Ancienne professeure, la Sénégalaise Thiaba Bruni s’est reconvertie avec succès dans l’intermédiation, facilitant notamment l’implantation d’entreprises internationales au pays de la Teranga. Une fibre entrepreneuriale doublée par ailleurs d’une volonté de s’impliquer en faveur de causes sociales qui lui sont chères. Portrait d’une battante, habitée par l’héritage qu’elle léguera.
Par Jean Risolo
Dans le monde des affaires, il existe des entrepreneurs dont l’énergie et la force mobilisatrice permettent de soulever des montagnes. Active dans l’intermédiation,Thiaba Bruni est de ceux-là. D’origine sénégalaise, la cheffe d’entreprise, qui définit son business model comme sa capacité à “créer des interconnexions d’affaires pour attirer les entreprises étrangères à investir au Sénégal en mettant à disposition [ses] réseaux pour faciliter leur implantation”, n’a pas son pareil pour capitaliser sur son réseau.
Pourtant, rien ne prédestinait cette professeure de formation à franchir le rubicond de l’entrepreneuriat. Mais sa capacité à fédérer massivement l’a presque conduite vers ce schéma. Il faut dire que la demande du marché était forte : opportuniste, Thiaba Bruni a alors pu habilement surfer sur la vague. La patronne, basée en France, fait aujourd’hui partie des acteurs reconnus dans l’intermédiation entre l’Europe et le Sénégal. “Thiaba Bruni a un profil très international, maîtrise les aspects culturels et ne semble pas craindre les objections. Quitte même à revenir à la charge à chaque fois. C’est une vraie qualité”, indique un de ses prestataires qui a placé sa confiance en cette femme dont l’énergie semble infinie. Mais ses colères sont aussi à la mesure de ses espoirs. “Parfois, elle a le don de piquer des colères froides, glaciales mais toujours bien senties”, se remémore un de ces partenaires. Il faut dire qu’en tant que porte-parole du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN), Thiaba Bruni sait exactement où elle va. “Je suis engagée sur l’implémentation d’infrastructures au Sénégal où les investissements se mesurent à plusieurs dizaines de millions d’euros. Autant vous dire qu’il faut parfois se montrer ferme”, explique-t-elle avec un sourire non dissimulé. Avec du tact, c’est toujours mieux.
Pas de business sans vision sociale et écologique
Au pays de Cheikh Anta Diop, Thiaba Bruni porte des exigences très hautes. C’est certainement ce qui la distingue d’autres entrepreneurs. “Je ne prends jamais un projet où la dimension écologique et sociale n’est pas respectée”, affirme la dirigeante qui précise que “ le social occupe toujours une place prépondérante [et que] c’est [sa] manière de continuer à rêver les deux pieds sur terre”. De fait, les entreprises à impact social fleurissent sur le continent. Une bonne chose selon le médecin Roger Moyou-Mogo, par ailleurs chroniqueur à l’émission Bonjour Santé sur Canal Plus Afrique. Pour notre interlocuteur, « il faudrait créer un label social à l’instar de ce qui existe pour l’écologie et récompenser l’entrepreneur sous la forme d’un bonus-malus”. Thiaba Bruni corrobore : “On ne peut pas faire du business en Afrique sans une logique d’implication et de co-développement des communautés en respectant leur environnement”, dit la cheffe d’entreprise qui note également que « l’envie de résoudre des problèmes naît souvent d’une envie de révolte, d’injustice ».
L’esprit d’indignation, ferment nécessaire à l’action
C’est ce sentiment qui lui a permis en particulier de se lancer en politique. Un état d’esprit qui lui vient de sa faculté à mobiliser et fédérer rapidement autour de causes qui lui sont chères. Un héritage maternel bien conservé, selon l’intéressée. “Ma mère était engagée au Sénégal. Elle m’a toujours appris à développer cet esprit d’indignation nécessaire au passage à l’action pour l’émergence de notre continent”, se remémore Thiaba Bruni, qui a donné sa pleine mesure lors d’un événement tragique, les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. “La France a été frappée par une série d’attentats en 2015. Et certains héros d’origine africaine n’avaient pas été honorés à leur juste valeur. J’ai donc créé deux pétitions, respectivement pour Lassana Bathily et Didi”, se souvient la Franco-Sénégalaise. Le succès fut au rendez-vous : Les pétitions recueillirent chacune plusieurs milliers de signatures, forçant ainsi le gouvernement français de l’époque à délivrer les autorisations administratives pour régulariser leur situation. Pour Thiaba Bruni, attachée aux combats portés par le CRAN, l’émotion est intacte, même sept années plus tard. “Ce moment où je me lance dans la création de cette pétition en ligne.. Le portable qui ne cessait de vibrer avec toutes les notifications. C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’il était bon de se sentir utile”. Conséquence: les sollicitations médiatiques pleuvent et ses collègues du corps enseignant découvrent alors ”Thiaba Bruni, la militante” après “la professeure” et “l’entrepreneuse“. “J’ai découvert les prises de position de ma professeure dans les médias” indique, encore surprise, la cheffe d’établissement où travaillait Thiaba Bruni, qui dit par ailleurs « partager bon nombre de ses combats ». Un sentiment partagé par nombre de ces anciens collègues, qui disent que ”Thiaba Bruni a toujours plus d’un tour dans son sac”. Aussi longtemps que la flamme du feu sacré perdurera, celle-ci continuera à faire des étincelles.
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La Rédaction
- Portraits et Interviews
- janvier 2023