Régulièrement confrontées aux pesanteurs des marchés immobiliers de leur pays d’origine, les diasporas africaines gagneraient à utiliser les nouveaux canaux numériques d’accompagnement de leurs investissements sur ce segment.
Par Albert Ménélik Tjamag, COO de PARSCEL
Dans l’imaginaire africain, la diaspora apparaît souvent comme plus chanceuse, plus aisée, et à même d’atteindre plus facilement le saint Graal du statut de propriétaire. Mais en réalité, ces diasporas sont souvent perçues par les populations des pays d’origine comme arrogantes et distantes, ce qui se traduit par une multitude de frictions au moment d’acquérir ou de faire construire un bien immobilier. Cette réalité décourageante est la norme des diasporas africaines, ces dernières ayant bien des difficultés à se réinsérer dans un tissu local en décalage avec leurs aspirations.
De fait, quand il s’agit de penser un projet architectural, les investisseurs venus de la Diaspora apprennent le plus souvent à leurs dépens qu’il existe des différences culturelles ou esthétiques majeures dans l’approche du bâti proposée par le maître d’œuvre et les prestataires locaux. Une situation qui aboutit à des blocages ainsi qu’à des difficultés de mise en œuvre et des délais non-respectés. À cela s’ajoute un manque d’accompagnement administratif pour une diaspora parfois considérée comme fautive d’être partie et devant s’adapter au forceps à la réalité du pays.
Parcours du Combattant
Résultat, l’acquisition du foncier- pré-requis indispensable à la construction d’un bien immobilier- peut vite devenir un parcours du combattant quand cela ne se règle pas par une impossibilité d’achat due par exemple à l’interdiction de la bi-nationalité, comme au Cameroun. De ce point de vue, il est curieux de constater le sous-développement des offres de biens en copropriété dans des sociétés africaines pourtant réputées communautaires, et ce malgré des dispositifs réglementaires tels que la loi camerounaise n° 2010/022 du 21 décembre 2010 sur la copropriété, qui cherche précisément à faciliter l’accession à la propriété et à permettre une densification verticale d’un tissu urbain trop éclaté et horizontal. Pour un investisseur de la diaspora, il est assurément plus facile d’acheter un appartement dans un immeuble dont la construction et les propriétaires, constitués en sociétés civiles immobilières, sont traçables que d’investir dans une villa individuelle ou un terrain vierge en partant de zéro. De là découle la récurrence des problèmes dans les relations commerciales entre membres de la diaspora et locaux, ce qui engendre un climat des affaires souvent exécrable.
Limites Réglementaires
L’envoi de fonds au constructeur local constitue la difficulté majeure de tout projet immobilier porté par les investisseurs de la diaspora africaine. Il est très difficile de développer un continent si les forces vives qui en sont issues ne peuvent acheminer le fruit de leur travail depuis l’extérieur. Malgré la multiplication des start-up ayant pour ambition de faciliter les transferts d’argent vers l’Afrique, les réglementations bancaires en vigueur limitent dans les faits le montant des envois, les plafonds variant entre 1000 et 5000 euros par mois. Autrement dit, pas grand-chose. Quant à l’argument de lutte contre le blanchiment invoqué par les institutions financières pour justifier ces limitations, il est en partie factice : dans la pratique, ces dispositifs pénalisent davantage les particuliers que les entreprises, qui sont plus à même de trouver des solutions alternatives. Pis, ces mesures apparaissent comme contre-productives et limitantes au regard des besoins immenses en logements d’un continent à la démographie galopante. La famille, qui est souvent accusée de détourner l’argent du chantier, n’est par ailleurs pas toujours de bon conseil tandis que le manque de points d’appui et de relais locaux est criant et démotivant, même pour les personnes les plus engagées. Et en cas de litige, la relative faiblesse de la protection juridique et les méandres d’une justice changeante et perméable aux pressions finiront par avoir raison des plus déterminés. Investir au pays, c’est aussi s’armer de patience.
Les Outils Digitaux Comme Solution
De ce point de vue, et à moins d’avoir les moyens de séjourner six mois à un an au pays pour suivre son chantier, sans certitude du reste d’une livraison en temps et en heure, les moyens digitaux restent la meilleure option d’accompagnement et de monitoring des investissements de la diaspora. Un véhicule d’investissement continental est difficilement envisageable au vu des disparités de situations foncières, administratives et monétaires. À l’échelon régional en revanche, une intégration plus poussée des États faciliterait les choses. Mais c’est définitivement au niveau local que des fonds d’investissement de la diaspora pourraient flécher plus efficacement l’investissement des Africains de l’étranger. La possibilité de rendre liquide un marché physique et de prendre des parts dans des biens construits en assurant ainsi une multipropriété aux différentes diasporas permettrait de constituer un second marché immobilier vivace à même de stimuler l’ensemble du secteur. Cette tokenisation des actifs immobiliers est encore balbutiante, mais c’est sans doute la meilleure piste à suivre pour le futur développement du marché immobilier en Afrique.