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Cryptomonnaies : les leçons à tirer de la chute de FTX

Acteur averti du marché des cryptomonnaies, le dirigeant  d’Ubuntu Group revient dans cette tribune sur la nature encore imparfaite du fonctionnement de ce secteur, suite à la faillite de la plateforme FTX , tout en préconisant une série de pistes à explorer.

Par Mamadou Kwidjim Touré, fondateur d’Ubuntu Group, Ubuntu Tribe et Africa 2.0

L’actualité récente l’a rappelé : le secteur des cryptomonnaies est confronté à un risque à la fois structurel et systémique qui étouffe son potentiel de croissance exceptionnel. Il ne serait pas surprenant que le bitcoin atteigne un niveau plancher de 8 à 12 000 dollars avant de reprendre sa course haussière à un stade ultérieur. Le récent effondrement de la plateforme d’échange de cryptomonnaies FTX confirme que nous ne pouvons pas simplement prétendre nous éloigner de l’ancien système bancaire et financier, copier systématiquement tous ses défauts, tout en espérant que tout ira pour le mieux. J’ai donc réfléchi profondément à la crise actuelle du marché cryptographique déclenchée par l’effondrement de FTX et à ses conséquences pour l’avenir de l’industrie tout en évaluant les causes profondes de celle-ci. De manière générale, les événements m’ont donné raison sur la nécessité de s’appuyer sur des actifs réels comme l’or, l’immobilier, l’art (NFTs)…

Tout d’abord, il est important de sortir de la confusion générée par l’effondrement de FTX au sein de l’opinion publique. Il ne faudrait pas confondre les plateformes d’échanges de cryptomonnaies telles que FTX, les cryptomonnaies (telles que le Bitcoin), les tokens à fonction utilitaire (telles qu’Ethereum), et enfin les actifs numériques adossés sur des valeurs économiques tangibles telles que l’or et l’immobilier (asset-backed tokens).  Ces derniers représentent des titres fonciers numériques fractionnables, transférables et alignés sur la valeur économique du sous-jacent. En cela, ils sont décorrélés du marché des cryptomonnaies. Dans le cas du GIFT Coin (Gold International Fungible Token) émis par Ubuntu Tribe par exemple, GIFT Coin est équivalent à 1 milligramme d’or. Même si toutes ces classes d’actifs utilisent la technologique blockchain, elles ne sont toutefois pas identiques. Les « Assets Backed Tokens » sont de ce point de vue clairement l’avenir de l’Afrique car ils offrent une opportunité unique de tokeniser ces ressources naturelles et autres actifs sous-exploités pour créer de la richesse partagée.

Valoriser les richesses africaines

En effet, l’Afrique dispose d’un sous-sol riche mais ce dernier est malheureusement peu valorisé. Dans ce contexte de crise, n’oublions pas l’unique opportunité qui s’offre à nous avec la technologie blockchain. Mais revenons à FTX. Il est certain que suite à la faillite de FTX, la situation va empirer avant de s’améliorer pour de nombreux acteurs. C’est une purge nécessaire pour séparer le bon grain de l’ivraie. Mais surtout, cela nous conforte dans le fait que nous avions la bonne stratégie dès le départ, à savoir tokeniser des actifs sûrs tels que l’or, l’immobilier, donnant ainsi l’opportunité à tout Africain de participer au système financier depuis son téléphone mobile.  En effet, suite à la croissance exponentielle de l’industrie, qui a créé des crypto-milliardaires, le marché des cryptomonnaies vient de subir une crise car il est devenu essentiellement spéculatif et a besoin d’introduire davantage les principes fondamentaux du système financier traditionnel basé sur une économie saine et une création de valeur réelle à partir d’actifs économiques réels.

« Le marché des crypto-monnaies vient de subir une crise car il est devenu essentiellement spéculatif et a besoin d’introduire davantage les principes fondamentaux du système financier traditionnel basé sur une économie saine et une création de valeur réelle »

En d’autres termes, il a emprunté les mauvais éléments du système financier traditionnel et a négligé les bons éléments, qui sont censés rendre le secteur pérenne et protéger les investisseurs. Si nous devions comparer la situation actuelle avec le système financier traditionnel, nous pourrions dire que le bitcoin est l’équivalent du bêta du marché cryptographique. Pur faire simple, le bêta est un concept qui mesure l’évolution attendue d’une action par rapport aux mouvements du marché global. Un bêta supérieur à 1 suggère que l’action est plus volatile que le marché pris au sens  large, et un bêta inférieur à 1 correspond à une action ayant une volatilité plus faible que ledit marché. En d’autres termes, le bitcoin est un baromètre de l’industrie. Si le bitcoin a perdu 25% de sa valeur en 24 heures, vous pouvez donc imaginer ce qui va se passer pour les autres crypto-actifs. Je peux parier sur mes deux décennies d’expérience dans la haute finance et mes antécédents d’investissement dans le secteur de la tech que ce n’est que le début d’un effet domino, car de nombreux acteurs clés avaient une exposition sur FTX.  Le risque systémique dans le secteur des crypto-monnaies est beaucoup plus élevé que dans la finance traditionnelle et 10 fois plus dommageable en termes de chutes de marché en raison de la liquidité limitée, des actifs fortement corrélés et du nombre très limité de grands acteurs (2 actifs principaux- le bitcoin et l’ethereum- représentent 60 % de la capitalisation boursière totale du secteur) dans un secteur où la capitalisation boursière est minuscule – 2 à 3000 milliards de dollars – par rapport à la taille du marché financier mondial – 750 000 milliards de dollars (dont la capitalisation boursière mondiale et celle des titres à revenu fixe représentent 125 000 milliards de dollars chacune).

Une chute de 80 % de la valeur des jetons FTX

Afin de mettre les choses en perspective, comparons les deux événements majeurs qui se sont produits la semaine dernière respectivement sur le marché des crypto-monnaies et sur le marché boursier américain. Lorsque Elon Musk a annoncé la vente de 4 milliards de dollars d’actions Tesla, l’action a chuté de 5 %. Dans le même temps, l’annonce de CZ- le PDG de Binance- de se débarrasser des jetons FTT a entraîné une chute de 80 % de la valeur des jetons FTX en une journée. Bien sûr, on pourra toujours dire que la précédente hausse des actifs cryptographiques a été alimentée par les mêmes raisons que celles qui ont abouti à cette présente chute, à savoir une forte corrélation entre crypto-actifs, une liquidité limitée du marché- entraînant une volatilité élevée- et surtout, un manque de fondamentaux commerciaux et de soutien économique réel, alimenté par des actifs numériques qui ne sont adossés à rien ou presque (c’est pourquoi les bulles de crypto-actifs explosent toujours).

« L’introduction d’actifs durs tokenisés comme l’or, l’immobilier et l’art (NFT) ou autre contribuera à une plus grande adoption tout en diluant le risque systémique qui met actuellement en danger l’industrie des crypto-actifs »

Tirant les conséquences de ce qui précède, nous nous sommes efforcés, à Ubuntu Tribe, de lancer une pièce numérique adossée à de l’or physique, remboursable à tout moment, afin d’apporter une valeur réelle à la crypto-économie et de la relier à l’économie réelle pour garantir une adoption plus large. J’ai toujours été d’avis que l’introduction d’actifs durs tokenisés comme l’or, l’immobilier et l’art (NFT) ou autre contribuera à une plus grande adoption tout en diluant le risque systémique qui met actuellement en danger l’industrie des crypto-actifs. Il est certain que les leaders du secteur devanceront la réglementation et offriront à l’avenir plus de transparence sur leurs « réserves nettes et le soutien réel de leurs jetons ». Cela aidera certainement mais ne sera pas suffisant pour résoudre les problèmes systémiques du secteur.

Dès lors, que faire de plus pour que la filière des crypto-monnaies prospère et sorte renforcée de cette phase balbutiante initiale ?

 5 solutions

Je vois pour ma part 5 solutions clés à mettre en œuvre au sein du secteur pour surmonter cette vague de crises répétées. 

1. Une divulgation proactive et des mécanismes transparents, dans le respect toutefois de la vie privée

2. Une meilleure diversification des différentes classes d’actifs avec la tokenisation de ces actifs, qui permettrait in fine de faire le lien avec l’économie réelle, pour plus de stabilité et de liquidité.

3. Un retour aux fondamentaux économiques et financiers des entreprises, ce qui atténuerait de facto l’approche purement spéculative qui nuit actuellement à l’industrie.

4. Une mise en œuvre et une normalisation des protocoles et outils de gestion et d’évaluation des risques du portefeuille.

5. Enfin, l’acquisition de clients au-delà de la présente communauté cryptographique afin d’assurer une meilleure profondeur de marché et une liquidité plus importante.

En définitive, les cryptomonnaies n’en sont qu’à leurs débuts : Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. En tant que fondateur d’Ubuntu Group et d’Ubuntu Tribe, j’ai l’opportunité tout autant que la responsabilité de montrer comment et pourquoi la tokenisation des actifs miniers, de l’immobilier, des devises et des matières premières pourraient apporter plus de liquidité au marché financier mondial ainsi que plus de stabilité à l’industrie des crypto-actifs. En clair, cette démarche pourrait être un pont important entre les deux systèmes financiers tout en inaugurant une nouvelle économie basée sur la prospérité partagée.

La valeur du sous-sol africain a été estimée à plus de 200 000 milliards de dollars. Ces actifs, une fois tokenisés, ne seraient pas susceptibles de subir les mêmes fluctuations de cours que les actuelles cryptomonnaies. Davantage, au-delà d’être de simples produits d’épargne, ils pourraient être utilisés comme collatéral pour emprunter et lever des capitaux, mais aussi comme monnaie d’échange pour accéder à l’économie mondiale.

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