Dire que l’île Maurice fait rêver relève du pléonasme. La bonne nouvelle, c’est que s’y installer, ou du moins, y investir, n’a plus rien d’un parcours du combattant. Grâce à l’implication du gouvernement pour rendre la destination (encore plus) attractive, de nombreux avantages permettent aux étrangers d’y devenir propriétaires en toute sécurité.
Par Jean-Luc Clouard l Enquête publiée dans l’édition 72
Du Nord — le littoral et la campagne autour de Grand Baie — au Sud-Ouest — sur la charmante route entre Tamarin et Bel Ombre qui circule par endroits au bord d’une mer limpide — en passant par l’Est — du côté de Rivière du Rempart — et même le long de l’extension de la ligne de métro qui relie désormais Port-Louis à Curepipe, de grands panneaux 4×3 interpellent les chalands pour les encourager à investir dans de nouvelles résidences leur offrant de mieux se loger, mieux vivre, penser à leurs enfants, placer leur argent. Les publicités renvoient à des adresses de sites internet dont les photos éclatantes aiguisent l’envie. Diffusées de façon plus ciblée, les plaquettes des promoteurs — papier glacé et présentation hyper-soignée — atterrissent chez ceux dont le profil d’investisseur a pu être détecté.
« Il n’y a pas beaucoup d’endroits dans le monde où il fait bon vivre toute l’année et où il est facile de faire des affaires avec une libre circulation des devises »
Selon le cabinet immobilier réunionnais D&B Capital, Maurice a enregistré entre 2006 et 2019 un nombre de transactions record de 2 737 opérations pour un montant global de 1,8 milliard d’euros. Réduite à rien ou presque pendant la pandémie, la dynamique de l’immobilier renaît dans le Maurice de l’après-Covid. En mai dernier, l’Economic Development Board (EDB) — l’organisme public qui « opère sous l’égide du bureau du Premier ministre et qui coordonne les efforts de tous les ministères » — a organisé un road show (tournée promotionnelle, NDLR) qui s’est arrêté dans une dizaine de grandes villes européennes. Objectif : encourager les Belges, les Français et les Suisses à investir à Maurice, venir y passer leur retraite et même, surfant sur la tendance, y télétravailler. En mars dernier, une opération équivalente a fait escale à Nice, Monaco, Genève, Strasbourg et Londres en direction de nouveaux prospects qualifiés.
Un Cadre Légal Attractif et Une Offre Variée
Ticket d’entrée d’un investissement immobilier pour un non-Mauricien : 350 000 euros permettant de profiter de tous les avantages développés par les autorités (voir l’encadré « Un cadre légal incitatif »). Aucune limite supérieure. Actuellement, une centaine de projets résidentiels sont en cours. Jusqu’à peu « confinés » dans des zones géographiques circonscrites, les étrangers peuvent maintenant effectuer des investissements immobiliers partout dans le pays. « Les conditions légales et administratives sont réellement attractives », reconnaît Eric Ng Ping Cheun, un économiste se distinguant par son indépendance d’esprit. « Attention toutefois à ne pas sous-estimer les blocages qui peuvent surgir. Mieux vaut alors savoir à quelles bonnes portes aller frapper ».
Au cœur de l’offre en cours de commercialisation : les Smart Cities — sortes de villes nouvelles — qui disposent de logements modernes, de terrains viabilisés, de villas. À Moka, dont le projet de Smart City figure parmi les plus avancés, on peut ainsi acquérir des terrains résidentiels, des biens en VEFA (vente en état futur d’achèvement), de l’immobilier professionnel et commercial. Dans les parcs d’affaires de Vivéa, Telfair ou Bagatelle, par exemple.
On trouve des projets immobiliers de taille modeste — Aventurine (24 villas) près de l’époustouflant Cap Malheureux, Emera (11 villas) à Mont Choisy — ou plus importants, comme celui de Mont Choisy La Réserve, avec ses penthouses et ses villas, en troisième phase de développement.
La Plus-Value Golfique
Bien souvent, les biens à acquérir sont situés sur des golfs ou à proximité. Lorsqu’il n’y en a pas, les promoteurs peuvent aller jusqu’à en aménager un. C’est ce qui s’est passé à Azuri, dont les premiers logements ont été livrés en octobre dernier. « Les Ennéa Golf Villas sont des coups de cœur assurés », assure le promoteur BlueLife Limited. Avec, par exemple, cette « offre incroyable » pour une maison de 160 m2 dotée de trois chambres sur un terrain de 1,25 ha face aux trous n° 7 et n° 8, pour 21,6 millions de roupies (un peu plus de 440 000 euros).
Le programme le plus en vue actuellement est assurément Heritage Villas Valriche, développé par la filiale immobilière du groupe Rogers, un des plus gros conglomérats de Maurice. Situé au sud-ouest de l’île, le domaine de Bel Ombre, sur lequel se trouvent déjà un golf (Héritage) et plusieurs hôtels (Telfair, Awali, Beach Club), offre « un panorama unique entre flancs de montagne et vues imprenables sur la mer ». Et ce n’est pas une formule de publicitaire ! Aménagé sur un ancien domaine sucrier de 2 500 ha, le programme, « vaste jardin tropical à taille humaine que l’on peut imaginer comme une promenade royale », compte 288 villas dont la moitié sont déjà construites et livrées. Les terrains (600 à 2 000 m2, à partir de 365 000 dollars, soit environ 340 000 euros) et les villas (150 unités disposant de plus de 500 m2 de surface habitable, à partir de 1,2 million de dollars/1,1 million d’euros) se déclinent en un large choix de configurations avec cuisines américaines, salles de réception somptueuses ou intimistes, volumes ouverts sur l’extérieur, vérandas, piscines à débordement. Aussi séduisant que dans les magazines de déco ! Un « sans-faute », reconnaît même un concurrent qui ne joue pas dans la même cour.
Sur la côte est, face à la célèbre île aux Cerfs, le domaine d’Anahita (213 ha) a vu le jour il y a 15 ans. « Notre offre immobilière est très complète puisque nous agissons à la fois comme promoteur immobilier avec des biens neufs en inventaire, et comme agent immobilier facilitant la revente de biens existants appartenant à nos propriétaires », explique David Martial, PDG du pôle immobilier d’Alteo. Une vingtaine de lots sont encore disponibles.
Un Taux de Rendement Net de 3 à 4 %
Rentables, ces acquisitions ? « Nos acquéreurs sont principalement des Européens de l’Ouest — Français, Anglais, Suisses, Belges, Allemands — et des Sud-Africains qui, après des années de labeur, cherchent à profiter de la vie et de la nature », détaille Christophe Piquet, directeur commercial de Heritage Villas Valriche, « Dernièrement, nous avons eu un intérêt accru de la part des Français pour plusieurs raisons : le Code civil est le même dans les deux pays, acquérir un bien à l’île Maurice offre d’importants avantages fiscaux, notamment quand nos acquéreurs paient l’IFI (impôt sur la fortune immobilière). Et il n’y a pas beaucoup d’endroits dans le monde où il fait bon vivre toute l’année et où il est facile de faire des affaires avec une libre circulation des devises ».
Si seulement 10 % de la population mauricienne (1,2 million d’habitants) dispose de moyens financiers suffisants pour se lancer dans ce type d’investissements, quelque 5 000 non-Mauriciens seraient déjà propriétaires dans l’île, auxquels s’ajoutent les Mauriciens de la diaspora qui, eux aussi, songent à leur retraite et apprécient la douceur du mauritian way of life et son coût de vie nettement moins élevé qu’en Europe. « Nous n’avons pas un profil particulier d’investisseur », indique Charles De Vieilhe, directeur de Pleion Real Estate, une société de conseil et d’accompagnement en acquisition immobilière. « Notre clientèle est internationale et les profils sont variés ». Sous-entendu : les gammes de prix sont suffisamment ouvertes pour attirer autour du même fairway le cadre supérieur, le très haut fonctionnaire et le chef d’entreprise disposant de revenus exceptionnels. Dans tous les cas, les acquéreurs achètent d’abord pour profiter eux-mêmes de leur bien et du mode de vie mauricien (voir l’encadré « Une destination attractive »). Quitte à ce qu’ils le mettent en location lorsqu’ils n’en profitent pas. Certains biens sont de « très bons investissements de rendement », reprend Charles De Vieilhe, « les villas situées dans le Nord et l’Ouest sont très prisées pour la location à long terme, tandis que les appartements “plage à pied” dans une région touristique sont porteurs de très bons rendements sur une location à court terme ». Exemples de ce que l’on trouvait en location en mars dernier : une villa pour six personnes, petits-déjeuners et green fees inclus à 35 000 euros sur le golf d’Anahita, ou encore une villa au Morne disposant de quatre suites et donnant accès à une plage privée, le tout à 206 409 euros ! De quoi faire rêver de potentiels investisseurs sur la rentabilité de leur future acquisition. « Plus du quart des propriétaires de villas sur le domaine utilisent déjà notre programme locatif », assure Christophe Piquet (Heritage Villas Valriche). Les conseillers en gestion de patrimoine, eux, s’accordent sur un taux de rendement net de l’ordre de 3 à 4 %.
Même si l’offre hôtelière est pléthorique à Maurice et que le Portugal, l’Espagne et les Émirats brandissent eux aussi leurs séduisants arguments, l’attractivité de l’île de l’océan Indien ne se dément pas : presque un million de touristes, parmi lesquels nombre de retraités en séjours longs, sont venus l’an passé. La demande en locations saisonnières n’est pas saturée.
« Même si l’offre hôtelière est pléthorique à Maurice et que le Portugal, l’Espagne et les Émirats brandissent eux aussi leurs séduisants arguments, l’attractivité de l’île de l’océan Indien ne se dément pas : presque un million de touristes sont venus l’an passé »
Une Destination Attractive
Dotée de nombreux atouts, Maurice a su intégrer le top des destinations les plus désirables au monde. Par sa position géographique, elle interconnecte l’Afrique, l’Inde et l’Asie, et ne « souffre » que d’un maximum de trois heures de décalage horaire (l’hiver) avec l’Europe. Les charmes que la nature lui a octroyés sont devenus des valeurs quasi universelles. Il y fait beau (presque) toute l’année, la mer est turquoise — le naufrage du Wakashio en 2020 à la pointe d’Esny n’est plus qu’un mauvais souvenir —, les cocotiers et les plages sublimes, et les possibilités de loisirs aisément accessibles — pêche au gros, snorkeling, kitesurf en tête de liste — ne manquent pas. Quoiqu’exposés au vent — à l’exception du Gymkhana et du Maritim —, les golfs sont entretenus comme des joyaux et les pentes des fairways favorisent fréquemment le cheminement de la balle vers le trou. Preuve ultime que les Mauriciens sont des gens charmants : ils ont poussé l’art du « savoir-accueillir » jusqu’à parfaitement maîtriser le français et l’anglais, même s’ils préfèrent parler créole entre eux. Les Sud-Africains et les Anglais, eux aussi dans la cible des promoteurs, n’ont aucune raison de se sentir moins bien considérés.
Un Cadre Légal Incitatif
Rien n’a été négligé pour convaincre l’investisseur. Depuis son indépendance en 1968, Maurice jouit d’un régime parlementaire démocratiquement élu et la séparation des pouvoirs fonctionne, même si une presse farouchement libre en dénonce fréquemment les travers. Pour attirer de nouveaux résidents et leurs capitaux, les autorités ont même réussi à estomper les sensibilités communautaires – ici, il faut dire communalistes – qui obscurcissent ponctuellement la transparence du système. Surtout, elles ont développé un dispositif légal et fiscal qui figure sans conteste parmi les plus performants au monde. L’objectif est clair : rivaliser avec Dubaï, les Émirats, Singapour et faire oublier les Seychelles voisines.
Levier essentiel de cette attractivité : l’Integrated Resort Scheme, une initiative gouvernementale visant à attirer dans le pays des étrangers disposant de hauts revenus en leur proposant d’y investir dans des programmes immobiliers de luxe. Depuis 2002, un investissement minimum de 375 000 dollars (un peu moins de 350 000 euros) dans un programme résidentiel classé IRS (villas, appartements, terrains viabilisés) permet aux non-Mauriciens et à leurs proches d’obtenir automatiquement un permis de séjour. Une « contrainte » toutefois : séjourner à Maurice plus de 183 jours par an. Depuis 2015, le Property Development Scheme (PDS, cadre légal qui a été élaboré dans le but de faciliter l’acquisition d’une propriété résidentielle par des non-citoyens à Maurice tout en garantissant qu’un minimum de 25 % des résidences soit vendu à des citoyens mauriciens ou aux membres de la diaspora mauricienne, NDLR) englobe les anciens schémas d’investissement et n’impose plus de restriction sur la surface maximale du terrain. L’obtention d’un permis de résidence sous IRS dispense aussi de l’obtention d’un work permit, précieux sésame qui autorise à travailler sur place en étant rémunéré par une entreprise mauricienne. Surtout, le permis de séjour signifie acquisition du bien en pleine propriété. De nombreux avantages en découlent. Celui-ci d’abord, majeur : le droit à la propriété́ privée étant garanti par la Constitution, rien ne pourra le remettre en cause ou l’altérer.
La liste des avantages est longue comme un jour sans pain. Acquérir un bien sous IRS autorise à le louer et à devenir résident fiscal — à signaler au passage que la France et Maurice ont signé une convention fiscale qui interdit la double imposition. Aucune restriction ne vient limiter le rapatriement des fonds ou des revenus provenant de la vente ou de la location de la propriété. Les transferts de banque à banque se font sans contrôle des changes. Les bénéfices et les dividendes peuvent être librement rapatriés. Le régime fiscal est unique (15 % d’imposition sur les revenus locatifs) et s’applique à tous les résidents : Mauriciens et étrangers. Pas de droits de successions pour les héritiers directs. Pas d’impôts sur les plus-values. Pas d’impôts sur la fortune ou le patrimoine. Pas d’imposition sur les dividendes. Et en bonus, quelques atouts complémentaires : TVA à 15 %, exemption des droits de douane et de TVA sur les équipements, droit d’enregistrement du bien représentant 5 % de sa valeur, absence de taxe foncière ou de taxe d’habitation en zone rurale…
Ce ne sont encore que des balbutiements, mais Maurice s’engage dans l’adoption de règles de transparence et d’éthique, en particulier contre le blanchiment d’argent.
L’Immobilier, Mais Pas Que…
Mi-janvier, sous l’égide du Premier ministre, Pravind Jugnauth et en présence du PDG de l’Economic Board of Development, Ken Poonoosamy, un high-level committee a examiné 33 projets d’investissement privé d’une valeur totale de 31 milliards de roupies (environ 630 millions d’euros). Ces projets, qui portent notamment sur le développement de cliniques privées et de résidences pour personnes âgées, devaient être mis en œuvre dans les trois prochaines années afin de contribuer à faire de Maurice un « pôle de bien-être, de tourisme médical et une destination pour les retraités étrangers ». Le directeur de l’EBM a indiqué que le montant des investissements étrangers avait atteint 88 milliards de roupies (près de 1,8 milliard d’euros), à + 7,9 %, et que les opérateurs locaux profitaient pleinement des opportunités offertes par les accords récemment signés avec la Chine, l’Inde et plusieurs pays africains.
« Selon le cabinet immobilier réunionnais D&B Capital, Maurice a enregistré entre 2006 et 2019 un nombre de transactions record de 2 737 opérations pour un montant global de 1,8 milliard d’euros »