Si le e-commerce africain demeure un secteur prometteur, il soulève plusieurs problématiques. La faiblesse de la pénétration d’Internet, les moyens de paiement, les modes de consommation… Un marché dont les stratégies varient d’un pays à un autre. Les acteurs doivent faire face à des défis et développent souvent leur propre système pour pallier ces difficultés. Enquête
Par Kapinga-Sephora Lukoki
Une étude publiée par le portail en ligne Statista révèle que « le nombre de consommateurs en ligne dépasserait la barre du demi-milliard à l’horizon 2025 en Afrique ». Face à ces perspectives de croissance, plusieurs sites d’e-commerce sont dans les starting-blocks. C’est le cas de Jumba, la start-up de la Kényane Kagure Wamunyu, spécialisée dans les matériaux de construction, qui a récolté 4,5 millions de dollars (un peu plus de 4 millions d’euros) en février 2023 lors d’une levée de fonds. Au Maroc, la start-up Chari a obtenu 7,4 millions de dollars (un peu moins de 7 millions d’euros) depuis sa création. Fondée par Ismael Belkhayat et Sophia Alj, elle propose aux commerces de proximité de commander tout type d’articles de grande consommation et de se faire livrer en moins de 24 heures via une application mobile. Outre l’amélioration des conditions d’accès à Internet, ces belles performances du commerce en ligne sont favorisées par la présence d’une classe moyenne dans des pays comme le Nigéria, le Maroc, la Tunisie, la Côte d’Ivoire, le Kenya et l’Afrique du Sud. Là comme ailleurs, les plateformes d’e-commerce s’affichent en tête du classement des sites les plus visités. Un facteur essentiel pour des opérateurs télécoms comme MTN et Orange, qui investissent dans ces sites fortement générateurs de trafic Internet, telle la plateforme Jumia, où sont présents Orange, MTN et Millicom, ou Afrimarket (Orange). Selon le cabinet BearingPoint, auteur d’un rapport intitulé « L’essor de l’e-commerce en Afrique », ces opérateurs « espèrent des retombées positives sur leur cœur de marché, à savoir le volume de données consommées, et sur les flux d’argent transitant par leur solution de paiement en ligne ».
« De nombreux entrepreneurs et petites entreprises ont compris que l’e-commerce africain est une aubaine pour développer leur chiffre d’affaires »
Sécuriser Le Marché
Confrontées au faible taux de bancarisation de leurs visiteurs, les plateformes africaines d’e-commerce généralisent désormais l’intégration du mobile money dans les moyens de règlement. Au Kenya, le transfert d’argent par téléphone mobile, avec l’application M-Pesa, concentre environ 95 % des transactions. « J’effectue la quasi-totalité de mes achats, généralement des produits de beauté, via cette application, témoigne Ellector Ouyo, data-analyste chez Paramount Pictures au Kenya. Je commande sur Amazon ou auprès de vendeurs que je contacte sur Instagram ou Facebook ». Certaines plateformes de commerce électronique proposent également à l’acheteur de payer une partie en espèces, dès réception de la livraison. Une façon de rassurer des consommateurs souvent frileux vis-à-vis de ces transactions, dans des pays où l’application des lois sur le commerce électronique n’est pas toujours effective. Autre initiative, celle lancée par Anka, la start-up ivoirienne d’e-commerce « made in Africa » – anciennement appelée Afrikrea – qui a créé, il y a deux ans, Anka Pay : cette solution de paiement permet à un vendeur de recevoir son argent sur le même modèle que PayPal, en passant par les modes de finances locaux. Une solution très pratique, étant donné que PayPal n’est pas disponible dans certains pays africains.
Une Aubaine Pour L’Avenir
Sur ce marché à la croissance remarquable, les entreprises d’e-commerce s’adaptent donc pour patienter, contourner les obstacles, et rebondir. Comme ce fut le cas lors de la pandémie de Covid-19. « Au début, c’était une période incertaine, se souvient Moulaye Tabouré, co-fondateur d’Anka. Ensuite, notre chiffre d’affaires a été multiplié par cinq au terme de l’année 2020, et nos volumes multipliés par dix ». Malgré les obstacles déjà cités, malgré aussi les problèmes liés à un adressage physique souvent aléatoire en Afrique (ce qui ne facilite pas les livraisons), de nombreux entrepreneurs et petites entreprises ont eux aussi compris que l’e-commerce constitue bel et bien une aubaine pour élargir leur marché et développer leur chiffre d’affaires. Mais si les opportunités sont là, les mirages le sont aussi : selon Disrupt Africa, moins de 30 % des entreprises d’e-commerce sont aujourd’hui rentables en Afrique.
Des Perspectives Florissantes
Selon les statistiques disponibles sur la plateforme allemande Statista, l’e-commerce africain devrait atteindre un taux de croissance annuel de 24,7 % en 2024. Alors qu’en 2017, le chiffre d’affaires annuel de l’industrie du commerce électronique n’était que de 7,7 milliards de dollars (un peu plus de 7 milliards d’euros), il devrait s’élever à plus de 42 milliards de dollars (un peu moins de 40 milliards d’euros) d’ici 2024. Pour sa part, le revenu annuel généré par le secteur pourrait enregistrer une croissance cumulée de près de 500 % en l’espace de sept ans. Toujours selon Statista, seulement 138,9 millions de personnes en Afrique avaient effectué des achats en ligne en 2017. Un chiffre qui devrait passer, d’ici 2024, à 519,8 millions, soit un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 17,9 %. Quant au taux de pénétration du commerce électronique au sein de la population africaine, les projections l’estiment à 40 % en 2024.