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La vie Forbes

Milliardaires africains : typologie d’une élite

Aliko Dangote © DR

Le classement Forbes 2022 des milliardaires de la planète comptabilise 18 africains disposant d’un patrimoine à dix chiffres. Le tout pour une fortune cumulée de 84,9 milliards de dollars. Qui sont-ils ? Où vivent-ils ? Comment ont-ils fait fortune ? Trois questions qui nous serviront ici de fil conducteur. Revue de détail.

Par Léopold Muta

Qui sont-ils ?

Dans le premier classement jamais réalisé par nos confrères de Forbes sur les 40 plus grosses fortunes du continent, en novembre 2011, la journaliste Kerry Dolan énonçait une évidence : la totalité des membres de cette caste ultra élitiste était masculine. Une décennie plus tard, rien n’a changé. En dehors de la période Isabel Dos Santos, la fille de l’ancien président angolais José Eduardo dos Santos, auparavant incluse dans le classement Forbes et aujourd’hui accusée par une enquête internationale d’avoir « siphonné les caisses du pays », il n’y a aujourd’hui pas une seule milliardaire africaine recensée. Même parmi d’éventuelles héritières. Une absence au plus haut niveau qui est à rapprocher de la part relativement faible occupée par les femmes dans la sphère des détenteurs d’actifs supérieurs au milliard de dollars, à l’échelle de la planète (seulement 327 femmes parmi les 2668 milliardaires recensés par Forbes, majoritairement des “filles ou femmes de… »).

Révélateur d’un environnement économique dynamique, ces milliardaires “Made in Africa” sont d’abord des autodidactes (12 sur 18) dont la moyenne d’âge est de 61 ans. Une proportion de self-made men nettement plus élevée par exemple qu’en Europe, où la reproduction capitalistique par le biais de l’héritage est plus forte, et qui est caractéristique d’économies en transition, au taux de croissance élevé. Quant à la durée moyenne nécessaire pour accéder au rang de milliardaire, elle est d’environ 3 décennies. Le temps de poser les fondations d’un modèle économique efficace et de capitaliser ensuite sur la durée.

Où vivent-ils ?

Sur les 54 pays que compte le continent, seuls 7 abritent les 18 milliardaires africains recensés, l’Afrique du Sud et l’Égypte comptant le plus de milliardaires (cinq chacun), suivis ensuite par le Nigeria, le Maroc (respectivement trois et deux milliardaires). Autrement dit, les deux bordures du continent (Maghreb et Afrique australe) auquel s’ajoute le géant nigérian. Au-delà d’un certain seuil de fortune, il semble donc que l’on pourrait reprendre la boutade qui veut que “certains soient plus égaux que d’autres”. Et pour cause, les pays précités ont pour eux 3 facteurs décisifs qui expliquent leur suprématie : un niveau de développement qui, à l’exception peut-être du Nigeria, les placent de facto dans le haut de la hiérarchie africaine ; un poids démographique important (la taille du marché solvable) ; et enfin le prisme déformant de l’évaluation boursière, la très grande majorité des fortunes africaines comptabilisées étant calculées sous la forme d’un patrimoine en actions cotées en bourse. Méthode habituelle d’évaluation des principales fortunes, mais néanmoins discutable car elle aura tendance à ignorer les patrimoines d’autres opérateurs ne disposant pas d’actifs financiers cotés (et donc difficilement évaluables) et à favoriser des ressortissants de pays aux marchés financiers relativement matures.

Comment ont-ils fait fortune ?

Dans son ouvrage “The Narrow Road : A brief guide to the getting of money (La route étroite : un bref guide sur comment obtenir de l’argent)”, feu Felix Dennis, un magnat britannique autodidacte de l’édition, évoquait la nécessité de choisir la “bonne” montagne pour entamer son ascension financière (“On choosing the right mountain”). En d’autres termes, trouver un secteur porteur dont les opportunités permettent de faire la différence sur une durée de temps suffisamment longue. La leçon a été parfaitement intériorisée par les milliardaires africains. Télécoms, finance, distribution, agroalimentaire, construction & immobilier… Tels sont les principaux secteurs qui ont fait la fortune de ce club très élitiste. L’explosion du marché des télécoms au cours des années 2000 aura par exemple généré dans son sillage la constitution de fabuleux patrimoines sur le continent (Sawiris, Adenuga, Mo Ibrahim mais aussi, à un niveau moindre, un Cheikh Yerim Sow en Afrique de l’Ouest). Aujourd’hui, les derniers arrivés de la liste (Benjelloun, Le Roux, Masiyiwa) sont plutôt actifs dans les secteurs financiers et technologiques. Quant à Aliko Dangote, première fortune du continent avec 13,9 milliard de dollars, il a initialement percé grâce à l’importation de ciment, avant d’ériger un puissant empire agroalimentaire (sucre, farine…) et de devenir le premier cimentier africain. Il oriente désormais ses efforts vers le raffinage du pétrole avec son méga-complexe pétrochimique de Lekki, un colossal projet de 19 milliards de dollars qui aura nécessité plus de dix ans de chantier.  Au final, avec Dangote comme avec les autres grands capitaines d’industrie africains, l’objectif est toujours le même : surfer à plein sur la demande et la forte croissance d’un secteur donné car comme l’aurait dit l’historien français Fernand Braudel, évoquant le grand capitaliste, dans son ouvrage « La dynamique du capitalisme », [ils ont pour eux] la supériorité de l’information, de l’argent, de l’intelligence [et savent] mieux que quiconque saisir autour [d’eux] ce qui est bon à prendre. Avis aux ambitieux…

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