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Côte d’Ivoire : État Des Lieux De Quelques Produits Suspendus À l’Exportation

Le 15 janvier 2024, avant de revenir récemment sur sa décision, le gouvernement ivoirien a suspendu, pour une période de six mois, l’exportation de 20 produits vivriers dans cinq catégories : racines et tubercules, céréales, fruits, oléagineux et produits dérivés. Selon les autorités ivoiriennes, il s’agit d’assurer un approvisionnement régulier des marchés en produits vivriers, pour garantir la sécurité alimentaire des populations vivant en Côte d’Ivoire. Le pays vise une production de 38 millions de tonnes de produits agricoles à l’horizon 2025.

Par Dani KIANIMI


Dans la catégorie « Racines et tubercules », les produits suspendus pour exportation sont l’igname et le manioc. Concernant les céréales, il s’agit du riz, du maïs, du mil, du sorgho et du fonio. Les fruits suspendus à l’exportation sont la banane plantain, la tomate, le gombo, le piment et l’aubergine. Dans la catégorie des produits oléagineux, figure uniquement la graine de palme. Dans les produits dérivés suspendus à l’exportation figurent l’attiéké, la semoule de manioc, la cossette de manioc, la pâte de manioc, la poudre de gombo, la poudre de piment et la poudre de maïs.


L’Agriculture, Moteur De La Croissance Économique

Pilier économique et générateur de devises par ses exportations, le secteur agricole demeure le moteur de la croissance économique et sociale de la Côte d’Ivoire. Selon le pacte pour l’alimentation et l’agriculture (PAA) mis en place par le gouvernement pour la période 2023-2025/2026, le secteur agricole contribue à environ 22 % du PIB et constitue le premier vecteur de création d’emplois durables en 2020 (60 % des emplois). En outre, 75 % des denrées alimentaires produites en Côte d’Ivoire proviennent de petites exploitations agricoles. Mais le pays est loin d’avoir atteint l’autosuffisance alimentaire. D’où la décision des autorités ivoiriennes de suspendre les exportations de certains produits.

« Le secteur agricole contribue à environ 22 % du PIB et constitue le premier vecteur de création d’emplois durables en 2020 (60 % des emplois) »

C’est pour éviter une rupture de produits agricoles que la Côte d’Ivoire a mis en place le PAA, avec le soutien de la banque africaine de développement (BAD). L’objectif est de doubler la production agricole par l’amélioration substantielle des rendements d’une part, et d’autre part par une efficacité accrue des chaînes de valeur alimentaire et agricole. L’idée étant d’atteindre, en 2025, près de 38 millions de tonnes de riz, de manioc, d’igname, de maïs, de produits maraîchers et de ressources halieutiques, à quoi s’ajoute la viande de volailles et de ruminants.

En attendant d’atteindre cet objectif, voici un état des lieux de quelques produits vivriers les plus consommés en Côte d’Ivoire et qui figurent parmi les produits interdits d’exportation pour 6 mois. 


L’Igname

Avec une production annuelle actuelle de 7 millions de tonnes, l’igname est la première culture vivrière en Côte d’Ivoire. Autosuffisant en ce domaine, le pays en est le troisième producteur mondial, après le Ghana et loin derrière le Nigéria, qui concentre près de 70 % des 65 millions de tonnes produites annuellement dans le monde. La production ivoirienne d’ignames est totalement consommée sur le marché intérieur, pour une valeur marchande de 1 323 milliards de francs CFA (2,2 milliards de dollars, soit environ 2 milliards d’euros) en 2020, selon le PAA. L’igname est produite principalement dans le nord-est, au centre et au nord de la Côte d’Ivoire. Selon la FAO, sa production représente 35 % de la production agricole nationale.

« L’igname est la première culture vivrière en Côte d’Ivoire, avec une production annuelle actuelle de 7 millions de tonnes »

Afin de combler la différence entre les besoins et les productions sur le plan alimentaire, la Côte d’Ivoire a l’objectif de mettre en œuvre, sur la période 2023-2025/2026, des programmes de développement des chaînes de valeur agricoles cibles. Ainsi, le programme de développement de la chaîne de valeur de l’igname dans le nord et le nord-est du pays vise à doubler la production annuelle sans accroître les superficies emblavées, et à atteindre, à terme, 14 millions de tonnes de tubercules d’igname par an.

Par tête, indique le PAA, la consommation d’igname est passée de 176 kilos en 2010 à 197 kilos en 2017, puis à 209 kilos en 2020. La part dédiée à la nutrition humaine se situe en moyenne à 67 %, contre 6 % pour la nutrition animale et 20 % pour les semences. Les pertes occasionnées pendant l’opération de collecte et de stockage se situent en moyenne à 7 %, ce qui est assez élevé, souligne le PAA.


Le Manioc

La Côte d’Ivoire, qui produit 7 millions de tonnes de manioc par an, se classe au 14e rang des producteurs mondiaux en ce domaine, selon le PAA. En termes de consommation nationale, le manioc s’affiche au deuxième rang, après l’igname, et devant le riz.

Le manioc est donc l’une des principales cultures vivrières en Côte d’Ivoire, avec une production estimée, en 2021, à près de 6,5 millions de tonnes. Il est principalement produit dans les régions de Gbêkê (centre nord), de la Marahoué (centre ouest) et celle de la Comoé (est). Selon le PAA, la valeur ajoutée directe de la chaîne de valeur du manioc s’élève à 51,4 milliards de francs CFA par an (85,7 millions de dollars, soit environ 79 millions d’euros), dont : 56 % réalisés dans la sous-filière de l’attiéké ; 37 % dans la sous-filière du frais ; et 7 % dans la sous-filière de l’export. En outre, souligne le document, la contribution de la filière du manioc est de 2,8 % au PIB national, avec 9 millions d’actifs représentant 4,7 % de l’emploi dans le pays.

« La production nationale du manioc est consommée dans le pays, essentiellement sous forme d’attiéké, semoule de manioc produite de manière traditionnelle ou semi-industrielle »

En Côte d’Ivoire, le manioc produit est consommé essentiellement sous forme d’attiéké, une semoule de manioc produite de manière traditionnelle ou semi-industrielle. Une partie de l’attiéké, indique le PAA, est exportée vers le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la Guinée, le Sénégal, le Maroc, l’Europe, les États-Unis, le Canada et la Chine. Une très faible quantité de la production nationale est transformée en amidon et en farine panifiable de boulangerie et pâtisserie. Selon des études conduites en 2017 et publiées sur le site du gouvernement ivoirien, la chaîne de valeur du manioc ivoirien représente près de 12 % du produit intérieur brut (PIB) agricole et 2,8 % du PIB national. Le PAA prévoit un programme de développement de la chaîne de valeur du manioc dans le centre et le sud du pays, avec un appui aux systèmes de production agricole ; la transformation et la valorisation des produits dérivés du manioc ; ainsi que le renforcement des circuits de distribution et de commercialisation du manioc et des produits dérivés.


Le Riz

Le riz est l’une des denrées les plus consommées par la population ivoirienne, avec une consommation moyenne annuelle de 70 kg par habitant, et une progression annuelle de 6 % selon les données de l’agence ivoirienne pour le développement de la filière riz (ADERIZ). Pour sa part, le PAA indique que la consommation nationale de riz génère un chiffre d’affaires annuel de plus de 1 500 milliards de francs CFA (2,29 milliards de dollars, soit 2,11 milliards d’euros). De son côté, le programme national de développement (PND) de la Côte d’Ivoire fait savoir que la filière du riz fournit environ un million d’emplois directs dans le pays.

« La production nationale de riz ne couvre que 50 % de la demande intérieure »

Néanmoins, indique l’ADERIZ, la production nationale de riz ne couvre que 50 % de la demande intérieure. Pour combler ce déficit, explique-t-on, la Côte d’Ivoire a recours à des importations massives de riz blanchi, faisant du riz le deuxième produit alimentaire le plus importé après le poisson. En 2021, selon l’exécutif ivoirien, son importation sur le marché international a coûté environ 657 millions de dollars (soit environ 606 millions d’euros).

À en croire le PAA, seule une infime partie de la production mondiale de riz (moins de 5 %) fait l’objet d’échanges internationaux. En 2021, indique-t-on, les échanges ont porté sur 31 millions de tonnes seulement, à rapprocher des 650 millions de tonnes de riz dans le monde. D’où, selon le PAA, un gros risque d’insécurité alimentaire pour les pays importateurs de riz, comme la Côte d’Ivoire. Dans le même temps, peut-on lire dans le PAA, le marché ouest-africain est demandeur de cette denrée, avec une importation annuelle qui lui coûte près de 5 milliards de dollars (4,6 milliards d’euros). Pour le PAA, il s’agit là d’une niche sur laquelle devrait se positionner la Côte d’Ivoire, et ce de manière compétitive.

En 2022, la Côte d’Ivoire a enregistré une production de 1,1 million de tonnes de riz blanchi et son objectif est d’atteindre 1,4 million de tonnes en 2023. Les besoins de consommation de riz blanchi dans le pays sont évalués à environ 2,4 millions de tonnes par an. Pour ce faire, le PAA prévoit un programme de développement de la chaîne de valeur du riz dans le centre, le nord et l’ouest du pays, et plus précisément : une production de 15 000 tonnes de semences à haut rendement ; la mécanisation totale de la chaîne de valeurs rizicole ; la réhabilitation et la construction de 64 barrages et des parcelles rizicoles sur environ 55 000 hectares additionnels, dont 30 000 hectares en un seul tenant à Kossou dans l’espace propice créé par la réalisation du barrage hydroélectrique éponyme ; l’appui à la création de 20 petites et moyennes entreprises agricoles (PMEA) additionnelles ; ainsi que la cession de l’État aux investisseurs privés de 30 unités industrielles installées pour la transformation du riz.


Le Maïs

La production annuelle de maïs en Côte d’Ivoire, indique le PAA, est passée progressivement d’environ 700 000 tonnes en 2011 à 1,2 million de tonnes en 2020, entièrement absorbées par le marché intérieur. En outre, explique-t-on, la disponibilité en qualité et en quantité du maïs devient problématique, car cette céréale entre, pour 60 %, dans la fabrication des aliments de bétail et de volaille, alors que sa consommation pour les besoins humains est de plus en plus importante (épis frais, farine, pâte, bouillie de farine ou de semoule, couscous, bières locale et industrielle, galettes et farine infantile). Pour les rédacteurs du PAA, il existe également une insuffisance de silos de stockage du maïs dans de bonnes conditions à travers le pays. Ainsi, il est prévu un programme de développement de la chaîne de valeur du maïs dans le nord de la Côte d’Ivoire, avec 50 000 hectares mis en valeur et une production estimée à 750 000 tonnes additionnelles par an, soit un accroissement de 62,5 % de la production actuelle.

« La disponibilité en qualité et en quantité du maïs devient problématique »


Les Fruits et Légumes

Par ailleurs, la production de légumes reste également insuffisante pour le marché intérieur ivoirien, avec une demande nationale de légumes estimée à un million de tonnes par an. Ainsi, souligne le PAA, l’offre nationale en légumes est donc complétée par des importations d’environ 100 000 t/an issues d’Europe et du Maroc (tomate, carottes, etc.) et 200 000 tonnes provenant des pays de l’hinterland, essentiellement le Burkina Faso (tomate, aubergines, carottes et haricots verts) et le Niger (oignon de variété violette de Galmi). Selon les préconisations du FIDA, de la FAO et de l’OMS, la consommation journalière en légumes devrait être de 205 grammes par habitant, ce qui, indique le PAA, porte les besoins de la Côte d’Ivoire pour une alimentation équilibrée à près de 2,1 millions de tonnes par an de légumes.

Pour augmenter la production des fruits et légumes, le gouvernement ivoirien prévoit un programme de développement de la chaîne de valeur maraîchère d’un coût de 46,1 milliards de francs CFA (75 millions de dollars, soit 69 millions d’euros) sur l’ensemble du territoire ivoirien.


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