Prenant acte de l’envol du streaming sur le continent, les plateformes musicales internationales et locales multiplient les initiatives sur le terrain. Un mouvement qui doit désormais profiter plus largement aux producteurs de contenu, les artistes africains.
Par Patrick Nelle
Porté par l’adoption croissante du smartphone, le déploiement du haut débit mobile et la réduction des coûts associés à la data (données internet), le streaming musical est en forte expansion sur le continent. Directeur général d’Universal Music Africa pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique francophone, l’ivoirien Franck-Alcide Kacou ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme que « le streaming représente une part de plus en plus significative de revenus musicaux générés sur le continent », la croissance des revenus du streaming musical en Afrique subsaharienne étant selon lui estimée « à plus de 20% par an ». De même, en abolissant les frontières géographiques, Internet connecte les musiciens africains à la diaspora et les expose davantage à une audience internationale, explique Davy Lessouga, auteur de l’essai « Musique et digital en Afrique francophone: Perspectives et enjeux ». Pour ce spécialiste du marketing, « avec la popularisation du streaming, la musique devient plus accessible tant pour les créateurs que pour les consommateurs ».
Près 50 millions d’utilisateurs africains pour la seule plateforme Boomplay
Un élargissement de la base de la clientèle qui n’a pas échappé aux plateformes musicales, tant internationales que locales. De fait, dans un contexte de montée en puissance du digital, des dizaines de plateformes de streaming musical (Joox, Apple Music, Boomplay, Spotify, Deezer, Simfy, Mdundo, Bimstr…) se disputent aujourd’hui les faveurs du public africain. Le chinois Boomplay a conquis près 50 millions d’utilisateurs tandis que Spotify s’est étendu à 39 pays d’Afrique subsaharienne. Cependant, bien qu’accueilli comme une aubaine face aux ravages de la consommation illégale de musique, notamment en ligne, via YouTube et des sites de partage de fichiers entre pairs (peer to peer), la récompense financière de ce nouveau canal de diffusion reste pour le moins décevante pour de nombreux artistes. Selon la société d’analyse américaine Alpha Data Music, sur 1,6 million d’artistes dont la musique a été mise à disposition sur les plates-formes en 2019, 1 % a capté 90 % des écoutes globales. En d’autres termes, le streaming musical n’a fait qu’accentuer l’inégalité préexistante entre une poignée d’artistes qui vivent confortablement de leurs revenus et l’immense masse de tous les autres, qui survivent tant bien que mal de leur art. « La combinaison de Boomplay à la gamme de produit de son propriétaire Tecno Mobile, a mis le streaming directement dans les mains des consommateurs. Cependant, les prix bas n’ont pas permis de rémunérer convenablement les labels de la région », confirme Davy Lessouga, en donnant l’exemple de l’application musicale (Boomplay) du constructeur de terminaux mobiles chinois Transsion, propriétaire des marques Tecno, Itel et Infinix.