) tâte du konga et des percussions dès son plus jeune âge à l’église du christianisme céleste que fréquente sa famille.
Sa voix, par contre, est jugée trop grave pour la chorale, et ne fera pas non plus l’unanimité aux différents concours auxquels participe la jeune pousse quelques années plus tard, malgré une formation d’un an au Peter King College of Music. C’est une démo, envoyée comme une bouteille à la mer en 2004 au programme Visa pour la création de l’AFAA, le département culturel du ministère des Aıaires étrangères français, qui scelle son destin musical. Retenue pour le projet «Assata», elle entame une résidence de quatre mois à Paris, avec trois jazzmen français et trois autres artistes nigérians. Son retour au berceau –Asa est née à Paris, qu’elle a quitté à l’âge de 2 ans – est marqué par des rencontres déterminantes : Manu Dibango, Femi Kuti, Richard Bona, Archie Shepp, et Les Nubians, qui lui donnent l’opportunité de se produire sur scène à leurs côtés. «Ils ont tous joué un rôle très important dans mon évolution. J’ai eu la chance de les voir jouer, ils m’ont donné des conseils, et petit à petit, j’ai pu trouver ma voie.»
La suite on la connaît : fin 2006, Asa signe chez Naïve Records (label indépendant français) et enregistre l’album éponyme Asa, délicate fusion de soul, folk, pop et reggae, en écho à son métissage culturel et musical et aux différentes pièces du puzzle qui compose sa personnalité. Un premier album vendu à 400 000 exemplaires et couronné par le prix Constantin 2008, où Asa est préférée à Yael Naïm, Thomas Dutronc ou Julien Doré. Depuis, le faucon nigérian vole de succès en succès sans jamais se brûler les ailes : quatre albums à son actif, dont le second, Beautiful Imperfection, est classé n°1 sur iTunes dès sa sortie ; des concerts dans les plus grandes salles parisiennes ; plus de 300⁄dates à guichets fermés à travers le monde, des premières parties prestigieuses, Akon, John Legend, des collaborations fructueuses, Tiken Jah Fakoly, Yannick Noah…
Mais Asa n’a pas la célébrité tapageuse. Totalement investie dans son métier, elle est bien trop occupée à savourer chaque instant de sa vie d’artiste. Sa ligne d’horizon ? Vivre intensément sa musique et continuer d’écrire des chansons qui touchent le public. « Je suis heureuse quand les spectateurs quittent mes concerts sourire aux lèvres. Heureuse de sentir que les frontières s’effacent quand je chante. Si je n’étais pas chanteuse, je crois que je serais devenue infirmière. J’aime cette interaction avec les gens. J’aime les rendre heureux, leur faire sentir combien la vie est belle et précieuse…»
Mission accomplie : qu’Asa parle ou chante, la vie s’éclaire quand on l’écoute…
* Rencontre qui s’est tenue à l’occasion d’un concert de bienfaisance pour la prévention de la transmission mère-enfant du VIH.
Publié en mars 2016.