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Richard Mille, Horlogerie De Haute Voltige

Créée en 2001 par l’homme du même nom, la marque de montres Richard Mille se distingue à bien des égards : quintessence de la très haute horlogerie alliant exigence et perfection, elle reste fidèle à la grande tradition horlogère suisse, tout en faisant preuve d’un esprit novateur et audacieux totalement en phase avec son temps. Fils de ce créateur visionnaire et sans compromis, Alexandre Mille nous emmène à la découverte de cette marque, qui occupe une place à part sur la scène horlogère internationale.   

Propos recueillis par Élodie Vermeil


Alexandre MILLE, Directeur Commercial ©Richard Mille

Forbes Afrique : Comment est née la marque Richard Mille ?

Alexandre Mille : Mon père a fait toute sa carrière dans l’horlogerie (à des postes commerciaux, puis comme directeur de division horlogère et joaillière). Après plusieurs années, il a finalement été un peu lassé de voir comment toutes les bonnes idées novatrices qu’il pouvait y croiser étaient à chaque fois tuées dans l’œuf, car elles ne convenaient pas aux critères d’un business plan traditionnel. Toute innovation était empêchée. Les seules fois où il est parvenu à ses fins sont celles où il a agi en électron libre, sans finalement attendre un accord de la direction. Fort de cette frustration accumulée pendant des décennies, il a décidé, à 50 ans, de lancer sa propre marque, en y mettant toutes ses économies. Son projet reposait sur trois idées fortes : un confort extrême au porté, donc un produit très ergonomique, un mouvement avec des finitions main les plus poussées possibles, qui soit visible à l’avant côté lunette et côté fond de boîte. 

 Avec la RM 001 Tourbillon, l’idée était d’honorer l’horlogerie traditionnelle, tout en essayant de l’amener vers quelque chose de complètement nouveau, inspiré par l’art, l’architecture et l’automobile, l’innovation et la technique devant être au cœur du projet..


Pouvez-vous nous parler de la RM 001 Tourbillon, la toute première montre de la marque ?

A. M. : La toute première montre a été pensée comme un renouveau complet par rapport à ce qui existait déjà dans l’industrie de l’horlogerie. Mon père ne s’est fixé aucune limite, que ce soit au niveau recherche et développement (R&D) ou financier, et n’a fait aucune étude de marché non plus. Ce premier développement, en association avec le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et Audemars Piguet Renaud & Papi (APRP, aujourd’hui APLL), a pris des années. L’idée était d’honorer l’horlogerie traditionnelle, tout en essayant de l’amener vers quelque chose de complètement nouveau, inspiré par l’art, l’architecture et l’automobile, l’innovation et la technique devant être au cœur du projet. C’est ainsi qu’a été créée la RM 001, une montre tourbillon produite en 17 unités, présentée pour la première fois au Baselworld 2001 (le Salon mondial de l’horlogerie). Esthétiquement, elle cassait tous les codes de ce qui avait été fait jusqu’alors. De plus, elle avait été conçue afin que le tourbillon puisse résister aux chocs extrêmes. Une véritable révolution à l’époque.

Collection_03-Archive_Men_RM001_34FRONT- ©Didier Gourdon

Et un coup d’éclat qui a marqué le début de la saga Richard Mille, ainsi que celui d’une nouvelle ère horlogère… 

A. M. : Oui, à partir de ce moment, les premières commandes sont arrivées, la RM 002 a été lancée, puis les autres. Les premières références avaient toutes une identité très forte, avec des fonctions propres à l’automobile et/ou des matériaux totalement innovants – dont les multiples vertus étaient adaptées à nos pièces – issus de l’aérospatiale. Puis mon père a rencontré Rafael Nadal. Nous souhaitions qu’il devienne notre partenaire, néanmoins, cela imposait une contrainte de taille : qu’il porte sa montre RM durant toutes ses compétitions. Ce que Rafa a immédiatement refusé en raison d’une gêne qui aurait pu se ressentir durant son jeu (ergonomie, poids, accrocs…), entravant ses gestes et donc ses performances. Mon père l’a pris comme un défi. À son tour, il a challengé nos équipes R&D et après sept prototypes, nous avons réussi, en 2010, à obtenir la montre RM 027 Tourbillon Rafa Nadal. Pour la première fois, on voyait une montre tourbillon au poignet d’un joueur de tennis en action. En termes de visibilité, cette exposition a vraiment été très importante pour nous. Nous avons, par la suite, noué de nombreux partenariats de ce type (parmi ses partenaires, la marque compte notamment le champion de Formule 1 Alain Prost, le danseur et chorégraphe Benjamin Millepied, l’actrice Michelle Yeoh, le sprinteur Wayde van Nierkerk, ou encore l’artiste Pharrell Williams, pour ne citer qu’eux, NDLR).


Quelles sont les valeurs qui sous-tendent le business model Richard Mille et expliquent son succès auprès d’amateurs de haute horlogerie issus d’horizons si différents ?

A. M. : Notre expansion s’est toujours effectuée autour de deux principes : être loyal et mettre la R&D au cœur de nos développements, ce qui nous permet de continuer à créer en permanence de nouveaux modèles. Une fois que nous sentons que nous avons la bonne idée, rien ne nous arrête, même si le développement doit durer sept ans. Certains modèles ont nécessité huit années de développement pour une série de dix pièces.

En fait, Richard Mille a vraiment commencé à acquérir ses lettres de noblesse lorsque le public a compris que nous étions intègres. Montre après montre, ils ont vu que nous arrivions avec des propositions totalement différentes des précédentes. Cela a entraîné une adhésion énorme. Et nous avons aussi entrepris un très grand nombre d’actions marketing et communication qui ont contribué à accroître cette compréhension et notre notoriété.

Rafael NADAL

Quelle est votre stratégie de production ? 

A. M. : Notre stratégie a toujours été de produire un petit peu plus chaque année. Au vu de l’extrême complexité à produire nos pièces, il n’est pas rare que nous fassions face à des imprévus impactant nos délais de production.  

Depuis le début, notre choix est de considérer que si une pièce « a fait son temps », nous déterminons à un moment de sortir la référence de la collection. C’est ce qui se passe au bout de cinq ans généralement pour les références produites en éditions non limitées.

Ces trois dernières années, nous avons lancé une dizaine de nouveaux modèles par an. Notre rythme de création est donc extrêmement soutenu avec, à chaque fois, des expertises additionnelles pour nos horlogers. Afin de pouvoir maintenir ce rythme, nous devons faire des choix et épurer la collection existante. En 2022, nous avons produit 5 300 pièces, et nous espérons atteindre les 5 600 pièces cette année. 


Peut-on estimer le coût de production d’une montre Richard Mille ?

A. M. : Ce n’est absolument pas quantifiable. La logique est celle que mon père a mise en place depuis le début : nous ne quantifions pas nos coûts de R&D. Chaque référence est totalement différente d’une autre, et conçue sans aucun compromis. C’est ce qui fait notre force… et notre faiblesse, en raison de coûts exorbitants. Pour chaque création, nous repartons d’une feuille blanche, même si nous réutilisons bien sûr les connaissances déjà acquises.

Pour chaque montre, les choix créatifs ont des répercussions directes sur la production et cela crée du challenge pour nos équipes. Par exemple, d’une couleur à l’autre, les composants chimiques au contact d’un matériau comme le Quartz TPT® réagiront différemment aux tests d’étanchéité et du REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals). Chaque détail entraîne de réelles conséquences. Dans n’importe quelle industrie, ce sont des raisons qui peuvent réfréner ; pour nous, ce sont au contraire des raisons d’essayer, d’apprendre, d’aller de l’avant.

Chaque référence est totalement différente d’une autre, et conçue sans aucun compromis. C’est ce qui fait notre force… et notre faiblesse, en raison de coûts exorbitants. Pour chaque création, nous repartons d’une feuille blanche, même si nous réutilisons bien sûr les connaissances déjà acquises..

RM 52-05 Pharrell WILLIAMS_RM52-05_PW_6H_WB ©Richard MILLE

Quels sont vos principaux marchés et quelle place y occupe le continent africain ? 

A. M. : Nous avons quatre marchés répartis de la sorte : 30 % de notre production (et donc de notre chiffre d’affaires) est destiné aux Amériques ; 30 % à la zone Europe/Moyen-Orient/Afrique ; 30 % à la zone Asie ; et 10 % au Japon. Nos clients voyagent énormément et sont à même d’acheter n’importe où. À l’heure actuelle, nous n’avons pas de boutiques sur le continent africain. En effet, nous avons des vitrines vides dans les boutiques existantes, en raison d’une production ultra limitée et d’une demande de plus en plus forte.  


Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre stratégie de vente ?


Pour finir, s’il fallait ne retenir qu’une montre parmi vos éditions limitées, laquelle serait-ce ? 

A. M. : Nous pourrions parler par exemple de la RM UP-01 Ferrari, lancée en juillet 2022 et qui a sans doute été notre plus gros challenge de ces dernières années. C’est une série limitée de 150 pièces, ce qui est un vrai défi. Réussir à produire autant d’unités de ce modèle si particulier au mouvement extra-plat avec une épaisseur de boîtier si fine (1,75 mm d’épaisseur) a été particulièrement compliqué et fut une vraie prise de risque. 

Savoir-faire_RM UP-01 SF 01_©Richard Mille
©Richard MILLE_Collection_02-Limited Edition_RM UP-01 3-4 BACK SIDE A BB-2

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