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Christel Bories, PDG d’Eramet : « La mine responsable, c’est possible et indispensable »

Pour Forbes Afrique, Christel Bories, présidente directrice générale du groupe Eramet, revient sur les engagements sociétaux et environnementaux de l’entreprise minière et métallurgique, qui souhaite répondre de façon citoyenne, engagée et contributive aux enjeux de la nouvelle ère des métaux : produire plus et produire mieux.

Par Afaf Aboudoulama

FORBES AFRIQUE : Pourriez-vous nous présenter le groupe Eramet ?


Christel Bories : Eramet est un groupe minier et métallurgique européen, acteur de référence de la transformation responsable des métaux et présent sur les cinq continents. À travers une stratégie ambitieuse alliant excellence opérationnelle et excellence RSE (responsabilité sociétale des entreprises), Eramet est parfaitement positionné pour répondre aux besoins en métaux stratégiques qui vont augmenter de façon considérable dans les années à venir. En Afrique, le groupe est présent au Sénégal et au Gabon où nous exploitons des gisements de classe mondiale de manganèse et de sables minéralisés. Nous sommes également présents dans d’autres pays africains, notamment au Cameroun, à travers des opérations d’exploration. Sur le continent, Eramet emploie plus de 10 000 personnes dont plus de 97 % sont des ressortissants des pays hôtes. Nous sommes fiers de constater qu’autour des activités du groupe, un tissu économique s’est tissé dans chaque pays. La stratégie du groupe en Afrique est de faire croître ses activités dans ses pays d’implantation actuels et de saisir de nouvelles opportunités de croissance dans les métaux que le groupe possède en portefeuille (manganèse, nickel et sables minéralisés).

Votre secteur est confronté à un certain nombre d’enjeux. Comment votre groupe se positionne ou se repositionne-t-il compte tenu de ces enjeux ?

C. B. : Eramet a fait des choix stratégiques audacieux à travers le recentrage de ses activités minières et métallurgiques, qui lui permet de conforter son ambition de devenir un acteur minier et métallurgique de référence et un champion des métaux de la transition énergétique. Dès mon arrivée à la tête du groupe en mai 2017, j’ai souhaité mettre la RSE au centre de notre modèle ; un groupe minier et métallurgique qui exerce la majorité de ses activités dans des pays hôtes doit avoir une politique RSE exemplaire pour pérenniser durablement ses activités et les faire croître. J’ai la conviction profonde que sans engagement sociétal fort, il n’y a pas de développement durable. Notre raison d’être — devenir une référence de la transformation responsable des ressources minérales de la Terre pour le bien-vivre ensemble — est notre boussole, elle guide nos décisions et nos actions au quotidien. La mine responsable, c’est possible et indispensable. Nous savons nous opposer aux projets qui ne répondraient pas à l’ensemble de nos critères environnementaux et sociétaux. Par exemple au Gabon, dans le cadre de notre projet d’expansion de la mine, nous avons adapté notre planification minière en prenant en compte la préservation de la biodiversité locale.

Comment le groupe Eramet répond-t-il à la double problématique à laquelle font face les pays africains actuellement, à savoir exploiter leurs ressources minières tout en s’engageant dans un processus de développement durable ?

C. B. : Le groupe a une conviction forte : l’industrie minière de demain sera exemplaire en matière de responsabilité sociétale d’entreprise… ou ne sera pas. Chez Eramet, nous faisons de la RSE un élément de différenciation déterminant qui nous permet de construire des relations fortes dans les pays dans lesquels nous sommes présents. Nous devons prouver que nos opérations sont durables, que nous évitons, minimisons ou compensons nos impacts. Cela passe par l’encadrement de nos activités par un référentiel reconnu et des standards opposables. Eramet a choisi le cadre réglementaire international IRMA (Initiative for Responsable Mining Assurance), considéré comme le plus exigeant de notre industrie. Dans cette optique et pour illustration, huit ans après le lancement de sa mine, notre filiale GCO (Grande Côte Opérations) au Sénégal a restitué, en septembre 2022, 85 hectares de dunes revégétalisées — une première pour le pays. L’altération du paysage que produisent les opérations de la mine itinérante n’est pas irréversible : GCO le prouve en revégétalisant les dunes dans le sillage de sa mine.

Légende photo ci-dessous : Cérémonie de restitution des terres revégétalisées au Sénégal

Vous, Christel Bories, quels sont les engagements que vous avez pris, au nom du groupe Eramet, auprès des communautés dans les zones sur lesquelles vous opérez ?

C. B. : Je le dis souvent, Eramet veut être aimé dans ses pays hôtes, nous ne voulons pas seulement être tolérés. Cela passe notamment par le partage des retombées de la mine avec les communautés qui nous entourent, mais aussi par le développement économique local. Nous souhaitons être un point d’appui auprès des populations pour développer un tissu économique pérenne et durable qui ne soit pas forcément lié à l’activité minière. À titre d’exemple, la création de fonds RSE entre l’État et Comilog (Compagnie minière de l’Ogooué) au Gabon permet de consacrer 11 millions d’euros par an à l’amélioration des infrastructures. Ainsi, Comilog soutient activement l’action du Samu social et a financé en 2021 la réhabilitation de 21 salles de classe à Moanda. Au Gabon également, Eramet a lancé en juin 2022 avec Women In Africa le programme « Femmes d’avenir », destiné à la promotion de l’entreprenariat féminin. Il accompagnera pendant trois ans 130 entreprises dirigées par des femmes gabonaises. Nous avons mis en place un hub à Libreville pour les accueillir et allons bientôt étendre ce partenariat au Sénégal. Au Sénégal, nous avons créé 22 GIE (groupements d’intérêt économique) dont 6 féminins, représentant plus de 1 500 bénéficiaires pour l’accès à des formations. Certains GIE sont devenus des fournisseurs de services à nos activités de réhabilitation environnementale. GCO a aussi contribué à améliorer les conditions d’apprentissage de plus de 8 500 élèves de la zone de Diogo, à travers la réhabilitation de huit établissements scolaires et le don d’équipements.

En termes de politique RSE, quelles sont vos priorités ?

C. B. : Chaque localisation a des priorités de développement différentes. Cependant, les fondamentaux RSE du groupe ne diffèrent pas d’un pays à l’autre, les standards internationaux sont strictement appliqués partout. Nous avons deux axes prioritaires : s’engager pour l’environnement et pour la planète et, comme je vous le disais plus tôt, être aimé et choisi par les populations. Notre engagement pour l’environnement a des implications concrètes pour nos activités. Au Gabon, le parc de la Lékédi, filiale de Comilog, a développé une expertise dans la réhabilitation des primates. Il œuvre pour la préservation d’espèces protégées et la réintroduction de la mégafaune comme le mandrill sauvage ou le lycaon.  Au Sénégal, dans le cadre de notre engagement en faveur du climat, nous construisons une centrale solaire hybride qui sera dédiée à nos activités de production. En matière de préservation des ressources en eau, nous ne prélevons pas l’eau de la nappe phréatique utilisée par les communautés mais celle d’une autre, très profonde. Nous avons d’autre part mis en œuvre un procédé permettant de recycler au maximum l’eau utilisée pour nos opérations. Par ailleurs, un groupe comme Eramet se doit de contribuer au bien-être et au développement de ses salariés, mais aussi des populations qui vivent à côté de ses sites. Dans ce cadre, notre filiale assure la gestion d’un hôpital qui propose des soins pour les salariés et la population. Nos équipes, que ce soit à au Gabon, au Sénégal, ou au Cameroun, mettent en place des mécanismes où les décisions sont prises au sein de commissions composées des autorités et des communautés locales. Notre approche est inclusive pour répondre conformément aux attentes de ceux qui vivent à nos côtés.

Légende photo ci-dessous : Inauguration du hub WIA



Plus largement, quelles formes de coopération proposez-vous aux pays africains, aujourd’hui, pour demain ?

C. B. : Il est important de ne pas agir seul, nous voulons créer des coalitions d’intérêts, des partenariats entre le secteur public et le secteur privé pour assurer la pérennité et la cohérence des actions. Plusieurs programmes me tiennent particulièrement à cœur, notamment ceux que nous mettons en place en faveur des femmes africaines. Nous avons une approche globale. Par exemple, le programme Women in Africa se matérialise par de la formation, du mentorat, de la mise en réseau et de l’accès au financement. Nos activités doivent servir à donner une impulsion au développement d’autres activités économiques. Autre exemple, Comilog a signé un accord de partenariat avec la Journée de la femme digitale au Gabon pour la formation aux technologies digitales et l’accompagnement de startup auprès de 500 jeunes femmes d’ici 2024. Cela nous permet d’attirer les talents féminins, encore trop peu nombreux — et ainsi de bénéficier de ces compétences pour accélérer notre transformation digitale. Pour renforcer nos ambitions en matière de contribution sociétale, nous avons décidé de créer un programme dédié à la création d’impact positif, durable et mesurable que nous lancerons prochainement en ligne avec pour volonté de contribuer au bien-vivre ensemble. Il visera à donner un cadre applicable aux entités du groupe pour sélectionner les projets à impact positif. Nous en reparlerons bientôt.

Crédit-photo : Eramet, Global Mind

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