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Des Relations Publiques Efficaces Dans Un Contexte Africain Multiculturel 

Avec 1,3 milliard d’habitants répartis sur 54 États, le continent africain est un carrefour démographique qui se distingue par la coexistence de plus de 2 000 langues, parlées par une multitude de groupes ethniques. Cette diversité se voit encore enrichie par la présence d’acteurs provenant des États-Unis, de France, du Liban, d’Inde, de Chine et de Turquie. Les économies africaines constituant des espaces résolument multiculturels, comment y déployer une stratégie de relations publiques efficace ? Éléments de réponse.

Par Goudet Abalé


La richesse multiculturelle du continent africain représente un défi pour les entreprises étrangères désireuses de s’y développer. À ce titre, bon nombre d’entre elles tombent encore dans le piège de « l’Afrique comme bloc homogène», simplifiant leurs stratégies en négligeant les nuances sous-régionales. Interrogée sur la question, Claire Xue, communicante franco-chinoise à la tête d’une équipe d’expertes des relations Afrique-Chine, insiste pourtant : «Ce continent est une mosaïque de près de cinquante pays distincts. Il est donc essentiel de reconnaître et de respecter les spécificités de chaque nation. Une approche ouverte et engagée est cruciale». Pour réussir son expansion sur un ou plusieurs marchés africains, il est donc impératif de respecter certaines règles essentielles.


Faire Preuve d’Empathie

Il s’agit du fondement de toute stratégie de relations publiques efficace, en Afrique ou ailleurs. Comme le souligne Paola Audrey, entrepreneure camerounaise et créatrice de contenus depuis plus de 20 ans : l’intelligence émotionnelle et la capacité d’écoute attentive sont essentielles. «Une communication efficace nécessite une sensibilité accrue et, idéalement, une consultation préalable avec les parties concernées pour éviter les faux pas culturels», ajoute-t-elle.

L’expérience de Claire Xue dans le secteur du tourisme de luxe marocain illustre la pertinence de cette approche. En adaptant ses services aux attentes des touristes asiatiques, notamment chinois, tout en les préparant à appréhender les différences culturelles, elle explique avoir mis en place une forme de communication empathique qui a facilité l’intégration des visiteurs et enrichi leur expérience… Avec à l’issue de réels bénéfices économiques.

De même, Paola Audrey affirme avoir toujours mis à profit des organisations au sein desquelles elle a évolué sa capacité à interpréter et communiquer efficacement, que ce soit au sein de Boomplay, une entreprise chinoise, ou de la Fondation MTV, une organisation américaine. «Je considérerais mon rôle comme celui d’une traductrice, faisant le pont entre les exigences locales et les attentes de la direction. Cette capacité à naviguer entre différentes strates culturelles a été essentielle pour garantir la réussite de nos projets », explique-t-elle.


Adapter Son Discours Aux Pratiques Locales

Les marchés africains se caractérisent par des divergences qui doivent être comprises et intégrées. De manière simplifiée, il convient de distinguer les grandes zones linguistiques : l’Afrique anglophone, arabophone et francophone. Au sein de ces blocs, des subdivisions plus fines s’imposent. Par exemple, en Afrique francophone, il est essentiel de différencier l’Afrique centrale de l’Afrique de l’Ouest, chacune répondant à des logiques distinctes. Même au sein de l’Afrique de l’Ouest, les stratégies doivent varier entre des pays comme le Sénégal, le Bénin et la Mauritanie.

Dans d’autres, comme le Nigéria, l’Afrique du Sud, le Cameroun ou la Côte d’Ivoire, les consommateurs sont particulièrement sensibles à l’utilisation de leur argot (pidgin, nouchi, camfranglais) ou de leurs langues (zulu, xhosa, dioula) et références culturelles. De plus en plus de marques internationales adaptent leurs campagnes en ce sens. À titre d’exemple, plusieurs artistes africains, dont les Nigérians Yemi Alade et Adekunle Gold, ont réadapté le titre « Taste the feeling » de la campagne éponyme de Coca-Cola en 2016, tandis qu’à Maurice, la marque a «fait appel à une trentaine de facebookers et instragramers les plus influents du pays [dont Jason Lily, un handballeur et chanteur de seggae] pour ensuite organiser un road trip», comme l’expliquait à l’époque Valérie Rochecouste, directrice marketing de Coca-Cola Islands, à nos confrères de Jeune Afrique. Idem en Côte d’Ivoire, où Wave s’est illustré avec son slogan « ton djê est câlé », inspiré du nouchi, tandis qu’Orange Côte d’Ivoire est allé jusqu’à décrypter des expressions footballistiques locales en marge de la CAN (« Chez nous, le Foot c’est BALLON»).

Enfin, la différence de maturité entre les marchés exige parfois une réadaptation de la stratégie au contexte. C’est ce qu’explique Paola Audrey, en se remémorant son expérience chez Boomplay : «Il a d’abord fallu introduire et expliquer le concept de streaming, encore nouveau en Côte d’Ivoire à l’époque. Cette sensibilisation en amont a été cruciale pour préparer nos utilisateurs – mais aussi les artistes et leurs labels – à comprendre l’utilité de notre service. Un travail de pédagogie a précédé toute action de promotion de notre plateforme».

« Les consommateurs sont particulièrement sensibles à l’utilisation de leur argot (pidgin, nouchi, camfranglais) ou de leurs langues (zulu, xhosa, dioula) et références culturelles »


Réaffirmer Son Engagement à Contribuer Positivement à la Communauté

Claire Xue en est convaincue, communiquer les valeurs de l’entreprise, ainsi que ses contributions concrètes envers les communautés, contribue à renforcer son image et la confiance dont elle fait l’objet. Pourtant, déplore-t-elle, si près de 4000 entreprises chinoises sont actives sur le continent[1], très peu parmi elles suivent cette stratégie sur leurs marchés africains. Ce qui se traduit par un déficit de visibilité et de perception, « laissant le champ libre à la concurrence ».

Au contraire, celles qui suivent ces conseils semblent avoir des résultats assez positifs. «Par exemple, nous avons conseillé à l’un de nos clients de faire évoluer sa stratégie : au lieu de simplement diffuser des chiffres sur le soutien apporté dans l’une de ses formations, il a mis en avant des témoignages de bénéficiaires », raconte-t-elle. Cette approche, plus personnelle et tangible, aurait engendré une augmentation significative des interactions et retours positifs sur les réseaux sociaux de ses clients.

« Communiquer les valeurs de l’entreprise, ainsi que ses contributions concrètes envers les communautés, contribue à renforcer son image et la confiance dont elle fait l’objet »


Veiller & Anticiper Les Tendances En Continu

«Aujourd’hui, la veille [qui consiste à surveiller, dans la sphère médiatique, les sujets, tendances, mentions et réactions en lien avec une organisation, NDLR] est essentielle sur nos marchés», martèle Paola Audrey. Cette pratique permet en effet d’atteindre plusieurs objectifs : anticiper les tendances, étudier l’opinion publique et comprendre la perception générale sur diverses thématiques, mais également mesurer l’efficacité de certaines campagnes, identifier les tendances émergentes et réagir rapidement aux commentaires négatifs pour les transformer en opportunités positives.

« Beaucoup de crises auraient pu être évitées si les entreprises avaient simplement fait de la veille et compris les dynamiques en cours dans leur secteur», constate d’ailleurs cette communicante et femme de média, installée en Côte d’Ivoire depuis plusieurs années. C’est en partie la raison pour laquelle, elle a développé une newsletter, Africa Digest. «Beaucoup de professionnels de la communication et du marketing suivent ma newsletter. Elle leur permet de rester informés des évolutions de leurs marchés africains ».

De son côté, Claire, utilise de manière quotidienne des outils comme Visibrain, Talkwalker pour suivre le « bruit social » généré par plusieurs de ses clients. « Ces plateformes nous permettent de détecter en temps réel les signaux faibles et de comprendre les préoccupations émergentes. Ce qui nous donne un avantage pour adapter rapidement nos actions et préserver ou nourrir positivement la réputation de nos clients », explique-t-elle, avant de conclure : « Pour résumer, notre compréhension des marchés africains et notre capacité à les surveiller, à les étudier et à les orienter, nous permettent d’élaborer des stratégies qui respectent les spécificités culturelles tout en valorisant les actions de nos clients. C’est la raison pour laquelle ils nous sollicitent ».


[1] Selon un rapport du China-Africa Business Council de 2022.


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