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Stephan Winkelmann, Président de Lamborghini : “Quand on parle d’excellence, on parle aussi de rareté”

En 2021, Lamborghini, la célèbre marque au taureau, a battu des records, avec des ventes en hausse de 13 % et un chiffre d’affaires de 1,95 milliard d’euros (+19 %). À l’origine de ce succès, Stephan Winkelmann, artisan de l’expansion de la marque dans les années 2000, revient pour Forbes Afrique sur ce qui rend Lamborghini unique dans le monde automobile, et nous expose les perspectives du groupe dont il a repris la tête en décembre 2020.

Propos recueillis par Élodie Vermeil


Forbes Afrique : Pouvez-vous nous présenter la marque et l’univers Lamborghini ?

Stephan Winkelmann : Lamborghini est une marque italienne de voitures Super Sport (SS), dont le siège et le site de construction se trouvent en Italie à Sant’Agata Bolognese (région Émilie-Romagne, NDLR), où la marque a vu le jour en 1963. Nous produisons trois modèles : deux modèles Super Sport, l’Aventador et le Huracán, et un modèle Super Sport SUV baptisé Urus. Nous devons notre succès à deux éléments essentiels : le design et la performance. Plus que de la mobilité, nous fournissons avant tout du rêve, ce qui est fondamental pour nous. Aujourd’hui, nous sommes présents dans le monde entier. Dans les années à venir, nous allons revoir l’ensemble de nos gammes de produits afin d’être plus durables, tout en livrant à nos clients des modèles plus performants. Notre entreprise emploie un peu plus de 2 000 personnes, et nous allons de nouveau avoir une très belle année, ce qui est important pour nous, car nous réinvestissons dans l’avenir. Notre stratégie est particulière en cela qu’elle englobe deux secteurs ayant chacun leurs spécificités et complexités propres, à savoir l’industrie automobile et le marché du luxe. Cela signifie que nous ne nous contentons pas de développer, produire et vendre des voitures, mais que nous prenons également soin de nos clients, à travers l’organisation de nombreuses activités et events VIP que l’argent ne peut acheter, comme des rencontres ou tests de conduite, des essais libres pour nos clients sportifs, le Lamborghini Super Trofeo (le championnat monomarque le plus rapide au monde, organisé par le département Squadra Corse, branche de l’entreprise dédiée à la compétition automobile, NDLR) et autre. Par le biais de nos différentes concessions, nous invitons nos clients à des événements menés aux quatre coins du monde, généralement dans des lieux de grande importance historique, patrimoniale et culturelle. Voilà un peu en quoi consistent la marque et l’univers Lamborghini.

“ Plus que de la mobilité, nous fournissons avant tout du rêve ”


Vous créez donc tout un écosystème autour de la marque et de l’interface client…

S. W. : Exactement, pour nous, il ne s’agit pas seulement de fournir un produit, mais de plus en plus, de créer un sentiment d’appartenance et de communauté auquel adhèrent les amoureux des voitures en général et de nos voitures en particulier.


Parlant de sentiment d’appartenance et d’exclusivité réservé aux clients Lamborghini, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le concept des Few-Offs ?

S. W. : Oui. Nous avons comme je l’ai dit trois modèles qui sont les modèles de base. À côté de cela, nous produisons ce que j’appellerais des « versions ouvertes ». Nous avons notamment un programme entièrement dédié à la personnalisation des modèles Aventador et Huracán, le programme Ad Personam, qui permet à chaque client de créer sa propre Lamborghini à partir d’une infinité de combinaisons possibles s’étendant des couleurs aux matériaux. En dehors de cela, nous développons aussi de temps en temps des voitures que nous appelons Few-Off, modèles à carrosserie spéciale produits en nombre très limité, de l’ordre de la centaine. Nous réservons ces modèles, dont le prix moyen se situe aux alentours de 2 millions d’euros, à nos clients les plus fidèles. En imaginant et en créant ces objets de collection, nous sommes à même de satisfaire la demande de clients qui aspirent toujours à des modèles plus personnalisés que les autres. Ce désir d’individuation, le fait de vouloir quelque d’absolument unique, que personne d’autre ne possède, est une tendance forte de notre secteur.


Quel est le profil du client Lamborghini ?

S. W. : La majorité est masculine, composée de personnes se trouvant à un stade avancé de réalisation professionnelle, généralement passionnées et esthètes. Beaucoup de nos clients travaillent dans la finance, l’industrie du sport ou le cinéma… L’âge moyen des détenteurs de Lamborghini diminue, et est aujourd’hui d’environ 45 ans. Ces profils sont tous très amoureux du made in Italy et des voitures de sport, et ils possèdent souvent au moins cinq autres véhicules dans leur garage.


Pourriez-vous nous parler plus en détail du SUV Urus – 5 021 exemplaires livrés en 2021 alors que vous misiez initialement sur 3 500 par an – et nous dire ce qui rend ce modèle si spécial aux yeux des consommateurs ?

S. W. : Il est certain que le design et les performances sont au rendez-vous sur ce modèle, mais ce qui fait la spécificité de l’Urus, c’est qu’elle associe l’âme d’une supersportive et la praticité d’un SUV tout en étant dotée de cinq places, ce qui en fait aussi un modèle familial, contrairement aux Super Sport. Avant, beaucoup de personnes qui rêvaient d’une Lamborghini y renonçaient précisément pour des raisons familiales, notamment de place. C’est un engin très facile à conduire et qui permet de parcourir tous types de terrains, doublé d’une voiture aux lignes pures et aux performances remarquables. La combinaison gagnante en somme. Plus spécifiquement, les gens apprécient son assise élevée, le sentiment de sécurité qu’elle procure, et tout ce qui a trait à l’univers de ce modèle.


Vous dites ne pas courir après les parts de marché. Quelle est votre stratégie de production pour rencontrer le point d’équilibre entre rentabilité et exclusivité ?

S. W. : Quand on parle d’excellence, on parle aussi de rareté. Nos voitures sont avant tout conçues pour de véritables passionnés, et elles présentent un coût de développement élevé, en raison de la qualité des matériaux et de la technologie entrant dans leur fabrication. Tout cela réduit à coup sûr les volumes de production, d’autant que l’une des valeurs phares que nous défendons chez Lamborghini est aussi la durabilité de nos véhicules dans le temps. D’une part — particulièrement dans notre cas et sur notre segment de marché —, vendre moins que la demande est une bonne stratégie, car cela suscite le désir. D’autre part, nous ne pensons pas tant en termes de volumes que d’opportunité de dégager suffisamment de bénéfices pour réinvestir dans l’avenir, et maintenir ainsi ce qui fait l’ADN de la marque. À savoir la création de chefs d’œuvre de design et de technologie continuant de faire rêver non seulement ceux qui ont les moyens de se les offrir, mais aussi tous les autres, qui nous suivent par millions sur nos réseaux sociaux. Cette gigantesque fan base (plus de 50 millions de followers toutes plateformes confondues, NDLR) nous rend particulièrement fiers, car cela prouve que les gens aiment nos voitures même s’ils ne peuvent pas en posséder, ce qui fait de nos véhicules bien davantage que de « simples » produits de consommation.


Vous avez entre autres la charge de mener à bien l’électrification de Lamborghini d’ici 2028. Quel est le sentiment des clients vis-à-vis de cette orientation de la production, sachant que le « chant » de vos modèles influe grandement la décision d’achat des amateurs ?

S. W. : Effectivement, dans les deux prochaines années, donc en 2023 et 2024, nous allons convertir l’intégralité de notre gamme à l’hybride, et, dès 2025, tous nos modèles seront des hybrides rechargeables (en 2019, au salon de l’automobile de Francfort, la marque au taureau a déjà présenté la Sian FKP 37 Hybrid, une version limitée, produite à seulement 63 exemplaires, NDLR). Nous maintiendrons les moteurs thermiques, mais nous ajouterons également la technologie hybride, qui va nous permettre de réduire notre empreinte environnementale en abaissant nos émissions de CO2 de moitié. L’étape suivante sera la mise au point de notre quatrième modèle et première supercar 100 % électrique, elle aussi polyvalente et utilisable au quotidien, prévue pour 2028. Pour ce qui est de nos clients, ils ont intégré ces normes et les acceptent, d’autant que ces nouveaux modèles seront plus performants en termes d’accélération, de vitesse de pointe et de tenue de route. Néanmoins, beaucoup d’entre eux se ruent sur les modèles actuels, qu’ils considèrent en quelque sorte comme les « derniers de leur espèce », ce qui contribue à faire grimper les cotes sur le marché de la collection et remplir notre carnet de commandes, avec un délai de livraison passé à 18 mois. C’est un subtil équilibre : nous devons être en phase avec la réglementation, mais aussi avec les rêves de nos clients.


Quels sont vos principaux débouchés et où se situe exactement l’Afrique dans votre stratégie de développement ?

S. W. : Lamborghini reste une marque très forte et bien distribuée à travers le monde (le nombre des concessionnaires Lamborghni à l’international devrait prochainement passer de 173 aujourd’hui à environ 190, NDLR). Notre principal marché, et de très loin, c’est les États-Unis, suivis par la Chine, les marchés allemand et britannique, le marché japonais, le Moyen-Orient, l’Italie, un peu la Corée, et la France. Voilà pour le Top 10. Pour simplifier, l’Amérique du Nord est un marché très important pour nous, mais aussi l’Europe et l’Asie-Pacifique, avec une répartition un tiers, un tiers et un tiers. En Afrique, nous ne couvrons malheureusement qu’un seul marché jusqu’à présent : l’Afrique du Sud, où nous rencontrons néanmoins un beau succès. Aujourd’hui, le plus gros point de blocage pour entrer sur le marché africain, c’est plus ou moins toujours la qualité des infrastructures et aussi parfois celle de l’essence. Nous procédons donc marché par marché — et pas seulement en Afrique — afin de voir quelles opportunités peuvent s’offrir à nous.


Crédit-photo : Automobili Lamborghini

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