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Ethiopis Tafara, Vice-Président d’IFC Pour l’Afrique

Cap-Vert : Un Modèle de Développement Durable et Inclusif Porté Par le Tourisme, les Industries Créatives et l’Intégration Régionale.


Quelle est la vision du Groupe de la Banque mondiale pour le Cap-Vert, et comment cette vision contribue-t-elle à favoriser le développement économique de l’archipel ?

Ethiopis Tarafa : La vision du Groupe de la Banque mondiale pour le Cap-Vert repose sur la diversification économique et une croissance portée sur le capital humain, en tirant pleinement parti des atouts uniques du pays. Le Cap-Vert possède un potentiel considérable dans des secteurs porteurs tels que le tourisme, les industries créatives, les services numériques, l’économie bleue et les énergies renouvelables. Notre approche est holistique et vise à résoudre les défis de développement interconnectés qui empêchent ces secteurs de réaliser leur plein potentiel. Par exemple, bien que le tourisme constitue un moteur économique essentiel pour le Cap-Vert, le développement du secteur est freiné par des infrastructures et une connectivité insuffisantes, des liens limités avec les PME locales, des lacunes en matière de compétences et de services, ainsi que des obstacles réglementaires. Le Groupe de la Banque mondiale mobilise l’ensemble de ses outils pour combler ces lacunes, notamment en encourageant le secteur privé à réaliser des investissements stratégiques qui génèrent des résultats de développement tangibles, durables et de qualité. Dans cette optique, nous avons renforcé notre engagement au Cap-Vert ces dernières années, en mettant un accent particulier sur la création d’emplois résilients, inclusifs et diversifiés. 


En quoi le développement des infrastructures joue-t-il un rôle clé dans la croissance du secteur touristique et de l’économie du Cap-Vert en général ? Pouvez-vous partager des exemples concrets de projets ayant eu un impact significatif ?

E.T. : Le développement des infrastructures joue un rôle fondamental dans la croissance économique et touristique du Cap-Vert, en renforçant la connectivité entre les dix îles de l’archipel, en facilitant la circulation des biens et services essentiels et en renforçant les capacités des entreprises locales. Le Groupe de la Banque mondiale soutient activement le développement d’infrastructures stratégiques qui s’alignent sur les objectifs nationaux, favorisent les écosystèmes et stimulent les investissements du secteur privé. 

Dans le secteur des transports, par exemple, le projet d’expansion des aéroports du Cap-Vert, soutenu par un prêt de la Société financière internationale (SFI-IFC), vise à moderniser les infrastructures des sept aéroports du pays. Ce projet est essentiel pour améliorer la connectivité internationale et régionale, un facteur clé pour attirer davantage de touristes et stimuler les échanges commerciaux. La première phase de l’expansion montre déjà des résultats prometteurs en améliorant la connectivité du Cap-Vert avec le reste du monde, grâce à des vols plus fréquents, de nouvelles compagnies aériennes et des itinéraires supplémentaires vers et depuis le Cap-Vert.

Dans le domaine de l’énergie, le Cap-Vert poursuit activement sa transition verte. Le pays ambitionne d’intégrer 30 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique en 2025 et plus de 50 % d’ici 2030. Nous sommes fiers de soutenir ces initiatives, à travers le projet Énergies Renouvelables et Amélioration de la Performance des Services Publics, soutenu par la Banque mondiale. Ce projet inclut des réformes du secteur et des initiatives de privatisation, tout en mobilisant des investissements privés pour développer des infrastructures énergétiques durables.

Enfin, dans le secteur numérique, les investissements dans les infrastructures numériques jouent un rôle clé en renforçant l’intégration du Cap-Vert dans l’économie mondiale. À ce titre, nous soutenons les efforts du Gouvernement à travers un projet de services-conseils visant à identifier des partenaires privés en mesure d’apporter des financements et une expertise technique dans le secteur. Cela permettra de renforcer l’accès au numérique pour les entreprises et les particuliers. En parallèle, la Banque mondiale soutient le renforcement des capacités grâce à des initiatives innovantes telles que les WebLabs, à travers lesquels plus de 14,000 élèves ont déjà pu acquérir des compétences numériques. Ces efforts contribuent à mieux préparer la jeunesse aux exigences et opportunités du marché du travail. Il s’agit aussi de réduire le chômage des jeunes et positionner le Cap-Vert en tant que hub digital dans la région. 


Quelles stratégies sont mises en place pour garantir que la croissance du tourisme au Cap-Vert soit inclusive, durable et profite pleinement aux communautés locales ?

E.T. : Le tourisme, qui représente près de 25 % du PIB du Cap-Vert, est un moteur économique et un pourvoyeur stratégique d’emplois. Le modèle traditionnel centré sur le “sun and sea” montre cependant ses limites. Afin de rendre le secteur plus résilient et inclusif, le Cap-Vert mise sur le renforcement des chaînes de valeur locales et la diversification de son offre touristique vers des segments à forte valeur ajoutée, tels que le tourisme culturel, le tourisme nautique, le tourisme de nature et l’accueil de ‘nomades digitaux’.

Le Projet de développement du tourisme résilient et de l’économie bleue, soutenu par la Banque mondiale, valorise le patrimoine naturel et culturel de l’archipel au-delà des pôles traditionnels des îles de Sal et de Boa Vista, tout en intégrant les petites et moyennes entreprises locales dans les chaînes de valeur touristiques — notamment des entreprises dirigées par des femmes et celles liées à la production locale et la pêche artisanale. IFC renforce son engagement, à travers des investissements stratégiques, notamment dans le groupe hôtelier Oásis Atlântico, ainsi qu’à travers un projet de services-conseils pour structurer le développement touristique sur l’île de Boa Vista. En partenariat avec cinq banques cap-verdiennes, IFC a également formé 69 micro, petites et moyennes entreprises pour les aider à mieux intégrer les chaînes de valeur touristiques et à bénéficier des opportunités économiques du secteur.

Par ailleurs, le Cap-Vert met l’accent sur la durabilité en intégrant les principes d’économie circulaire et en renforçant la résilience des infrastructures existantes. Le tourisme de nature, en plein essor, est également structuré pour valoriser les paysages uniques de l’archipel tout en préservant ses ressources naturelles. 


Vous faites allusion aux industries culturelles et créatives. Comment ces dernières peuvent-elles devenir des moteurs de croissance économique et attirer l’attention internationale ?

E.T. : Les industries créatives du Cap-Vert, telles que la musique, la mode et l’audiovisuel, représentent un levier important pour stimuler le développement du tourisme culturel et renforcer l’attractivité internationale du pays. Avec son riche patrimoine culturel et sa diversité insulaire, le Cap-Vert peut valoriser des actifs uniques comme les festivals de musique (Atlantic Music Expo, Kriol Jazz Festival) et les sites historiques (Praia, Cidade Velha) pour renforcer le tourisme culturel et créatif.

Pour structurer et professionnaliser le secteur, le gouvernement cap-verdien s’est fixé l’objectif de formaliser 50 % des industries créatives d’ici 2026. Cela inclut le développement de compétences artistiques, techniques et managériales pour améliorer la compétitivité du secteur et réduire son informalité. Les industries créatives peuvent également jouer un rôle clé dans le tourisme culturel en offrant des expériences authentiques et en faisant venir – et revenir ! – des visiteurs internationaux. Cependant, le manque de financement reste un défi majeur. Le Cap-Vert pourrait mettre en place des mécanismes spécifiques pour soutenir les professionnels créatifs, mobiliser des ressources publiques et privées, et encourager l’innovation.


De manière plus globale, au-delà du Cap Vert, comment analysez-vous l’intégration économique des pays lusophones africains ? Comment la SFI soutient-elle cette dynamique ?

E.T. : Le renforcement des liens économiques entre les pays africains lusophones (PALOP) est une priorité stratégique pour IFC. En mars 2025, nous avons organisé le premier Forum d’Investissement de l’Afrique Lusophone à Sal, au Cap-Vert, réunissant des acteurs publics et privés de six pays : Angola, Cabo Verde, Mozambique, Guinée-Bissau, Guinée équatoriale et Sao Tomé-et-Príncipe. Cet événement a permis d’identifier des opportunités concrètes et de tracer une feuille de route commune pour accélérer les investissements privés dans ces pays.

Au cours des cinq dernières années, la SFI a engagé plus de 1,5 milliard de dollars dans les PALOP à travers 25 projets dans des secteurs clés tels que l’agriculture durable, la finance inclusive et les infrastructures. Nous avons aussi renforcé notre présence dans ces marchés avec l’ouverture de représentations dans cinq des six PALOP. À travers le Lusophone Compact, en partenariat avec la Banque africaine de Développement, nous mobilisons des ressources techniques et financières pour créer un environnement propice aux investissements privés à fort impact. Ce partenariat vise à renforcer les capacités institutionnelles, améliorer les cadres réglementaires et attirer des investisseurs dans des secteurs prioritaires pour le développement des PALOP.

En soutenant des diagnostics de marché approfondis et en facilitant les partenariats, la SFI contribue activement à l’intégration économique des pays lusophones africains, favorisant ainsi une croissance durable et inclusive.


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