En lançant sa candidature pour accueillir un Grand Prix de Formule 1, le Rwanda se positionne comme un acteur clé du sport mondial. À cet égard, l’accueil des assemblées générales de la Fédération internationale de l’automobile (FIA), du 10 au 13 décembre à Kigali, aura servi de banc d’essai. Mission plus qu’accomplie.
Par Dounia Ben Mohamed, à Kigali
Tapis rouge et stars internationales, bornes automatiques pour récupérer son badge, organisation millimétrée, nœuds papillons et autres strass paillettes… Le Rwanda n’aura pas ménagé ses efforts pour accueillir dans les meilleures conditions les assemblées générales de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) qui se sont tenues du 10 au 13 décembre à Kigali, une première en Afrique. Le challenge était de taille pour le pays des mille collines. Au-delà d’assurer l’organisation d’un événement sportif de dimension internationale – lequel nécessite un volet logistique et sécuritaire important pour être en mesure d’accueillir les voitures de course –, il s’agissait de se mettre en première ligne pour accueillir un éventuel futur Grand Prix de Formule 1 en Afrique.
« Il est temps que l’Afrique cesse d’être spectatrice et devienne actrice des événements sportifs mondiaux »
Une Nouvelle Dynamique
« Il est temps que l’Afrique cesse d’être spectatrice et devienne actrice des événements sportifs mondiaux », a déclaré sans détour le président Paul Kagamé à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la rencontre et en annonçant officiellement la candidature du Rwanda. « Je suis heureux d’annoncer officiellement que le Rwanda souhaite ramener le frisson de la course en Afrique, en accueillant un Grand Prix de Formule 1. »
De fait, l’Afrique n’a pas accueilli de course de Formule 1 depuis 1993 – c’était en Afrique du Sud, sur le circuit de Kyalami –, mais cette absence pourrait donc bientôt prendre fin. Le Rwanda, avec le soutien de la FIA, a officiellement présenté sa candidature pour organiser un Grand Prix près de l’aéroport international de Bugesera.
Bien que l’Afrique soit un vivier de talents sportifs, le continent reste largement absent des grandes compétitions lucratives. Le président Paul Kagame veut changer cette dynamique, affirmant que l’Afrique peut et doit revendiquer une part équitable de l’industrie sportive mondiale. « Nous devons créer des opportunités ici, en Afrique, pour nos jeunes talents », a-t-il déclaré.
« Nous devons créer des opportunités ici, en Afrique, pour nos jeunes talents »
Une Voiture de Sport Made in Rwanda
Soutenant cette vision, la FIA a dévoilé une voiture cross de niveau 2, fabriquée localement par des étudiants du Collège Polytechnique de Kigali. Une initiative qui, selon le président rwandais, « transfère des connaissances, encourage l’innovation et ouvre des perspectives pour les jeunes du continent ».
« Juste avant notre arrivée, Muhammad (le président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem, NDLR) et moi avons pu visiter la voiture qui a été fabriquée ici au Rwanda par de très jeunes étudiants talentueux de nos écoles techniques. La FIA est à l’origine de cela. Elle transfère donc des connaissances, encourage les gens à développer et à montrer leur talent et leurs compétences dans différentes choses qu’ils peuvent être capables de créer, de fabriquer, d’innover », a déclaré le président Kagame, en poursuivant : « Je veux te remercier, Muhammad, et les Rwandais apprécient que vous soyez tous ici, mais ce n’est pas seulement pour le Rwanda. Je veux que vous compreniez que par votre présence ici et les actions que vous avez menées, nous allons au-delà des frontières de ce pays. C’est pour l’Afrique », a-t-il ajouté.
« Il existe un vieux proverbe africain : Si tu veux aller vite, marche seul. Si tu veux aller loin, marche ensemble »,a déclaré de son côté le président de la FIA, Mohammed Ben Sulayem. « Ces mots résonnent en moi alors que nous nous réunissons au Rwanda pour la toute première assemblée générale africaine de notre histoire. En unissant nos forces, en exploitant nos atouts et en faisant preuve de courage, nous pouvons véritablement faire une différence dans les communautés du sport automobile et de la mobilité, et ce à travers le monde ».
« Les Rwandais apprécient que vous soyez tous ici, mais ce n’est pas seulement pour le Rwanda […] Nous allons au-delà des frontières de ce pays. C’est pour l’Afrique »
Basket, Cyclisme… et Formule 1 ?
Pour le Rwanda, qui a développé ces dernières années une stratégie autour de l’industrie sportive, l’objectif est clair : utiliser le sport comme levier de croissance et d’attractivité. À ce titre, il a déjà fait ses preuves, avec la Basketball Africa League (BAL), qui se joue au Kigali Arena, un complexe moderne inauguré en 2019. En 2025, le pays sera le premier en Afrique à organiser les Championnats du monde de cyclisme sur route. Cet événement de prestige confirme la place du Rwanda sur la carte mondiale du cyclisme et renforce son ambition de devenir un hub sportif en Afrique.
« L’industrie du sport dans le monde représente environ 500 millions de dollars. C’est une industrie énorme. Et l’Afrique, prendra l’avantage dans cette industrie ! »
« Le sport est une transformation. En tant qu’individu qui le pratique, mais aussi en tant que secteur économique d’un pays, y compris les pays africains, confirme Clare Akamanzi, directrice générale de NBA Africa. Récemment, les économies africaines ont beaucoup mis l’accent sur l’utilisation du sport comme un pilier pour l’économie. Et il y a des pays qui montrent comment c’est possible : le Rwanda, mais aussi l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Maroc, la Tunisie. Le sport stimule la consommation et l’économie ». Et l’ancienne directrice générale de l’Office rwandais de développement (RDB) de conclure : « L’industrie du sport dans le monde représente environ 500 millions de dollars. C’est une industrie énorme. Et l’Afrique prendra l’avantage dans cette industrie! ».
L’impact d’un Grand Prix sur l’économie locale ne fait aucun doute. Des exemples comme les Jeux olympiques de Séoul en 1988 ou la Coupe du monde au Brésil en 2014 montrent comment de grands événements sportifs peuvent transformer un pays, en attirant des investissements massifs dans les infrastructures et en stimulant le tourisme. C’est dire si ce projet pour le Rwanda constitue bien plus qu’une ambition sportive : l’organisation d’un tel événement représenterait une avancée économique majeure pour le pays. La construction d’un circuit de classe mondiale créerait des emplois et galvaniserait des secteurs clés comme l’hôtellerie et le tourisme.
« Ce projet pour le Rwanda constitue bien plus qu’une ambition sportive : l’organisation d’un tel événement représenterait une avancée économique majeure pour le pays »
Oser Rêver Grand
Le président Kagame a insisté sur la nécessité pour l’Afrique d’investir dans des projets ambitieux. « Les pays que nous admirons aujourd’hui ont atteint leur développement en osant rêver grand », a-t-il rappelé, ajoutant : « Ce projet est une déclaration forte contre la dépendance à l’aide extérieure et un appel à l’autonomie ». L’agenda 2025 étant fixé, s’il y a un Grand Prix africain, ce sera en 2026… au Rwanda, ou ailleurs. En attendant, les assemblées générales de la FIA ont réuni du 10 au 13 décembre à Kigali tous les clubs membres pour définir l’avenir de la Fédération. Sous la présidence du président de la FIA, ces réunions stratégiques ont abordé les questions liées au budget et à l’élection des dirigeants, ainsi que les propositions des Conseils mondiaux. Ces assemblées ont par ailleurs pour objectif de fédérer les initiatives mondiales autour de solutions concrètes pour réduire les émissions liées au transport et encourager des pratiques durables.
« Les pays que nous admirons aujourd’hui ont atteint leur développement en osant rêver grand »
Ces assemblées se sont clôturées avec faste : la cérémonie des awards a ainsi vu le très attendu Max Verstappen consacré Champion du monde des pilotes de Formule 1 de la FIA pour la quatrième année consécutive ; et Lando Norris, de McLaren, est reparti avec le trophée du vice-champion, suivi de Charles Leclerc, troisième avec Ferrari. D’autres légendes des sports mécaniques ont également été saluées lors de cet événement, comme Thierry Neuville (WRC), Johan Kristoffersson (Rallycross), et plusieurs champions du monde du karting et des courses d’endurance.