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3 erreurs fatales que les start-up commettent en constituant leurs équipes

Par Christian Kamayou, directeur général de Akiba Business Partners

Lorsque les investisseurs examinent une opportunité d’investissement sur une start-up, ils se concentrent le plus souvent sur la stratégie de l’entreprise, son plan d’action et les aspects financiers : cette start-up a t’elle un business model intéressant ? Les projections de croissance des revenus sont-elles convaincantes ? Son plan de mise en œuvre est-il crédible ? En effet, investir est a priori un pari fondé sur une réflexion intelligente et une grande attention accordée aux chiffres.

Partant de ce constat, de nombreux entrepreneurs sous-estiment à quel point le jugement de l’investisseur est complété par une dimension intuitive et se forge sur une conviction concernant l’aspect humain du modèle économique. Ils exploitent souvent leur instinct afin de juger de la qualité de l’équipe fondatrice puisque les données montrent que 60% des nouvelles entreprises échouent en raison d’un problème « humain ». Dans ces circonstances, quelles sont les erreurs de casting qui peuvent compromettre définitivement les chances de réussite d’un projet ou d’une levée des fonds ? Après avoir observé l’activité de nombreuses start-up, la seule chose que je peux affirmer est que rien ne peut être plus fatal pour une nouvelle entreprise que des problèmes de « personnes ». 

Voici trois réflexions autour de quelques erreurs régulièrement commises par des entrepreneurs qui s’adressent à ma structure d’accompagnement pour revoir leur plan de développement ou trouver des financements.

Erreur n° 1- S’associer avec une personne non impliquée à 100%

Damien, ivoirien, démissionne de son emploi salarié pour créer une start-up dans le domaine de la finance, avec un capital de départ équivalent à 10 000 euros. Son associé, Oscar, détient 30% du capital de l’entreprise et est censé démissionner également de son emploi. Plusieurs mois après la création formelle de l’entreprise, Damien, le principal porteur de projet, constate que son associé n’est finalement pas prêt à s’impliquer à 100% sur le projet et mène en parallèle d’autres activités, au motif que la start-up – c’est-à-dire, leur entreprise – ne génère pas à ce stade de revenus suffisants pour le payer. Damien est ainsi confronté à ses premières difficultés, portant de facto un fardeau : si elle persiste, cette situation ralentira le projet et très rapidement, le leader de cette aventure entrepreneuriale n’a plus une confiance totale en l’implication de son associé. 

Ceci est une première situation de nature à faire voler en éclat le couple des fondateurs. Damien, malgré ce handicap, progresse tant bien que mal et lance l’activité avec des résultats très encourageants en termes de revenus : Le million d’euros de chiffre d’affaires annuel est atteint en moins de 3 ans. Fort de ce premier succès, à l’instar d’autres start-up, il souhaite convaincre un investisseur pour financer le projet à hauteur de 800 000 euros, en échange d’une part minoritaire du capital. Refus catégorique de celui-ci., qui est réfractaire à l’idée d’investir dans une société où l’un des membres de l’équipe fondatrice n’est pas totalement impliqué. L’investisseur a identifié 3 failles : D’une part, Oscar n’étant pas présent à temps plein, il ne contribue pas à créer la valeur suffisante attendue d’un co-fondateur d’entreprise. D’autre part, une fois la levée de fonds actée, la valeur de l’entreprise augmentera mécaniquement, tirant de facto vers le haut le patrimoine d’Oscar, mais de manière non équitable, car ce dernier n’aura pas fourni  la même quantité d’efforts que les autres co-fondateurs. Son niveau de risque n’est pas de nature à le stimuler pour travailler d’arrache-pied.  Enfin, Damien, déçu de son associé, a commis une erreur, lors la création de l’entreprise. Il aurait dû faire signer à Oscar, en même temps que les statuts, un pacte d’actionnaire qui impose à tous les associés opérationnels une implication totale. De fait, de nombreux créateurs de start-up africaines ont commis cette erreur : Ne pas s’ entourer de juristes au moment de la création de leur entreprise pour prévoir, en complément des statuts, des clauses de séparation qui incluraient la notion de préjudice en cas de non-exécution de ce qui a été prévu…  

Erreur n° 2- Recruter uniquement un associé sur la base de son expérience et non pas son potentiel à apprendre

Damien, le créateur d’entreprise précité, est de loin moins expérimenté qu’Oscar. Un cas concret qui rappelle, si besoin en était, que le potentiel est souvent plus précieux que l’expérience, les deux ne s’excluant bien évidemment pas. Les entreprises classiques embauchent généralement sur la base de l’expérience. Pour une start-up toutefois, mon point de vue est qu’il est préférable d’embaucher un associé de moindre expérience mais dont le potentiel peut exploser, ce qui créera une dynamique vertueuse pour l’entreprise. D’expérience, l’entretien est facile car on découvre alors ce que quelqu’un a fait. En revanche, il est plus difficile d’interroger le potentiel parce qu’il est alors nécessaire de supputer ce que l’individu sélectionné fera ; une tâche assurément complexe.

Toutefois, les recrues à fort potentiel sont faciles à repérer: elles s’enthousiasment en parlant de ce qu’elles pourraient faire plutôt que de ce qu’elles ont fait. Dans une start-up, société innovante, le savoir-faire devient vite obsolète. Pour survivre et grandir, une jeune pousse doit être une organisation apprenante, qui teste sa technologie, son offre, tout en étant capable de s’améliorer constamment et de pivoter rapidement pour trouver les solutions les plus adaptées…  Sur ce point, le signal le plus clair pour choisir un co-fondateur idéal est sa curiosité : la capacité à expérimenter de nouvelles choses et passer à l’action est crucial pour faire avancer une start-up. Par conséquent, il est impératif de rechercher des personnes sachant apprendre et prendre quelques risques pour innover. En somme, tout le contraire d’experts qui parleront uniquement de ce qu’ils savent. Enfin, il est nécessaire d’éviter l’homogénéité dans le choix d’un co-fondateur : s’associer avec un clone de soi signifie que nous valorisons la répétabilité plutôt que la créativité et la nouveauté, les deux facteurs clés apportant les étincelles et l’effet de levier.

Erreur n° 3-Ne pas recruter un véritable « esprit d’entrepreneur »

Dans les start-up, les choses bougent à un rythme rapide. Il faut croître, et vite. Des défis sont lancés à chaque tournant. Dans ces conditions, il est impératif de choisir des co-fondateurs ayant l’agilité nécessaire pour traiter les problèmes rapidement et efficacement. C’est la force d’exécution qui transforme un concept en une activité génératrice de revenus. L’objectif est de construire une équipe capable d’accomplir des choses incroyables au lieu de simplement faire jaillir des idées. Si vous vous associez avec quelqu’un sans esprit entrepreneurial dans une situation où il faut apprendre à nager en se jetant à l’eau, même s’il s’agit d’un cadre expérimenté, il ne saura pas par où commencer. Une implacable vérité que Damien, notre entrepreneur précité, a finalement reconnue quelques années plus tard, à ses dépens, avec son associé Oscar. Se résigner à se séparer d’un associé fondateur qui ne s’est pas suffisamment impliqué dans le projet entrepreneurial a certes un coût émotionnel énorme. Pourtant, tergiverser à se séparer de lui peut aboutir à un prix encore plus élevé à payer. C’est une évidence, un associé en conflit peut détruire la culture d’entreprise, réduire le moral des employés et tuer la productivité de l’équipe. On rappellera cependant que cette même personne, peu en phase avec un environnement start-up, pourra parfaitement prospérer ailleurs.

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