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Alex Moussa Sawadogo, directeur général du FESPACO : “Le FESPACO est la vitrine du cinéma africain”

Bravant tous les défis, la 28e édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision d’Ouagadougou (FESPACO) se tiendra du 25 février au 4 mars 2023, réunissant amateurs et professionnel sous le thème : « Cinéma d’Afrique et culture de la paix ». Enjeux et explications de ce rendez-vous incontournable avec son directeur général, Alex Moussa Sawadogo.

Propos recueillis par Dounia Ben Mohamed


Forbes Afrique : Malgré un contexte difficile, le FESPACO revient pour une nouvelle édition. Comment expliquez — vous sa longévité et qu’est-ce qui le rend si unique ?

Alex Moussa Sawadogo : C’est effectivement un événement unique, et aucun autre sur le continent ne peut se prévaloir d’une telle longévité. Panafricain, le FESPACO est également ouvert sur le monde arabe et la diaspora, et continue d’être soutenu, en dépit de tous les défis rencontrés. La dernière édition, malgré la Covid et la crise sécuritaire, a enregistré autant de monde que les précédentes, attestant du caractère fédérateur de ce festival qui a su dépasser les frontières du Burkina Faso et même de l’Afrique.

Le FESPACO est magique. Il se tient à Ouagadougou, considérée comme la capitale du Septième Art africain, et accueille tous les deux ans un public international réuni pour y fêter un cinéma qui émerveille à chaque édition. Cet événement est une plateforme unique, parce qu’il est parvenu à rassembler tous ceux qui s’intéressent à l’audiovisuel africain et qui viennent s’y abreuver pour dénicher de nouvelles pépites, produire de nouveaux contenus, trouver des producteurs et des partenaires. Unique, parce que le public y a accès à des espaces exceptionnels, en salle ou en plein air, pour voir des films. C’est aussi le seul festival de cinéma qui a réussi à lier tous les arts (cinéma, danse et musique) dans une parfaite symbiose, notamment à travers la cérémonie de clôture, où la foule est conviée à célébrer dans des stades.

Depuis sa création en 1969, aucune édition n’a jamais été annulée, malgré tous les soubresauts engendrés par la situation politique intérieure ou internationale. La dernière édition, par exemple, s’est tenue dans une période très difficile, avec à la fois la crise sécuritaire et la crise sanitaire, mais le monde entier s’y est une fois de plus retrouvé. En 2019, à l’occasion du cinquantenaire, nous avons enregistré un nombre record de participants. Cela prouve la résilience, la fidélité et la volonté du public, des professionnels du continent et des diasporas de se réunir pour parler du cinéma africain, de son avenir, et se projeter. Pour les autorités africaines et étrangères, pour les bailleurs de fonds, c’est un moment important, car c’est aussi l’occasion d’être en contact avec les professionnels et de définir les nouvelles directions de leur programme.

Un événement qui se renouvelle également sous votre houlette. Quelles sont les nouveautés de cette édition ?

A. M. S. : C’est la première fois qu’un privé est nommé à la tête du FESPACO. Après avoir été chargé de la Presse et de la Culture à l’ambassade du Burkina Faso en Allemagne, j’ai créé et dirigé pendant plusieurs années un festival consacré au cinéma africain à Berlin (le Festival des films d’Afrique de Berlin – AFRIKAMERA, NDLR). J’ai aussi dirigé la programmation du Festival des films d’Afrique de Lausanne en Suisse, et ai également fondé le laboratoire de développement et de coproduction de projets cinématographiques Ouaga Film Lab. Au vu de cela, on m’a demandé de prendre la direction du FESPACO. Ce n’était pas évident, mais j’ai accepté, par amour pour mon pays et pour le cinéma africain, et ai mis à profit mon expérience pour réinventer ce festival tout en conservant ses fondamentaux.

Quand j’ai pris les rênes de cet événement, ma première décision, inédite, a été de mettre en place et diriger un comité de sélection panafricain composé de professionnels originaires des six grandes régions qui sélectionnent les œuvres que nous recevons, et dont le travail quotidien consiste exclusivement à visionner des films. Cette initiative, qui a pris effet lors de l’édition 2021, a été unanimement saluée. À côté de cela, je me suis aussi attelé à améliorer la qualité des espaces de projection des films. Les professionnels comme le public sont de plus en plus exigeants, et il était important de se doter d’équipements à la hauteur de leurs attentes, ce qui a été fait.

J’ai également souhaité replacer les professionnels au cœur du festival, en développant des programmes comme le FESPACO Pro et la Yennenga Academy, dédiée aux jeunes talents du cinéma africain. On y accueille des « aspirants cinéastes » et on les invite à entrer en contact avec des directeurs artistiques et/ou marketing, des réalisateurs, distributeurs, producteurs, etc. Vous savez, le processus de production d’un film passe par de nombreuses étapes, et beaucoup de jeunes ignorent tout des opportunités et différents métiers qui y sont liés.

Nous avons également monté Yennenga Postproduction, l’espace par excellence de tous les films en phase de finition. Le FESPACO, dans son caractère de révélateur de nouveaux talents, doit aussi être en mesure d’accompagner les réalisateurs et producteurs qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont pas les moyens d’achever leur film. À travers ce dispositif, ceux-ci ont la possibilité de rencontrer des professionnels qui vont les aider à finaliser leur travail, qui pourra ainsi être présenté au FESPACO et/ou dans d’autres festivals.

Dernier point, la Yennenga Connexion, qui se veut une passerelle de collaboration entre le FESPACO et les principaux organismes de soutien à la création du cinéma africain. Nous nous sommes en effet rendu compte que si le FESPACO était le rendez-vous par excellence des professionnels, tant d’activités sont proposées — avec souvent plusieurs qui se chevauchent, que parfois ceux-ci s’y perdent. Nous avons donc pris sur nous de coordonner ces activités et de les centraliser sous le même chapiteau. Ce processus permet aux principaux intéressés d’avoir accès à un espace dédié où ils peuvent retrouver toutes les informations nécessaires à une poursuite optimale de leur travail.

En ce qui concerne le MICA (Marché international du cinéma et de l’audiovisuel africains, NDLR), lors de la 20e édition, nous l’avons recentré et ramené au quartier général du FESPACO, le lieu de décision, là où l’on pense et rêve le cinéma du futur ; là aussi où s’effectue le business. Car promouvoir le Septième Art, c’est également être là où il se fait. Le MICA est donc devenu le lieu par excellence du cinéma.

Affiche officielle du FESPACO 2023



Que réserve cette nouvelle édition ? Quelles sont les nouveautés au programme ?

A. M. S. : Pour cette 28e édition, il s’agit avant tout de conserver ces acquis. Lors du dernier FESPACO, nous avons pu observer les forces et les faiblesses des nouvelles initiatives lancées. Nous allons les corriger, les renforcer et ouvrir un espace de coproduction : il s’agit de permettre aux porteurs de projets cinématographiques de rencontrer d’éventuels partenaires, et pour le FESPACO, de jouer pleinement son rôle de transmission et de facilitation. Nous allons sélectionner 15 projets du continent et de la diaspora, prendre attache avec les bailleurs de fonds qui peuvent potentiellement les orienter, les accompagner et entrer en coproduction.
Il ne faut pas oublier que si le cinéma est, bien sûr, une œuvre artistique, c’est aussi un produit commercial, une économie. Pour que cette économie soit forte et compétitive, il faut trouver de nouveaux débouchés, créer des opportunités, attirer de nouveaux talents et leur permettre de rencontrer les décideurs qui leur permettront de mener leur projet à bien.

Le FESPACO est la vitrine du cinéma africain, et comme me le disait un proche, on y vient pour voir des films, mais aussi chercher du travail, rencontrer des producteurs, mûrir de nouveaux projets… Mus par l’envie commune de contribuer au succès du cinéma africain, qui est un puissant vecteur d’appartenance. Quel que soit le succès rencontré à l’international, la provenance ou la couleur de peau, c’est avant tout une identité africaine que le FESPACO et ses adeptes défendent.

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