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Rova, la marque qui a lancé le caviar malgache

Lancée à la fin des années 2000, la filière montante du caviar malgache est aujourd’hui étroitement associée à un nom, Rova Caviar. Une étonnante aventure entrepreneuriale portée par trois associés français, qui ont su imposer le savoir-faire de la Grande Île sur ce très sélectif marché mondial. 

Par Hery Andriamiandra

Connue pour la qualité de sa vanille et son cacao, Madagascar ambitionne désormais de briller dans une autre filière, celle du caviar. Une initiative portée en premier lieu par l’entreprise Rova Caviar Madagascar, qui gère l’exploitation piscicole Acipenser, située à 60 kilomètres au nord de la capitale malgache Antananarivo. Perchée à 1 400 mètres d’altitude, au bord du lac artificiel de Mantasoa, la ferme acipenséricole- dont le nom renvoie aux esturgeons- est aujourd’hui l’une des deux seules à produire du caviar dans tout l’hémisphère Sud, avec celle de Baygorria, en Uruguay, la quasi-totalité de la production mondiale (300 tonnes annuelles) étant réalisée par la Chine, l’Italie, la Russie et l’Iran.

Proposé aux hôtels et restaurants de luxe sous la marque Rova– une allusion directe au Rova de Manjakamiadana, l’ancienne demeure officielle des souverains de Madagascar- ce savoir-faire d’excellence malgache est d’abord le fruit d’une aventure entrepreneuriale portée par un trio de français, installés sur la Grande Île depuis la fin des années 1990. Présents jusqu’alors sur le segment de la confection de prêt-à-porter de luxe, Delphyne Dabezies Guiraud, son époux Christophe et leur associé Alexandre Guerrier n’étaient pas a priori destinés à intégrer cette filière aussi prestigieuse qu’exigeante qu’est le caviar. De fait, c’est par le plus grand des hasards, en 2008,  que les 3 compères ont eu l’idée de se lancer dans l’élevage d’esturgeons, en regardant un reportage de l’émission française « Thalassa », consacrée à une ferme piscicole en Aquitaine. « Nous nous sommes dit : pourquoi ne pas tenter ce challenge à Madagascar ? », se rappelle encore Delphyne Dabézies, la directrice de Rova Caviar Madagascar.

Lancement

Habitués à passer leur week-end dans le village de Mantasoa, « la Forêt noire malgache », où se trouve le lac artificiel Mantasoa, à une heure et demie de route d’Antananarivo, les cofondateurs de Rova Caviar Madagascar effectuent dans un premier temps une étude de marché pendant 6 mois auprès de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la Mer (Ifremer). Celui-ci confirme rapidement les atouts du site lacustre de 2 000 hectares, dont la pureté des eaux offre des conditions idéales pour l’élevage des esturgeons. C’est ainsi que les trois entrepreneurs décident de lancer leur ferme piscicole, qui comprend aujourd’hui un site « terre », créée en 2009 et un site « lac », démarré en 2015, accueillant les poissons dans trente cages géantes lorsqu’ils atteignent le poids de 500 grammes. Au total, c’est dix années qui auront été nécessaires pour construire l’exploitation Acipenser et importer l’ensemble des espèces souhaitées, explique Delphyne Dabézies. Une manière de rappeler qu’avant de vendre (cher) du caviar, le métier requiert d’abord beaucoup de patience : selon les espèces d’esturgeons, cinq à seize ans sont nécessaires pour qu’une femelle produise son premier caviar. Une durée « naturellement incompressible, car celle-ci est un élément clé de la rareté et de la qualité du caviar », souligne la cofondatrice d’Acipenser, qui précise par ailleurs que « 80 % de l’alimentation destinée aux poissons est fabriquée à partir d’intrants achetés localement ». Une démarche qui a permis à la ferme Acipenser d’être labellisée éco-responsable  et certifiée AFAQ ISO 14001 dès 2018.

Six espèces

Six espèces d’esturgeons, qui se sont toutes bien acclimatées à l’eau du lac et à sa température, (entre 15 °C et 18 °C selon les mois de l’année) sont élevées sur le site : parmi celles-ci, l’esturgeon sibérien, qui produit le caviar de Baeri après cinq à sept ans, a été le premier introduit (en 2013), suivi ensuite de l’esturgeon Gueldenstaedtil dont on tire, après sept à onze ans, le caviar « Osciètre ». La ferme élève par ailleurs dans ses bassins, depuis 2016, le « roi » des esturgeons, l’imposant béluga, dont les œufs sont les plus prisés des connaisseurs. Un plaisir qui se mérite puisqu’il faut compter entre douze et seize années pour que les grains atteignent la taille requise (de 3 à 4 millimètres de diamètre) et plusieurs milliers d’euros pour s’en offrir l’équivalent d’un kilo.

Le trio d’associés français a par ailleurs initié l’élevage de deux espèces beaucoup plus rares, l’esturgeon « à ventre nu », connu pour son caviar Shipova et l’esturgeon Persicus, une espèce un temps déclarée disparue et dont est issu le très réputé caviar iranien. « Son élevage relève d’une mission impossible et, après des années de recherche, notre exploitation est l’une des très rares fermes dans le monde à avoir accompli cette performance », se félicite Delphyne Dabézies. Un exploit salué officiellement par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction(CITES), qui a  remis l’espèce sur sa liste en 2017. Toujours menacée d’extinction, certes, mais désormais existante !  Enfin, l’esturgeon Sevruga est exploité au sein de la ferme Acipenser depuis 2019, ce qui signifie qu’il faudra attendre encore de nombreuses années avant que les femelles puissent donner le caviar Sevruga, particulièrement recherché par les amateurs pour la finesse de ses grains et son goût unique.

300 collaborateurs

Quant au personnel, c’est quelques 300 collaborateurs qui travaillent au quotidien sur l’exploitation piscicole. Des employés originaires, dans leur grande majorité, du proche village d’Ambatoloana, et qui grâce à une politique de formation continue, « évoluent progressivement au sein de l’entreprise, en découvrant les différents métiers de la pisciculture », tient à rappeler la direction de Rova Caviar Madagascar. Dans la pratique, ce sont eux qui gèrent les dix-neuf grands bassins, l’écloserie, la zone dédiée au pré-grossissement, la provenderie (lieu de production de la nourriture de poissons) et enfin, le laboratoire de transformation où toutes les opérations relatives à l’extraction du caviar des gonades (les poches d’œufs) s’effectuent. Le tout a été construit sur  les 8 hectares du site « terre », au bord de la rivière alimentant le lac Mantasoa, situé plus en aval. Au total, c’est plus de quatre tonnes annuelles de caviar malgache qui sont produites par l’exploitation piscicole, indique Delphyne Dabezies qui, de fait, anticipe déjà une hausse de l’activité, les élégantes boites sombres de caviar Rova trouvant de plus en plus leur clientèle au sein des établissements gastronomiques les plus réputés de Madagascar et à l’international (Afrique du Sud, Dubaï, France, Maurice, Seychelles…). Car après avoir investi lourdement (les trois confondateurs n’ont pas souhaité communiqué sur leurs engagements financiers) et élevé pendant de longues années les précieux esturgeons, vient nécessairement le temps où il faut vendre et « faire du chiffre ». Au-delà de la rhétorique parfaitement huilée sur l’éco-responsabilité et l’excellence du savoir-faire- tout à fait justifiée-, une activité commerciale reste une activité commerciale, qui se doit d’être rentabilisée.  

S’imposer commercialement

À cet effet, la première présentation mondiale du caviar produit par Rova Caviar Madagascar s’est déroulée au salon international de la gastronomie SIRHA de Lyon, fin  janvier 2017. Au second semestre 2018, c’est dans les établissements les plus prestigieux des îles de l’océan Indien que les produits Rova ont été présentés, à l’image du Four Seasons Resort Mauritius d’Anahita, de l’Oberoï Beach Mauritius, du Labourdonnais, du Constance Prince ou encore du Château Heritage de Bel Ombre… Autant d’adresses culinaires prestigieuses qui ont depuis inscrit les caviars Rova sur leurs cartes. Cerise sur le gâteau, en janvier 2019, ce sont les présidents Hage Geinob de Namibie, Nana Akufo-Addo du Ghana, l’ancien président français Nicolas Sarkozy et le nouveau président malgache, Andry Rajoelina qui ont apprécié la qualité des caviars venus de la ferme Acipenser, lors du déjeuner de gala qui s’est déroulé au Palais d’Etat d’Iavoloha, après l’intronisation officielle du président malgache. Une consécration de plus pour la jeune maison Rova Caviar, qui conforte de la sorte son statut de nouveau fleuron du savoir-faire malgache.  

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