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Ce que les spécialistes ignorent du pouvoir

Steve Forbes

Historiens et analystes négligent systématiquement l’influence décisive qu’exercent la politique monétaire et la fiscalité sur l’essor et la chute des grandes puissances. Ils produisent à la chaîne un nombre incalculable de livres consacrés à la planification stratégique, aux fluctuations du dynamisme économique, aux systèmes d’armes, aux manœuvres diplomatiques et autres thématiques du genre. Mais rarement se penchent-ils sur l’importance névralgique de la monnaie et de l’impôt dans la destinée des nations. Les candidatures à la Réserve fédérale et au ministère des Finances n’ont ainsi jamais amené la presse à interroger les experts en sécurité intérieure.

Alors que la Maison-Blanche s’attache à reconstruire et à moderniser son armée et à contrer les coups de boutoir lancés contre les États-Unis par la Russie, la Chine et l’Iran, n’oublions pas ce principe fondamental qui touche à la monnaie et la fiscalité.
Si les États-Unis souhaitent contribuer à la stabilité du monde, ils doivent avant tout consolider le dollar et instaurer un système fiscal cohérent et plus clément. Ces mesures contribuent à l’éclosion de la force créative et économique indispensable à une telle mission. Elles engendrent les conditions favorables à la prospérité internationale. Et les politiques qui auront fait la pérennité de notre succès seraient imitées dans le monde entier. L’histoire l’a démontré maintes et maintes fois.
• Le déclin de Rome est étrangement allé de pair avec la déliquescence de sa devise et l’alourdissement implacable de la fiscalité.
• La Hollande, petite contrée d’Europe située en dessous du niveau de la mer, sut s’affranchir de la puissante monarchie espagnole de Habsbourg pour s’imposer en puissance coloniale mondiale et en capitale financière du monde, portée par une double politique : une monnaie vigoureuse et une fiscalité plus légère. Lorsqu’Amsterdam succomba à la tentation et augmenta les taxes, le pays vit son triomphe et son rayonnement aller decrescendo.
• La Grande-Bretagne, autrefois pays de second plan, marcha dans les traces des Néerlandais, et les surpassa. Elle vit la naissance de la révolution industrielle et devint le plus vaste empire de l’histoire, même après la perte des treize colonies qui donnèrent naissance aux États-Unis d’Amérique, causée par l’oubli d’un principe, celui de l’allègement fiscal.
• Les États-Unis s’émancipèrent de Londres, mais suivirent son exemple pour ce qui est des politiques monétaire et fiscale, et enregistrèrent des taux de croissance record à long terme – jusqu’à ce que le pays abandonne l’étalon-or dans les années 1970. Dès lors, le taux d’expansion annuel moyen des États- Unis chuta de plus de 25%.
À chaque fois que les États-Unis s’écartèrent du chemin menant au pouvoir et à la prospérité, le pays, comme d’autres nations, paya le prix fort. L’illustration la plus spectaculaire étant la Grande Dépression et les terribles inflations qui marquèrent les années 1970 et le début des années 1980. Au cours de ces deux périodes, l’hégémonie et le prestige des États Unis furent laminés, au détriment des autres pays du monde. Nous frôlâmes la destruction de la civilisation dans les années 1930 et au début des années 1940. Aussi incroyable que cela puisse paraître, dans les années 1970, l’Union soviétique, qui ne tarderait pas à disparaître, était perçue comme la puissance «montante».
Les États-Unis firent une nouvelle fois fausse route en matière de politique monétaire lorsqu’ils affaiblirent sciemment le dollar au début des années 2000. Il ne faut pas sous-estimer à quel point l’aura de l’économie libérale fut ternie par la crise économique de 2008-2009 auprès des Chinois et des Russes, et des «penseurs» et donneurs de leçons du monde entier. Pékin et Moscou conclurent que les États-Unis se trouvaient à l’agonie, quoique ravigotés çà et là par quelques sursauts. Les économistes décrétèrent que nous étions condamnés à une «stagnation séculaire». Et beaucoup se lamentèrent, pointant du doigt les failles du capitalisme.
L’économie libérale porte le chapeau pour les manquements du gouvernement. Celles et ceux qui questionnent le rôle déterminant joué par la politique fiscale et monétaire devraient se plonger dans The Magic Formula (Canyon Maple Publishing, 13 dollars) de Nathan Lewis, l’un des plus éminents experts mondiaux en politique monétaire. Les raisons qui poussent les autorités à rester obstinément sourdes à cette approche demeurent un mystère digne des talents de Sherlock Holmes.
Les académies militaires américaines ainsi que les formateurs des agents du Service extérieur feraient bien d’en prendre acte.

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