Fondateur de la start-up Tingo et jusqu’ici célébré comme un des entrepreneurs phares de l’agritech africaine, Dozy Mmobuosi est aujourd’hui dans la tourmente, accusé de fraude par un fonds spéculatif américain.
Dans un rapport au vitriol publié le 6 juin et intitulé « Groupe Tingo : Faux agriculteurs, faux téléphones et fausses données financières : l’empire nigérian qui n’existe pas (Tingo Group: Fake Farmers, Phones, and Financials—The Nigerian Empire That Isn’t) », le cabinet américain de recherche en investissement Hindenburg Research accuse l’entreprise nigériane d’avoir « falsifié » ses états financiers et d’être une «escroquerie exceptionnellement évidente ».
Pour appuyer ses allégations, le cabinet liste une longue série de « défaillances » supposées allant du déni de l’affirmation de Dozy Mmobuosi selon laquelle il aurait développé « la première application de paiement mobile au Nigéria »- un « pur mensonge » selon Hindenburg- à la contestation de l’existence d’accords supposément passés avec des entreprises partenaires, en passant par la fabrication de toutes pièces d’annonces de lancement de projets (fictifs).
Une valorisation boursière en chute libre
Un jugement d’une rare sévérité qui s’est immédiatement traduit par un effondrement du cours de l’action Tingo à la Bourse du Nasdaq, la place financière où l’entreprise est cotée depuis décembre 2022. Au total, depuis la publication du rapport, la société nigériane, spécialisée dans les services financiers et l’agriculture, a perdu plus des deux-tiers de sa valeur, cette dernière étant ramenée à 200 millions de dollars. La valorisation de Tingo approchait encore le milliard de dollars en mai. Une véritable descente aux enfers pour Dozy Mmobuosi, dont le solide esprit entrepreneurial et les talents de brillants communicants lui ont longtemps permis de se construire une image flatteuse de « golden boy », à l’image de sa récente une du magazine GQ South Africa ou de sa couverture médiatique par nos confrères de Forbes Africa. Attaquée, Tingo a annoncé qu’elle engageait le cabinet d’avocats White & Case pour procéder à un examen indépendant des allégations contenues dans le rapport précité.
La chute en Bourse de la start-up nigériane n’a toutefois pas été une mauvaise affaire pour tous. Bien au contraire : Hindenburg Research est un spécialiste de la vente à découvert, une méthode spéculative consistant à parier à la baisse sur les marchés. Une approche très particulière qui explique que le cabinet basé à New York se soit fait- avec succès- une spécialité de « débusqueur » de fraudes. En 2020, les équipes de son fonds de gestion avaient notamment descendu en flèche le constructeur de camions à hydrogène Nikola, qualifiant l’entreprise de « gigantesque arnaque » et empochant au passage de copieuses plus-values dans le sillage de la baisse du cours de bourse de l’entreprise. Idem en janvier cette année, lorsque Hindenburg Research a accusé Gautam Adani, l’homme le plus riche d’Asie, d’avoir bâti son conglomérat familial grâce à la fraude.