Depuis près de deux décennies, Thomas Mondo code et décode les dernières tendances. Influenceur de la première heure et spécialiste du luxe depuis 2005, il affiche une solide expérience dans le branding, la publicité et le digital. À la tête de l’agence en stratégie et création Bel-Ami, ce citoyen du monde l’affirme sans détour : dans le marché du luxe, c’est désormais l’Afrique et la culture « afro » qui donnent le la.
Par Dounia Ben Mohamed
Si le luxe était une science, Thomas Mondo serait l’un de ses théoriciens. À la fois acteur et observateur avisé du secteur, il navigue dans cet univers depuis plus de quinze ans. Davantage qu’une passion : une vocation qu’il aura mis des années à trouver.
Le marketing et la communication : une vocation
« Je suis issu d’un parcours suivi à la fois en France et au Cameroun », précise Thomas. « J’ai commencé ma scolarité au Cameroun avant de poursuivre, à partir de la classe de troisième, en France. Je me suis d’abord orienté vers la littérature, la philosophie, les langues puis les sciences économiques, et ai fini par opter pour le marketing et la communication, qui se sont avérés une vocation. »
Après un master décroché en école de commerce, il fait ses premières armes dans une activité alors méconnue, mais qui se révélera essentielle pour la suite de sa carrière : le planning stratégique. Il multiplie les expériences au sein d’agences prestigieuses comme Ogilvy et TBWA, puis intègre le groupe Publicis « suite à un coup de foudre intellectuel ». Là, il élabore les stratégies et campagnes de communication de grandes maisons, se constituant progressivement un nom et un réseau de taille : Hermès, Boucheron, Maserati, Clarins, Club Med, Le Printemps, Perrier-Jouët, Audemars Piguet…
Le regard acéré, le style acerbe, un flair sans pareil pour décrypter les tendances, il est le cofondateur du blog Darkplanneur (2005-2017), référence marketing qui sera même citée dans l’éminent New York Times.
Parallèlement, il tente de nouvelles expériences : chroniqueur tendances pour GQ, GQ.fr et Vogue.fr pendant trois ans, puis chroniqueur média sur Europe 1 aux côtés d’un certain Marc-Olivier Fogiel, auprès duquel il apprendra « l’art des punchlines ». En 2010, il participe à la création du master en marketing du luxe de l’ESG (École supérieure de gestion), où il dispensera des cours de communication du luxe pendant sept ans. En 2016, cet esthète dans l’âme ajoute une corde à son arc en devenant commissaire de la dernière exposition du grand Malick Sidibé, Swinging Bamako, aux Rencontres de la photographie d’Arles.
L’avènement du « Black Luxury », ou l’universalisation du luxe
Au bout de douze ans chez Publicis, Thomas a le sentiment d’avoir fait le tour du sujet et décide de monter sa structure. « Il était temps d’investir en moi, de croire en mes convictions, et surtout de m’affranchir de “certaines discriminations”. L’aventure Bel-Ami a commencé grâce à un appel d’offres remporté face à Havas pour le compte du groupe Kering, et depuis 2017, nous creusons notre sillon avec la volonté d’accompagner aussi bien les grandes maisons que les start-up dans une relation complice et juste ». Ses clients : Dior, Hôtel de Crillon, Ba&sh, Liaigre, Maison Francis Kurkdjian, Louis Vuitton, Messika, 404 Place Vendôme, Vanessa Wu, Jendaya…
L’expérience Swinging Bamako l’a conforté dans le sentiment que l’Afrique et ses diasporas occupent une place prépondérante dans la culture contemporaine et le luxe mondial, tant en termes d’inspiration que de consommation : « L’Afrique est une grande consommatrice de luxe. Les Africains ont le sens de la qualité, au sens dogmatique du terme, et ce depuis toujours : les Égyptiens font partie de ceux qui ont inventé l’idée même du luxe », explique-t-il. « Le luxe tel qu’on l’a longtemps défini, c’était d’abord une notion purement occidentale avec le made in France, puis le made in Italy, mais aujourd’hui, le marché a muté et on assiste à l’avènement de ce que j’ai appelé le “Black Luxury” (un concept présenté au Salon du luxe 2018 à Paris, NDLR), avec des porte-étendard comme Thebe Magugu, Fenty Beauty, le champagne Armand de Brignac, Jendaya, etc. Le luxe s’est universalisé, et au sein de cette industrie globalisée, l’Afrique doit endosser et assumer son rôle de leader. »
Car l’industrie du luxe, désormais métissée, a besoin des afro-descendants et des Africains pour pallier le vide laissé par la clientèle asiatique. Sans compter que le marché est largement drivé par la culture hip-hop — « la nouvelle pop mondiale » — et le streetwear, comme en atteste le succès de la collection Air Dior, ou la collaboration de Louis Vuitton avec Supreme, célèbre marque de skate auréolée hype. « Depuis les années 80, les clips de hip-hop sont des hymnes au luxe. Quand Jay-Z, Drake ou Rihanna clament leur amour pour Audemars Piguet, Richard Mille ou Dom Pérignon, ils célèbrent un art de vivre opulent, ce qu’est et aime le luxe. D’une certaine façon, le hip-hop s’est toujours nourri du luxe, perçu comme un signe d’élévation sociale. Tu imposes ta présence, ton lifestyle, tu montres ta valeur par ta montre, ta sape, ton art de sortir du lot. Et si dans les années 60, Audrey Hepburn était l’icône mode de Tiffany & Co., aujourd’hui c’est le couple Beyoncé/Jay-Z qui en assure la promotion. » CQFD.
Crédit-photo : Philippe Chanet, Forbes Afrique