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Ces Ambitieux Businessmen Venus d’Ailleurs

Que ce soit en Afrique de l’Ouest ou centrale, des membres de communautés étrangères, surtout libanaise et indienne, ont réussi, en quelques décennies, à s’imposer dans le commerce. Ils dirigent aujourd’hui de vastes conglomérats présents dans tous les secteurs de l’économie et leur influence dépasse parfois les frontières. C’est notamment le cas en Côte d’Ivoire, au Sénégal et en République démocratique du Congo. Tour d’horizon

Par Michée Dare (Côte d’Ivoire), Karo Diagne-Ndaw (Sénégal) et Patrick Ndungidi (RDC)


Profession ? Libanais” : cette boutade bien connue à Abidjan illustre le poids de la communauté libanaise dans l’économie ivoirienne, en même ouest-africaine. En réalité, nombre de Libanais de Côte d’Ivoire sont Ivoiriens à part entière et détiennent une double, voire une triple nationalité. Remontant aux années 1920, l’afflux de Libanais en Afrique s’est accentué au gré des soubresauts qu’a vécus le Liban, théâtre d’une guerre civile de 1975 à 1990. Naturellement douée pour le commerce, la première génération s’est lancée dans le négoce du café et du cacao, prenant très vite le contrôle de cette filière et étendant son influence à bien d’autres secteurs. Quatre décennies plus tard, l’hyper présence des Libanais est incontestable : ils contrôleraient 40 % de l’économie ivoirienne. Selon la Chambre de commerce et d’industrie libanaise de Côte d’Ivoire (CCIL-CI), cette communauté détiendrait 80 % du parc immobilier privé ivoirien, 60 % du commerce, 90 % du commerce de détail, et 60 % de l’industrie. Elle contribuerait pour plus de 15 % aux recettes fiscales du pays et totaliserait plus de 300 000 emplois directs et indirects. Bien loin devant la communauté française, elle représente à elle seule 11 % des investissements directs étrangers (IDE) en Côte d’Ivoire, selon l’ambassade du Liban.

« L’hyper présence des Libanais est incontestable : ils contrôleraient 40 % de l’économie ivoirienne »


La « 61e Ethnie » Du Pays

Ses figures les plus célèbres s’appellent Pierre Fakhoury, architecte (auquel on doit entre autres la basilique de Yamoussoukro) ; le chirurgien Joseph Khoury, à l’initiative de la CCIL-CI ; Abdul Hussein Beydoun, PDG de Yeshi Group, actif dans le négoce, la transformation et l’industrie ; Mahmoud El Ghandour (Nouvelle Parfumerie Ghandour); les frères Lakiss (fondateurs du groupe Saf Cacao, racheté en 2019 par une coopérative locale après sa mise en liquidation judiciaire) ; Souad Khalil (Eurofind) ; les Omaïs, pionniers dans l’industrie plastique (Sotici, créée en 1972) et l’hôtellerie (Hôtel Tiama) ; les Fakhry, actifs dans le commerce du textile (Wrangler), la grande distribution (Trade Center), les hôpitaux (Polyclinique internationale de l’Indénié) et l’hôtellerie (Ivotel) ; et bien d’autres. La nouvelle génération n’est pas en reste : nés en Côte d’Ivoire entre les années 1970 et 1990, ses représentants s’appellent Reda Fawaz, figure de la haute couture ivoirienne ; les frères Seklaoui, distributeurs de produits électroniques et électroménagers ; Nader Fakhry, figure très connue de la Toile, avec ses vidéos sur les atouts touristiques du pays. Forte d’environ 200 000 âmes, cette diaspora reste un bel exemple de softpower ivoirien. Considérée comme l’une des communautés étrangères les mieux intégrées du pays, elle fut surnommée la « 61e ethnie de Côte d’Ivoire » par l’ancien président Laurent Gbagbo.


Le Sénégal, Escale De Longue Durée

Après celle de la Côte d’Ivoire, la diaspora libanaise du Sénégal est la plus forte communauté en Afrique, avec plus de 30 000 membres. Présentes dans le pays depuis la fin du 19e siècle, ses premières familles s’y sont souvent établies à la faveur d’une escale, alors qu’elles étaient en partance pour l’Amérique. Réputés discrets, les membres de cette communauté semblent avoir adopté l’adage selon lequel « l’argent n’aime pas le bruit ». Présents dans de nombreux secteurs (commerce, immobilier, restauration, mines…), leur apport fiscal annuel au budget de l’État représenterait 250 milliards de francs CFA (environ 385 millions d’euros). En font partie les Layousse (dont le patriarche serait l’homme le plus riche du pays), qui détiennent entre autres les Ciments du Sahel, les groupes Kirène (eau minérale et sodas) et Bâtimat (matériaux de construction) ; les Houdrouge, à la tête de Mercure International of Monaco (import-export d’articles de sport), également actifs dans le commerce de détail et de gros ; les Kaawar, spécialistes du poisson congelé Thunnus Overseas Group (TOG) ; ou encore la famille Omaïs, fondatrice du groupe Patisen.


De Nouveaux Arrivants

À côté de cette diaspora libanaise, de nouveaux acteurs venus du monde entier voient aujourd’hui le Sénégal comme une terre d’accueil où établir leur entreprise. C’est le cas notamment des Indiens, à l’instar de Dinesh Gorasiya, qui s’y est installé en 2008 pour créer la société Senegindia (construction immobilière et agriculture). Depuis les années 2000, le pays de la Teranga peut se prévaloir d’un environnement des affaires attractif qui attire de plus en plus les IDE : selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), ceux-ci ont progressé de 21 % entre 2020 et 2021, où ils ont atteint 2 milliards d’euros. Indiens, Chinois, Turcs, Marocains, Tunisiens, viennent ainsi bousculer les Libanais et les Français traditionnellement bien établis dans le pays.


Libanais Et Indiens De RDC

Piliers de l’économie congolaise, ces hommes d’affaires venus du Liban et d’Inde sont à la tête de fructueuses sociétés. Voici une liste non exhaustive de ces Congolais d’adoption dont l’appétit entrepreneurial est toujours aussi aiguisé.

Famille Rawji (Inde)

Sa quatrième génération est à la tête du groupe éponyme fondé par Merali Rawji en 1910 et actif dans divers secteurs : banque (Rawbank), industrie (Marsavco et Cimenterie Kongo), distribution (Beltexco et Prodimpex), immobilier (Parkland), assurances (Rawsur). Créée en 2002, Rawbank est la plus grande banque du pays.


Harish Jagtani (Inde)

L’hôtel Hilton de Kinshasa est le dernier fleuron du groupe créé par ce discret mais puissant homme d’affaires présent depuis plus de 25 ans en RDC. Propriétaire de Congo Trade Center (CTC), le plus grand centre commercial et résidentiel de Kinshasa, il possède également Suprême Automobile, entreprise d’assemblage de véhicules Mercedes, ainsi que Serve Air Cargo (fret aérien) et Modern Constructions (immobilier).


Parmanand Daswani (Inde)

Présenté comme l’oncle de Harish Jagtani, il figure lui aussi parmi les discrets entrepreneurs indiens dont les affaires prospèrent en RDC. En 1998, il a fondé Société Regal, qui possède des supermarchés et œuvre également dans l’import export et la distribution de produits (vente en gros et au détail).


Ibrahim Issaoui (Liban)

Avec six entreprises et plus de 1 000 salariés, le groupe Socimex, qu’il a fondé en 1998, est notamment actif dans l’import export de produits alimentaires. Il détient aussi Congo Oil (production d’huile de palme), Socitrans (camionnage et transport), Central Motors, distributeur exclusif des marques Hyundai et Mazda, Safrimex, société de construction et d’ingénierie, ainsi que Sonades (production électrique).


Kamal « Kenny » Rawtani (Inde)

Il est le fondateur et PDG de Kenny’s, société de vente au détail de produits de mode représentant une dizaine de franchises internationales et comptant plus de 10 magasins dans le monde. Rawtani est aussi le président fondateur des entreprises de bâtiment Sokerico et Bethel Construction. Enfin, il est propriétaire de plusieurs immeubles abritant ses boutiques, restaurants et clubs à Kinshasa, et préside l’agence de voyages internationale Miles Travels.


Sajid Dhrolia (Inde)

Il a fondé SNS Group, conglomérat actif dans la distribution de produits de grande consommation (dont Kin Marché), la fabrication de produits de haute technologie et de produits pharmaceutiques, la vente au détail et l’immobilier. En partenariat avec Accor, sa filiale Compagnie hôtelière et immobilière du Congo (CHIC), va prochainement développer cinq hôtels de classe internationale en RDC.


Abed Achour (Liban)

Né à Kinshasa, il dirige à 31 ans le groupe Achour, créé par son grand-père et présent dans l’agroalimentaire, l’immobilier, le transport, l’automobile, la construction, la logistique, l’industrie et l’hôtellerie. Parmi les fleurons du groupe figure l’hôtel de luxe Kin Plaza Arjaan by Rotana, inauguré en 2017.











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