Portée par une croissance attendue de 3,5 % en 2025 et 4,3 % en 2026, au-dessus de la moyenne mondiale selon le FMI, l’Afrique confirme son statut de terre d’opportunités. Pour ne pas rester en marge, l’Union européenne (UE) mise sur son initiative Global Gateway, dotée d’une enveloppe de 150 milliards d’euros pour l’Afrique, ainsi que sur un Investment Hub censé dépasser la logique de l’aide au développement et dynamiser les investissements privés européens sur le continent.
Par Szymon Jagiello
Dans un monde qui se disloque, souligne Stefano Manservisi, ancien directeur général de la Coopération internationale et du développement (DEVCO), « il s’avère nécessaire de construire, là où c’est possible et là où les intérêts convergent, des alliances avec le Sud global, notamment avec l’Afrique. Le Global Gateway représente un ajustement qui s’inscrit dans cette logique ».

Lancée en 2021, « cette initiative vise à adopter une approche véritablement axée sur la stimulation de l’investissement, allant au-delà de la simple aide ou des subventions allouées à des projets, afin de mobiliser davantage les financements provenant des secteurs public et privé », explique San Bilal, directeur exécutif auprès du Centre européen de gestion des politiques de développement (European Center for Development Policy Management/ECDPM).
« Cette initiative vise à adopter une approche véritablement axée sur la stimulation de l’investissement, allant au-delà de la simple aide ou des subventions allouées à des projets, afin de mobiliser davantage les financements provenant des secteurs public et privé »
Un changement d’approche résolument tourné vers l’économie, qui s’est accompagné d’une enveloppe estimée à 300 milliards d’euros – possiblement 400 milliards d’ici à 2027 –, dont 150 milliards rien que pour l’Afrique, à investir dans des secteurs allant du numérique aux infrastructures, en passant par la santé et l’énergie, où des projets notables sont déjà sortis de terre.
Des Projets Qui Émergent en Afrique
Dans le secteur pharmaceutique, l’Union européenne (UE), en partenariat avec l’Institut Pasteur, a appuyé la construction d’un site de production de vaccins près de Dakar, avec un budget de 86,8 millions d’euros, et l’ambition de produire plus de 300 millions de doses annuellement, afin de développer ce centre en un « vaccinopole » régional. « Un financement qui s’inscrit dans le projet baptisé MAV+, par lequel les autorités de Bruxelles soutiennent le continent dans sa volonté de développer sa souveraineté dans le domaine de la santé », indique un expert franco-tchadien. Une initiative qui répond au souhait de l’Union africaine (UA) de fabriquer localement 60 % des vaccins dont elle a besoin à l’horizon 2040, afin de renforcer l’écosystème pharmaceutique du continent, avec un financement total des partenaires européens à hauteur de 1,9 milliard d’euros.
« L’Union européenne (UE), en partenariat avec l’Institut Pasteur, a appuyé la construction d’un site de production de vaccins près de Dakar, avec un budget de 86,8 millions d’euros »
Plus au sud, la Banque européenne d’investissement (BEI) a consenti, sous forme de prêts, plus de 100 millions d’euros de financements au cours de ces trois dernières années pour développer la filière cacaoyère en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Cameroun. Comme l’a souligné le commissaire au commerce et à la sécurité économique, Maroš Šefčovič, lors du « Global Gateway Forum », qui s’est tenu à Bruxelles les 9 et 10 octobre derniers, « nous sommes le premier importateur mondial de cacao. Près de 65 % des importations de cacao de l’UE proviennent de ces trois pays », qui produisent à eux seuls plus de 70 % du cacao mondial. Pas étonnant, dans ce contexte, que la BEI ait annoncé, lors de ce même événement, vouloir investir plus de 300 millions d’euros supplémentaires au cours des trois prochaines années dans ces États d’Afrique de l’Ouest, afin de « sécuriser » son approvisionnement dans ces produits « stratégiques » pour l’industrie du Vieux Continent.
Des Instruments Encore Trop Tournés Vers la Logique de l’Aide au Développement
Toutefois, reconnaît San Bilal, « l’un des problèmes réside dans le fait que l’UE ne dispose pas, à ce jour, d’instruments adéquats pour mettre en œuvre la politique qu’elle souhaite conduire. L’initiative Global Gateway s’inscrit directement dans une logique de développement, en s’appuyant sur les outils de la coopération internationale. Ses projets sont donc encore principalement financés par l’aide publique au développement ». Or, constate Stefano Manservisi, conseiller senior chez Forward Global, « les fonds publics tendent à diminuer et, avec eux, les ressources pour l’aide publique au développement ». Une baisse qui, entre 2024 et 2025, a représenté 60 milliards d’euros dans le monde, en raison principalement du désengagement des Etats-Unis.
« L’initiative Global Gateway s’inscrit directement dans une logique de développement, en s’appuyant sur les outils de la coopération internationale »
De plus, les pays africains ne sont plus en recherche d’aide, mais de véritables partenariats. « Ils réclament, explique l’expert italien, des aides concrètes visant à améliorer les conditions de vie de leurs citoyens et à soutenir l’activité économique. Dans ce contexte, je crois que les instruments du Global Gateway doivent servir à faciliter les relations au niveau des entreprises, et que le rôle de la Commission et des États membres, ensemble, est d’expliquer, d’informer et de démontrer que l’investissement en Afrique est un investissement rentable ». Une observation qui semble avoir trouvé un écho auprès des décideurs à Bruxelles. Ainsi, le 8 octobre dernier, la Commission européenne a annoncé le lancement d’un Investment Hub pour renforcer la participation du secteur privé.
Un « Global Gateway Investment Hub » Pour « Changer » de Paradigme
Ce dispositif centralisé devrait faciliter les projets d’investissement des entreprises européennes dans des régions partenaires telles que l’Afrique. Le Hub servira de point d’entrée unique pour les propositions d’investissement, en les reliant à un large éventail de soutiens financiers européens (Commission, BEI, institutions de développement, agences de crédit à l’exportation). Pour être éligibles, les projets devront représenter un investissement d’au moins 10 millions d’euros, dans des secteurs couverts par le Global Gateway, comme le transport ou l’énergie.
« Pour être éligibles, les projets devront représenter un investissement d’au moins 10 millions d’euros, dans des secteurs couverts par le Global Gateway, comme le transport ou l’énergie »
Un plateforme qui pourrait s’avérer utile, à condition, insiste Stefano Manservisi, « que les Africains puissent y siéger, afin de créer un espace où Européens et Africains participent ensemble aux décisions, définissent conjointement les actions à mener, le modèle à suivre, ainsi que les mécanismes de suivi et de contrôle ». Cela se produira-t-il ? Le prochain sommet UA-UE, attendu fin novembre en Angola, devrait en partie lever le voile sur cette question.
