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Réda Faceh : “L’Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre restent pour nous stratégiques en termes de développement”

Mastodonte de l’hôtellerie mondiale, le Groupe Accor figure, avec Marriott, Radisson et Hilton, parmi les « Big Four » de l’industrie hôtelière en Afrique. Réda Faceh, vice-président en charge du développement Afrique du Nord, de l’Ouest et centrale du groupe hôtelier, nous précise ici les contours et ambitions de la stratégie Accor pour le monde et pour le continent africain, où le groupe occupe la position de premier hôtelier en nombre de chambres.

Propos recueillis par Daouda Mbaye


Forbes Afrique : Le Groupe Accor est présenté comme le leader de l’hospitalité, avec 5 584 hôtels et 821 518 chambres répartis dans 110 pays à fin 2023. Quels sont les atouts fondamentaux du groupe en termes de taille de l’offre et de périmètres à travers le monde ?

Réda Faceh : Nos atouts, ce sont avant tout nos « Heartists® » [fusion de Heart & Artists, en référence aux collaborateurs des enseignes Accor qui mettent tout leur cœur dans chacune de leurs actions au quotidien, NDLR], ces femmes et ces hommes animés d’une passion sans limites, qui ne ménagent ni leurs efforts ni leur créativité pour susciter de nouvelles émotions et permettre à nos clients de vivre des expériences inspirantes. Nous innovons et développons sans cesse pour créer le plus d’opportunités possible, car l’humain a toujours été au cœur de notre culture. L’hôtellerie est avant tout et surtout une histoire de femmes et d’hommes, de partage et de générosité. Notre hospitalité s’étend au-delà des murs de nos hôtels. Avec l’écosystème le plus vaste et diversifié du secteur [plus de 40 marques d’hôtels allant du luxe à l’économie en passant par le lifestyle avec Ennismore, et une gamme tout aussi diversifiée de restaurants et de bars, de lieux de divertissement et de vie nocturne, d’espaces de coworking et de bien-être, NDLR], Accor offre de nouvelles manières de vivre, de travailler et de se divertir. Cette vision est parfaitement représentée par notre programme de fidélité, ALL (Accor Live Limitless), qui innove sans cesse pour être l’un des plus attrayants au monde.

« Nous innovons et nous développons sans cesse pour offrir à la clientèle des opportunités infinies, car l’humain a toujours été au cœur de notre culture »


Vous gérez plus d’une quarantaine de marques de resorts, aparthotels, maisons, villas… Est-ce que ce large spectre d’offre vous permet, entre autres, une réponse agile à la demande ?

R.F. : Le marché et les attentes des consommateurs ont fortement évolué ces dernières années et continueront à évoluer dans le futur, marquant les limites du « one size fits all » [approche unique, NDLR] qui a beaucoup inspiré l’hôtellerie et d’autres secteurs dans le passé. Il s’agit pour nous d’accompagner et d’anticiper les demandes de nos clients, de plus en plus complexes et diversifiées, et d’épouser les nouvelles tendances. Nous considérons qu’il est important d’offrir un choix d’expériences allant au-delà du combo logement-restauration. C’est ce que nous nous efforçons de faire, notamment à travers ce que nous appelons « l’hospitalité augmentée », l’idée étant de créer pour chacune de nos marques l’écosystème le plus diversifié possible.

L’évolution de notre portefeuille de marques hôtelières, de restauration, de coworking, etc. illustre parfaitement cette tendance. Elle s’inscrit aussi dans une stratégie qui consiste à offrir à nos partenaires développant des hôtels des solutions sur mesure pour leurs investissements[1], avec notamment des hôtels d’affaires, des resorts all inclusive, du lifestyle, de l’extended stay [hôtellerie de long séjour, NDLR], des résidences brandées et autres ; le but étant de fournir l’offre la plus appropriée et surtout, celle qui offrira la meilleure profitabilité à notre partenaire. Les résidences brandées sont le parfait exemple de l’évolution de notre offre et de notre préoccupation de la recherche de rentabilité pour nos partenaires : nous leur proposons, à travers la vente de ces résidences, de diversifier leur risque de développement, avec une composante immobilière qui va venir compenser, en partie, leur investissement sur la partie hôtelière. Sur un même projet, nous pouvons désormais proposer des marques pour chaque composante : hôtel et résidences brandées, restaurants, lieux de divertissement et de vie nocturne, coworking, etc.

Mövenpick Marrakech

Des défenseurs de l’environnement ont jadis pointé du doigt votre secteur. Où en êtes-vous avec cette transformation durable et votre concept « Too Good to Go » ?

R. F. : L’hospitalité se trouve au croisement de nombreuses activités, ce qui en fait un important vecteur de changement. Chez Accor, nous estimons qu’il est de notre devoir de façonner des voyages plus durables pour l’avenir. Pionniers du développement durable dans le secteur de l’hospitalité depuis plus de 30 ans, nous accélérons aujourd’hui notre transformation durable globale, afin de construire un modèle où nous rendons plus que ce que nous prenons. Nous travaillons ainsi en lien étroit avec nos propriétaires d’hôtels et nos équipes en vue d’intégrer le développement durable à toutes nos activités, et placer l’Humain et la Nature au cœur de nos préoccupations. Sur la base de cet engagement, nous mettons en œuvre le changement à travers une approche globale fondée sur trois piliers opérationnels qui couvrent l’ensemble du parcours hôtelier, de la conception à l’expérience client, en passant par les opérations.

Le premier pilier s’articule sur le « séjour » et il s’agit de rendre les opérations hôtelières plus durables. De la construction aux opérations du quotidien, nous sommes résolument engagés à respecter les limites naturelles de notre planète et à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Nous veillons donc à ce que nos hôtels soient conçus en tenant compte des défis posés par le développement durable, et nous transformons et optimisons les opérations hôtelières – gestion des déchets, consommation d’énergie et d’eau, élimination des plastiques à usage unique, promotion d’une économie circulaire… – jusqu’à l’intégration de nos propriétés dans leurs écosystèmes.

Le second pilier porte sur l’« alimentation ». Il consiste en l’adoption d’une chaîne alimentaire durable. À titre d’exemple, nous servons plus de 200 millions de repas par an dans nos 10 000 restaurants et bars, et la restauration représente 12 % de notre empreinte carbone. Notre rôle dans l’optimisation de la gestion des ressources est crucial pour contrôler et améliorer le cycle alimentaire « de la ferme à l’assiette ». Le partenariat initié en 2016 avec « Too Good To Go » [une application destinée à lutter contre le gaspillage alimentaire, NDLR] que vous mentionnez s’inscrit parfaitement dans cette démarche, qui vise à travailler sans relâche pour réduire le gaspillage alimentaire. Pour information, chaque année, un tiers de la production alimentaire mondiale est gaspillée. Dans les restaurants, ce gaspillage est estimé à 25 % des aliments. Il est donc urgent et important d’agir.

Enfin, le troisième pilier porte sur l’« exploration », à savoir la promotion de l’écosystème local et de nouveaux modes de voyage. Ainsi, nous nous efforçons de protéger activement l’environnement local et le patrimoine culturel de nos destinations, et de créer des liens significatifs avec les habitants. Nous tâchons également de développer une façon plus durable de voyager, d’encourager la mobilité verte et d’inspirer une exploration plus consciente, ainsi qu’une plus grande sensibilisation des clients à la façon dont ils peuvent eux aussi impacter positivement la destination et son environnement naturel et humain.

« Nous mettons en œuvre le changement, à travers une approche globale fondée sur trois piliers opérationnels qui couvrent l’ensemble du parcours hôtelier, de la conception à l’expérience client en passant par les opérations »


Actuellement, quelque 1 315 hôtels et 225 000 chambres sont en développement sous la direction du groupe. Ciblez-vous des zones prioritaires ? Quelle place réservez-vous à l’Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre en termes d’implantation ?

R. F. : En 2023, Accor a ouvert 291 hôtels, soit une capacité d’accueil de 41 000 chambres. Fin décembre 2023, le groupe disposait d’un parc hôtelier de 5 584 hôtels pour 821 518 chambres et, comme vous l’avez souligné, d’un pipeline de 1 315 hôtels pour 225 000 chambres. Ces chiffres témoignent de la volonté du groupe de poursuivre son développement et d’accroître son réseau.

L’Afrique francophone fait partie intégrante de cette stratégie. Nous sommes historiquement leaders dans cette région – où nous sommes implantés depuis plus de 40 ans – et comptons bien le rester, en accélérant notre développement sur les zones à fort potentiel. Y bénéficiant d’un réseau fortement étoffé, notre stratégie est de compléter notre collection d’adresses déjà existantes avec de nouvelles marques, et de nous développer sur les villes où ne sommes pas encore présents avec nos marques phares : Pullman, Mövenpick, Novotel et Ibis. Nous cherchons également à déployer nos offres resorts sur le Maroc, la Tunisie, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Ghana, le Gabon, etc.

« Nous sommes historiquement leaders en Afrique francophone et comptons bien le rester, en accélérant notre développement sur les zones à fort potentiel »

Nos marques de longs séjours, plus communément appelées Aparthotels ou « extended stay », correspondent parfaitement à la demande actuelle. Le premier, l’Adagio Casablanca City Center, qui consacre notre première implantation en Afrique du Nord, a ouvert ses portes en avril 2019, et un autre établissement du même type verra le jour à Abidjan dans quelques mois. Forts du succès d’Adagio, nous avons décliné des offres Aparthotels sur la plupart de nos marques avec notamment Pullman Living, Mövenpick Living, Novotel Living, Mercure Living, etc. Le premier Pullman Living d’Afrique devrait prochainement voir le jour à Accra, dans le cadre d’un combo avec un Pullman.

Nos nouvelles marques lifestyle, comme Tribe, ou plus « collections », comme Handwritten Collection [enseigne milieu de gamme, NDLR], pour ne citer que celles-ci, suscitent beaucoup d’intérêt et ne devraient pas tarder à se développer dans la région.

L’Afrique du Nord, de l’Ouest et du Centre ne sont pas toutes au même niveau de développement ni de maturité, mais restent pour nous stratégiques en termes de développement. C’est pourquoi nous restons à l’écoute de ces marchés.

« Nos nouvelles marques lifestyle, comme Tribe ou plus “Collections”, comme Handwritten Collection, pour ne citer que celles-ci, suscitent beaucoup d’intérêt et ne devraient pas tarder à se développer dans la région »


L’application mobile ALL (Accor Live Limitless) s’inscrit dans l’air du temps. En 2024, quelles nouveautés seront à la disposition d’une clientèle sans cesse élargie et changeante ?

R. F. : Nous avons souhaité donner un nouveau sens au concept de fidélisation, avec notamment une plateforme de réservation web et mobile tout-en-un [Le digital est un axe stratégique pour le Groupe Accor qui investit chaque année environ 45 millions d’euros dans des solutions digitales, NDLR], et ce n’est pas un hasard si c’est aujourd’hui le programme de fidélité le plus récompensé par les voyageurs ces trois dernières années.

Il est difficile de « spoiler » avant leur lancement les nouveautés qui seront annoncées en 2024/2025. Ce que je peux néanmoins vous confirmer, c’est que nous continuerons à diversifier et enrichir les partenariats uniques et les expériences exceptionnelles pour nos membres ALL. La collection d’expériences uniques d’ALL leur permet de vivre pleinement leurs passions au quotidien, en accédant au meilleur de la musique, du sport, de la gastronomie et du divertissement tout au long de l’année, dans des centaines de lieux. Des partenariats puissants permettent d’organiser plus de 2 000 événements uniques et exclusifs chaque année, avec un accès privilégié aux matchs du Paris Saint-Germain, à Roland-Garros, au Festival de jazz de Montreux, au Grand Prix de Voile, aux Masterclasses de Chefs avec IMG, pour n’en citer que quelques-uns.

Notre objectif est de faire vivre des expériences « money can’t buy », donc des expériences uniques et extraordinaires non disponibles sur le marché, comme une immersion à Roland-Garros avec une loge dédiée, un cocktail avec un joueur, ou bien l’accès à des maillots dédicacés des joueurs du PSG, ou à un tirage au sort pour que nos enfants vivent l’entrée d’un match à la main d’un joueur, mais aussi la possibilité de suivre un match au Parc des Princes dans le prolongement du banc de touche, etc.

« Notre objectif est de faire vivre des expériences “money can’t buy”, donc des expériences uniques et extraordinaires non disponibles sur le marché »

SO/


Bio Express I Réda Faceh

Sa carrière dans le Groupe Accor et dans l’hôtellerie a démarré en 2001 au Maroc, où il a été pendant huit ans directeur commercial pays pour l’ensemble des marques du groupe, allant de l’économie au luxe. En 2008, Réda Faceh est nommé directeur du développement pour le Maroc, avant d’élargir ses fonctions, en 2012, à l’Afrique du Nord. Promu en 2014 en qualité de vice-président en charge du développement, Réda Faceh s’est vu confier le développement de l’ensemble des marques Accor sur l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest. En 2023, ce périmètre est élargi à l’Afrique centrale, pour couvrir désormais 25 pays.

Réda Faceh

Accor En Afrique

Présent depuis plus de 40 ans sur le continent africain, Accor a été la première chaîne internationale à s’y implanter. Le groupe est aujourd’hui le premier hôtelier en nombre de chambres sur le continent avec 152 hôtels en exploitation sur 22 pays, à travers 12 marques. Son ambition actuelle est double : consolider sa place de leader en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest, avec notamment une densification de sa présence au Nigéria, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Ghana ; et se développer intensivement en Afrique Australe et en Afrique de l’Est dans des destinations à fort potentiel telles Johannesburg, Cape Town, Nairobi, Addis Abeba, Maputo, Dar Es Salam, Luanda, Kampala, etc. La stratégie d’Accor d’accélérer son développement en Afrique anglophone s’est notamment traduite par la mise en place d’un bureau régional à Johannesburg.


[1] Le business modèle du Groupe Accor est désormais « Asset Light », c’est-à-dire opéré principalement dans le cadre de contrats de gestion pour le compte d’investisseurs divers et variés. Ce sont donc les propriétaires/partenaires qui investissent et développent les hôtels qu’Accor gère pour leur compte. Dans le cadre de la phase de développement des hôtels, le groupe accompagne ces propriétaires à travers une mission d’assistance technique afin de leur transmettre son cahier des charges et standards ainsi que son expérience sur les différentes thématiques telles que les questions techniques, l’optimisation des plans, la décoration d’intérieur, etc.

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