Chef atypique du restaurant gastronomique La Villa Alfira, à Abidjan, Charlie Koffi crée des assiettes inspirées de l’Afro fusion. Fervent défenseur d’une cuisine ivoirienne engagée, il milite pour que celle-ci fasse la promotion des produits locaux.
Par Michée Dare
« Au-delà de notre cuisine sur mesure, nous proposons à nos hôtes un cadre convivial, dans un dépaysement total »
Le lien entre génétique et cuisine pourrait être bien plus étroit qu’il n’y paraît. Pour preuve, le parcours du chef ivoirien Charlie Koffi, créateur du restaurant La Villa Alfira, à Abidjan. Né en Côte d’Ivoire, il rejoint la France à l’âge de 5 ans. Plus tard, son bac en poche, il s’inscrit à l’université de Bordeaux, pour y entamer des études en génétique. À l’occasion d’un job de vacances, le jeune homme découvre par hasard le monde de la cuisine. D’abord commis de cuisine, il gravit les échelons, et devient rapidement chef de partie. Au fil des années, la cuisine l’occupe de plus en plus. À tel point qu’il décide finalement de tourner le dos au monde universitaire pour embrasser une carrière de chef cuisinier.
Lorsqu’on lui demande aujourd’hui pourquoi il a préféré la cuisine à une carrière de chercheur, la réponse fuse : « En cuisine, je ne vois pas le temps passer et je peux m’exprimer pleinement. Pour moi, plus que de la cuisine, nous pratiquons de l’art ». Avant de diriger son propre restaurant, le jeune homme va servir dans les plus hauts lieux de la gastronomie française, y compris au château de Versailles. Et il multiplie les expériences, notamment dans le monde viticole : « J’ai exercé en tant que chef traiteur à Bordeaux et j’ai ainsi eu l’honneur de travailler avec de grands châteaux bordelais comme le Château Lafitte Rothschild, le Château Cheval Blanc ou le Château de la Ligne. J’étais en charge de l’organisation de divers événements, dont des mariages ». Plus tard, il consacrera également quelques années à transmettre son savoir culinaire dans des établissements de formation à La Réunion et à Mayotte.
« En cuisine, je ne vois pas le temps passer et je peux m’exprimer pleinement »
Le pari réussi du bio
Fort de ce parcours éclectique, il décide, en 2018, de rentrer en Côte d’Ivoire pour y concrétiser son rêve, en compagnie de son épouse : ce sera La villa Alfira. Un lieu qui se veut plus qu’un restaurant, comme il l’explique : « La villa Alfira est un espace offrant à ses hôtes plusieurs salons privés. Au-delà de notre cuisine sur mesure, nous proposons un cadre convivial, dans un dépaysement total ».
Dans un vaste espace de 3000 m2, le maître des lieux offre une cuisine bio, grâce à un élevage piscicole, que complètent une ferme et un potager. Il n’est pas rare, d’ailleurs, que les ingrédients nécessaires à la réalisation du menu du jour, de l’entrée au dessert, soient tous produits sur place. « Cela contribue à rassurer le client sur le fait qu’il mange sain », dit le chef, que l’on voit régulièrement, dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux, équipé d’une canne à pêche et s’apprêtant à entrer en cuisine.
Vulgariser le haut de gamme
« La Côte d’Ivoire a une gastronomie riche », aime à répéter Charlie Koffi. Quant à sa cuisine, c’est « une cuisine fusion qui vient d’une furieuse envie de valoriser nos épices et produits africains trop méconnus et sous-utilisés dans la haute gastronomie mondiale ». À La Villa Alfira, il propose donc de vulgariser le haut de gamme en matière culinaire, et de « redonner aux artisans leurs lettres de noblesse ». Pour cela, il s’appuie sur une quarantaine d’employés dont douze cuisiniers, des « soldats d’élite », comme il les surnomme affectueusement. Et ceux-ci le lui reconnaissent bien. Car le chef Koffi, « le chef des chefs » (c’est ainsi qu’ils l’appellent)leur transmet également un savoir-faire précieux.
« Les yeux imaginent ce que la bouche dégustera »
« Les yeux imaginent ce que la bouche dégustera… Dresser un plat, c’est tout un art »
En cinq ans d’activité, la Villa Alfira a su relever le défi de hisser haut la gastronomie ivoirienne à travers des plats exquis, accessibles à partir de 8 000 francs CFA (environ 12 euros)… Salade de fonio, avocats fèfè et mayonnaise à l’hibiscus, poulet à la forestière et graines du paradis, épaule d’agneau confite, tagliatelles maison à base de banane plantain, tarte Tatin à l’ananas et aux fruits de la passion… : autant d’expériences culinaires qui emportent les clients pour des voyages gastronomiques aux parfums envoûtants. Outre les délicieux mets que l’on déguste ici, l’une de ses particularités du lieu est également le dressage des plats. « Il est important que le visuel d’une assiette soit attrayant, sexy. Les yeux imaginent ce que la bouche dégustera… Dresser un plat, c’est tout un art », souligne le chef.
Le restaurant, qui selon son créateur aurait réalisé l’an passé un chiffre d’affaires d’environ 1,2 million d’euros, compte aujourd’hui une clientèle éclectique. Plusieurs personnalités de haut rang y passent fréquemment, tels des membres du gouvernement ou des artistes comme Alpha Blondy ou Didi B. Entre anniversaires, demandes de mariage ou fêtes de noces, de belles pages s’écrivent chaque week-end dans ce lieu. Parmi ses clients réguliers, on trouve aussi les représentants de grandes entreprises de la place d’Abidjan et d’institutions comme la primature ou la délégation de l’Union européenne, mais également des habitués de la diaspora et des touristes, le restaurant faisant désormais partie de ces endroits à visiter absolument lorsqu’on est de passage à Abidjan.
Promouvoir la gastronomie ivoirienne
Chef engagé en faveur de la gastronomie ivoirienne, le chef Koffi poursuit sa belle aventure culinaire tout en visant de nouveaux défis, dont l’un pourrait être une première étoile au guide Michelin. En parallèle, il milite pour une collaboration plus étroite entre chefs ivoiriens, convaincu qu’une telle union pourrait emmener la gastronomie ivoirienne vers des horizons très lointains.
