L’exposition « Aujourd’hui » est une manifestation unique réunissant ce que l’art contemporain camerounais fait de mieux. Forbes Afrique a rencontré l’artisan de cet événement remarquable, Elisabeth Huybens, aujourd’hui directrice régionale à la Banque mondiale.
Le bureau de la Banque mondiale au Cameroun organise un événement exceptionnel pour célébrer la dixième édition de son cycle d’expositions baptisé «Cameroun, une vision contemporaine». À cette occasion, l’institution fi nancière a fait appel au célèbre commissaire d’exposition et critique d’art Simon Njami pour en être le curator. Le thème de ce rendez-vous est «Aujourd’hui». Il réunit la fine fleur de la création contemporaine camerounaise. Organisée en partenariat avec le ministère camerounais de la Culture, l’exposition «Aujourd’hui», dont le vernissage a eu lieu le 20 juin dernier, se tient jusqu’au mois de février 2020 au Musée national de Yaoundé. Elisabeth Huybens est directrice régionale Afrique du Centre et de l’Ouest à la Banque mondiale, poste qu’elle vient de rejoindre à Washington. Cette exposition est l’une des dernières opérations qu’elle ait organisées au Cameroun avant de quitter sa fonction de directrice des opérations de la Banque mondiale. Forbes Afrique l’a interviewée pour comprendre l’intérêt de l’institution pour un tel projet culturel.
Forbes Afrique : Comment expliquer que la Banque mondiale s’investisse depuis autant d’années dans la promotion de l’art et des artistes?
ELISABETH HUYBENS : Notre institution s’investit dans la promotion de l’art, car c’est également une manière de renforcer notre engagement auprès des populations que nous servons. Les artistes étant en effet des acteurs de la société, ils proposent à travers leurs œuvres une réflexion sur les réalités de leur environnement. Une meilleure connaissance de cet environnement permet à son tour d’apporter un appui qui soit pertinent et ait plus d’impact sur l’ensemble de nos activités.
La culture participe à la quête du développement. Quelle est la philosophie de la Banque mondiale dans ce domaine? Et comment concrètement cela se manifeste-t-il dans vos programmes et vos actions ?
E. H. : La mission de notre institution est de lutter contre l’extrême pauvreté tout en assurant une prospérité partagée et inclusive. Bien que de gros progrès soient observés dans la marche du Cameroun vers un tel développement, nous constatons qu’il reste plusieurs défis à relever. Ces défis, qui se reflètent dans les travaux des artistes, sont soulignés dans nos programmes. Il s’agit en effet de l’accès aux services pour tous, de l’environnement, du cadre de vie, de la paix, des infrastructures…
Vous quittez le Cameroun après avoir porté cette exposition avec des artistes camerounais de tous les horizons, y compris issus de la diaspora. Quelle est pour vous la signification de cette dixième exposition de la Banque mondiale et son impact sur l’art contemporain camerounais ?
E. H. : Cette dixième édition marque un tournant important de l’histoire de l’art contemporain au Cameroun. En effet, elle réunit pour la première fois dans un même événement des grands noms de l’art contemporain camerounais dans leur pays. De plus, l’exposition se déroule dans un lieu emblématique, le Musée national, et s’organise sous le commissariat de Simon Njami, qui a énormément contribué à la reconnaissance de l’art contemporain africain dans le monde entier. Enfin, elle contribuera certainement à donner de l’espoir aux jeunes générations voulant intégrer les métiers de l’art.
Peut-on aujourd’hui parler d’un marché de l’art contemporain camerounais ? Si oui, comment la Banque mondiale a-t-elle contribué à son éclosion ?
E. H. : Nous pensons avoir modestement contribué à son éclosion par les actions que nous menons depuis plus de dix ans, notamment l’organisation d’expositions, la publication de catalogues qui commencent à servir de référence et l’intégration de certaines œuvres dans la collection de la Banque mondiale à Washington. Un marché de l’art contemporain nécessite plus de lieux d’exposition, des foires voire des biennales, une plus forte implication des pouvoirs publics par l’encouragement d’une politique de véritable mécénat et un environnement fiscal et juridique adapté. Tout cela contribuerait à éduquer un public de plus en plus large et participerait à l’émergence de potentiels collectionneurs.
Simon Njami, commissaire de l’exposition
La Banque mondiale a choisi comme commissaire de l’exposition Simon Njami. Le célèbre curator camerounais, qui figure parmi les 50 Africains les plus influents dans le monde, est cofondateur et éditeur en chef de Revue noire, une publication consacrée à l’art contemporain africain. Il a été, entre autres, commissaire de l’exposition événement Africa Remix et directeur artistique des 12e et 13e éditions de la Biennale de Dakar en 2016 et 2018. Simon Njami est également écrivain et a notamment publié des biographies telles que celle de l’écrivain noir américain James Baldwin et celle du président sénégalais Léopold Sédar Senghor, académicien et chantre de la négritude.
Mamma Alim Ahmed (Banque mondiale), cheffe de projet de l’exposition
« Ce voyage s’avère une véritable révélation. J’apprends beaucoup et je sors enrichie des échanges avec les artistes. Je fais des rencontres exceptionnelles : Goddy Leye, Guy Woueté, Joël Mpah Dooh, Louis Epée, Salifou Lindou, Justine Gaga, les deux Hervé (Youmbi et Yamguen), Jean Emati, Hako Hankson… Que de belles âmes! Je prends ainsi conscience de la place cruciale qu’ils occupent dans la société et de la profondeur de leur travail, qui n’est rien d’autre que le reflet de notre quotidien. Je suis surtout fascinée par le courage de tous ces artistes qui ont choisi de poursuivre leur passion et qui, envers et contre tout, se surpassent pour nous offrir matière à rêver.»