En forte croissance, la population africaine a des besoins croissants en matière d’immobilier. Une dynamique positive sur laquelle les pays africains doivent dès à présent capitaliser pour améliorer les qualifications des actifs travaillant dans ce secteur stratégique.
Par Albert Ménélik Tjamag, COO de PARSCEL
À l’horizon 2050, 25% de la population mondiale résidera en Afrique, qui comptera alors 2 milliards de citadins. Dans ces conditions, le développement de l’activité immobilière représente donc un passage obligé et un vecteur de croissance certain pour répondre aux besoins en constructions découlant de cette dynamique démographique. De fait, les nombreux métiers transversaux de la filière immobilière (construction, commercialisation, gestion, conception, aménagement intérieur et extérieur) pourraient aisément fournir des opportunités d’emploi à une jeunesse africaine demandeuse. Dans l’immédiat pourtant, et contrairement au Maghreb, le secteur immobilier en Afrique subsaharienne francophone a du mal à s’organiser afin de recueillir tous les bénéfices d’une filière structurée. Ainsi, alors que certains métiers ayant trait au conseil, à la gestion ou à la commercialisation tentent de s’organiser, d’autres, liés à la promotion, à la construction ou à la finition, relèvent encore trop souvent du domaine de l’improvisation et de l’informel. Certains États font certes des efforts pour construire des infrastructures de formation aux métiers du bâtiment et des travaux publics, à l’instar de la Côte d’Ivoire, qui va lancer en 2022 la construction de 7 écoles de formation professionnelle pour un investissement total de 146,5 milliards de francs CFA (224 millions d’euros). Une initiative nationale louable, qui gagnerait néanmoins à être répliquée partout sur le continent pour réellement faire décoller la filière BTP, souvent délaissée au profit de formations plus “intellectuelles”.
Des Besoins Immenses
Les besoins en professionnels qualifiés sont pourtant immenses, et même si les textes et les contraintes réglementaires existent, ils sont dans les faits très peu appliqués pour garantir une qualité de service à la clientèle. Prendre un architecte pour construire un bien reste par exemple une démarche rare, car ce corps de métier est considéré par nombre de clients comme inutile et cher. En lieu et place, un « technicien (maçon, contrôleur de travaux, dessinateur PAO/DAO…) » va concevoir la maison et un bakchich sera ensuite donné à un architecte lambda pour signer les plans. Personne n’y trouve rien à redire, mais la conséquence de cette moindre qualité du service entraîne de facto une plus grande fragilité des constructions, un vieillissement accéléré, et parfois même l’affaissement ou l’écroulement de certains bâtiments. L’autre conséquence de cette primauté à la facilité du court terme est le peu de qualifications des travailleurs, qui sont victimes d’un dumping salarial et social. Dans bien des pays africains, l’opinion populaire est convaincue que tout le monde peut monter un mur en parpaings. Il y a donc peu de normes, peu de contrôles, peu de formations, peu de suivi qualité. Il est dès lors difficile d’augmenter les rémunérations et de professionnaliser la filière. Cela entraîne un énorme déficit d’entrepreneurs disposant de capacités et d’une logistique adéquate, des coûts de construction élevés, une faible qualité de finition et des retards occasionnels dans la livraison de grands logements. Les constructions locales se limitent donc mécaniquement à des villas (R+1, 2 ou 3) et quand on fait appel à des sociétés étrangères pour construire des immeubles de plus grande envergure, le transfert de compétences se fait rarement au profit des travailleurs et techniciens locaux.
Plus de Réglementation et de Formations
Pour toutes ces raisons, il est nécessaire d’encadrer davantage la réglementation des professions, les formations et les diplômes, et d’agir dans le strict respect de ces normes. Car au final, le secteur des BTP est un atout formidable pour la future employabilité de la jeunesse africaine, sur un continent en plein développement. Il faut dès à présent former cette jeunesse aux dernières pratiques des métiers de la filière immobilière. De cette manière, ces futurs professionnels qualifiés deviendront des interlocuteurs crédibles pour les entreprises et particuliers qui voudront investir dans l’immobilier, ce qui créera des opérateurs locaux performants, œuvrant à la création de richesses de leurs pays.