Lundi 6 octobre, le Conseil exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a désigné son nouveau directeur général. Si le candidat égyptien partait comme le grand favori, son élection s’apparente à un véritable plébiscite. Il remporte l’élection avec 55 voix contre 2 pour son concurrent.
Par Marie-France Réveillard
Sur les 58 États membres du Conseil exécutif de l’UNESCO, 55 se sont prononcés en faveur de l’Égyptien Khaled el-Enany, 1 s’est abstenu et 2 ont voté pour le Congolais Firmin Édouard Matoko. C’est donc un véritable plébiscite pour ce candidat qui battait campagne depuis de long mois et qui comptait de nombreux soutiens, parmi lesquels ceux de la Ligue des pays arabes, de l’Union africaine (UA), de la Turquie, du Brésil, de l’Allemagne ou de la France. Un marathon qui ne fait que commencer pour l’Égyptien, qui a promis de consacrer les cent prochains jours à rencontrer tous les représentants des États membres « sans exception ».
Si cet engagement s’inscrit dans ses promesses de campagne d’accorder à chacun la même écoute pour créer un consensus, il rejoint également une nécessité plus prosaïque. En effet, il lui faudra relever un certain nombre de défis dont celui de mobiliser des fonds, le budget de l’UNESCO devant être prochainement amputé de 8 % à 11 %, suite au (nouveau) départ de l’Oncle Sam. « Je regrette profondément la décision du président Donald Trump de retirer une fois de plus les États-Unis d’Amérique de l’UNESCO », déclarait Audrey Azoulay le22 juillet dernier, par voie de communiqué. Et pour cause, le retrait des États-Unis représente un manque à gagner de l’ordre de 75 millions de dollars par an pour l’organisation onusienne.
« Le retrait des États-Unis représente un manque à gagner de l’ordre de 75 millions de dollars par an pour l’organisation onusienne »
Le président des États-Unis justifia notamment sa décision comme conséquence de l’admissionde la Palestine à l’UNESCO en 2011, en qualité d’État membre. Une décision « hautement problématique » pour le département d’État américain, tout comme l’orientation jugée « wokiste » par Washington, et la nomination de ressortissants chinois à des postes hautement stratégiques à la direction de l’UNESCO.Ce retrait prendra effet le 31 décembre 2026. En attendant, il faudra au nouveau directeur général diversifier les sources de revenus. Il prévient qu’il en appellera davantage au soutien du secteur privé pour combler ce départ.
Une Volonté de Réforme et de Gouvernance Participative
Né le 14 mars 1971 à Gizeh, en Égypte, Khaled el-Enany s’est engagé, pendant sa campagne, à placer les populations au cœur de ses priorités, et à promouvoir la transparence et la gouvernance participative. Il a également déclaré qu’il ferait de l’Afrique sa priorité, pour « renforcer la coopération avec les pays africains, l’Union africaine, les bailleurs internationaux et la société civile, et pour assurer une participation accrue de l’Afrique dans les instances décisionnelles de l’UNESCO ». L’égalité des genres devrait se décliner à tous les niveaux, aussi bien dans les programmes de l’organisation qu’au sein de ses instances de décision, et dans la gestion de ses talents.
« Khaled el-Enany a […] déclaré qu’il ferait de l’Afrique sa priorité »
Pour porter ses ambitions, le nouveau directeur général cherchera à initier « un nouveau pacte financier, diversifié, transparent, innovant », partant du principe que « sans ressources, on ne fait pas tourner la machine » ! Face aux lourdeurs bureaucratiques de l’institution, il entend réorganiser l’UNESCO pour « rendre les procédures plus simples, plus rapides et plus efficaces ». Un objectif qui passera « d’abord par une gouvernance renforcée : plus de concertation et d’écoute, pour que les décisions, quand elles doivent être prises, soient comprises et acceptées par tous ». Cette logique s’appliquera aussi bien au siège parisien que dans les bureaux locaux, « pour qu’ils puissent agir vite et bien ». Il s’engage à associer systématiquement les communautés et les autorités locales aux projets portés par l’organisation, étant les « premiers bénéficiaires des projets ». « Avec une gouvernance transparente, une action renforcée sur l’Afrique et l’égalité des genres, et des financements solides, l’UNESCO pourra redevenir une organisation qui agit véritablement pour les peuples et qui compte », assure-t-il.
« Avec une gouvernance transparente, une action renforcée sur l’Afrique et l’égalité des genres, et des financements solides, l’UNESCO pourra redevenir une organisation qui agit véritablement pour les peuples et qui compte »
Un Universitaire Qui Vise le Pragmatisme
Professeur d’égyptologie à l’Université de Hélouan (Égypte), il est diplômé d’une thèse de doctorat en Égyptologie et fut ministre du Tourisme et des Antiquités. Il a développé de nombreux projets de rénovations, d’ouverture muséale, de restauration patrimoniale, mais aussi des missions archéologiques. Docteur honoris causa de l’Université Paul-Valéry Montpellier III (2024), il fut honoré du titre de Chevalier de la Légion d’honneur en France (2025), de l’Ordre du Mérite de la République de Pologne (2020) et de l’Ordre du Soleil levant du Japon (2021). Khaled el-Enany est un profil politique et patrimonial très actif sur la scène internationale.
« Professeur d’égyptologie à l’Université de Hélouan (Égypte), il est diplômé d’une thèse de doctorat en Égyptologie et fut ministre du Tourisme et des Antiquités »
Pragmatique, il priorise la culture du résultat, considérant que « chaque projet doit être évalué – car – il faut des preuves, des résultats concrets ». Pour renforcer la traçabilité et optimiser les résultats de l’organisation, il s’appuiera sur les outils numériques et sur les technologies innovantes. « C’est ça qui donnera de la crédibilité à l’UNESCO, et c’est comme ça qu’on redonnera confiance aux États membres et aux peuples que l’Organisation », affirme-t-il. Ses engagements de campagne sont le résultat d’observations relevées au cours de ses trente mois de campagne à l’international. « Les échanges avec les États membres, les communautés locales et les partenaires ont confirmé que seule une approche ancrée sur le terrain, inclusive et tournée vers l’efficacité peut permettre à l’UNESCO de réaliser pleinement sa mission. Une UNESCO pour les peuples », conclut-il.
« Pour renforcer la traçabilité et optimiser les résultats de l’organisation, il s’appuiera sur les outils numériques et sur les technologies innovantes »
Khaled el-enany sera officiellement désigné par la Conférence générale de l’UNESCO à Samarcande, en Ouzbékistan, le 9 novembre prochain. Il sera le premier directeur général de l’UNESCO venu d’un pays arabe, et le second Africain après le Sénégalais Amadou-Mahtar M’Bow (1974-1987).
« Khaled el-Enany [est] le premier directeur général de l’UNESCO venu d’un pays arabe, et le second Africain après le Sénégalais Amadou-Mahtar M’Bow »
