Après deux décennies chez Hilton et Accor, Jérôme Rotrou dirige aujourd’hui les opérations de deux établissements prometteurs à Abidjan : l’ouverture récente de l’Adagio (110 studios et appartements), le premier du genre en Afrique subsaharienne, et l’inauguration imminente du Novotel Abidjan Marcory (201 chambres). Présent au cœur d’une dynamique qui vise à renouveler l’offre hôtelière locale, il nous en dit plus sur les projets du groupe Accor en Côte d’Ivoire.
Propos recueillis par Goudet Abalé
Forbes Afrique : Après avoir passé trois ans en Côte d’Ivoire avec le groupe Accor, vous venez d’inaugurer le 8 août l’Adagio Abidjan, en attendant l’ouverture le mois prochain du Novotel Abidjan Marcory. Quelles sont les opportunités spécifiques que vous avez identifiées et qui ont motivé le lancement des hôtels Adagio et Novotel de Marcory ?
Jérôme Rotrou : L’ouverture de ces hôtels était très attendue, et bien que nous ayons dû surmonter plusieurs défis, notamment des retards liés au Covid et à des contraintes de construction, il était clair que ces établissements offriraient une valeur ajoutée significative à Abidjan.
Notre objectif est de les positionner comme références dans l’hôtellerie d’Abidjan, enmettant l’accent sur la qualité, l’innovation, et un service client irréprochable. Nous portons l’intime conviction qu’ils apporteront une dynamique nouvelle au secteur hôtelier local avec leur offre unique en termes d’hébergement et de restauration.
Vous planifiez ces projets depuis 2017. Comment l’évolution du marché et de la concurrence a-t-elle influencé ces plans ?
J. R. : En 2017, nous avons signé un contrat de management pour développer l’Adagio et le Novotel, à la suite d’une analyse approfondie du marché et de l’environnement concurrentiel. Depuis lors, d’autres établissements ont émergé, enrichissant l’offre hôtelière de la zone de Marcory. Ceci démontre une chose : que la demande pour des solutions d’hébergement de qualité continue de croître, et notre stratégie est d’y répondre spécifiquement, par des offres innovantes et adaptées.
Surtout que vous introduisez une innovation, l’appart’hôtel, encore peu connu en Côte d’Ivoire. Pouvez-vous expliquer ce concept à nos lecteurs ?
J. R. : L’appart’hôtel offre une combinaison des avantages d’un appartement privé avec ceux d’un hôtel traditionnel. Nos clients – qu’ils soient en déplacement professionnel, en vacances ou à la recherche d’un logement pour des séjours prolongés – peuvent jouir d’espaces de vie spacieux tels qu’un salon et une cuisine, tout en bénéficiant des services hôteliers classiques comme le nettoyage des chambres, la restauration, et l’accès à des équipements tels que la piscine et le fitness.
Ne craignez-vous pas que cette nouveauté soit prématurée pour la demande locale ?
J. R. : Les tendances actuelles du marché de la location de courte durée à Abidjanmontrent au contraire un potentiel prometteur. Les données de la plateforme AirDNA révèlent une augmentation de 18 % du revenu annuel des locations. Ce qui indique une dynamique positive sur le marché, avec un taux d’occupation en hausseégalement.
Logique, puisque la Côte d’Ivoire est le troisième pays africain en termes de fréquentation de voyageurs d’affaires, avec environ 2 millions de visiteurs annuels, selon Business France… Un chiffre qui devrait, lui aussi, augmenter au cours des années à venir. Or, 90 % des locations disponibles en location courte durée à Abidjan sont des logements entiers. Ce qui confirme la préférence croissante des voyageurs pour des espaces plus grands et privés. C’est ce que nous leur proposons.
Quels montants avez-vous investis dans le développement de ces hôtels ? Pour quels retours sur investissement ?
J. R. : Le groupe Accor n’a pas investi directement puisque nous gérons les établissements pour notre partenaire local. Cependant, il est évident que l’investissement se chiffre en dizaines de millions d’euros. Cet investissement vise à profiter de l’augmentation anticipée du nombre de visiteurs, attirés par les nouvelles infrastructures et les événements actuellement en développement en Côte d’Ivoire.
Nous visons une croissance graduelle, à partir d’un taux d’occupation de 50 % la première année et en augmentation progressive jusqu’à 70 % à l’issue des trois à cinq prochaines années. Tout ceci nourri par notre engagement dans le développement de talents locaux et l’amélioration des services, qui contribuera à élever les standards de l’industrie hôtelière dans la région et donc à renforcer la croissance du marché.
C’est-à-dire ?
J. R. : Nous prévoyons de créer plus de 200 emplois directs à travers nos opérationsde Marcory, ce qui représente une contribution significative à l’économie locale. Ces emplois vont des postes de service client et de nettoyage à des postes de gestion, avec une forte emphase sur la formation des talents locaux.
Notre stratégie vise à attirer, retenir et développer les talents locaux à travers des politiques de rémunération compétitives, des opportunités de formation continue et des avantages significatifs. Nous mettons un point d’honneur à promouvoir nos employés à des postes de responsabilité, ce qui reflète notre engagement non seulement envers notre personnel mais aussi envers la qualité de service que nous proposons à nos clients.
À quel point cette stratégie s’inscrit-elle dans la continuité du plan « Sublime Côte d’Ivoire », porté par l’État ivoirien, et qui vise à faire du pays une destination phare pour le tourisme en Afrique ?
J. R. : En tant qu’acteurs du secteur hôtelier, nous jouons un rôle clé dans ce projet en soutenant les efforts de promotion et en améliorant notre offre pour répondre aux standards internationaux. L’objectif de l’État, auquel toute l’industrie doit contribuer, est de faire du tourisme un pilier majeur de l’économie ivoirienne, en passant sa contribution au produit intérieur brut (PIB) à 10 % d’ici 2025, contre 7,3 % en 2019.
Dans ce sens, Accor opère des établissements modernes et de haute qualité à Abidjan, comme le Pullman ou encore le Mövenpick, et bien entendu l’Adagio et le Novotel. Ensuite, nous sommes engagés dans des campagnes de promotion internationales qui mettent en avant les richesses culturelles et naturelles de la Côte d’Ivoire. Enfin, nous innovons continuellement pour offrir des services à la pointe de la technologie et des expériences uniques. C’est en tout cela que nous entendons être un partenaire clé de l’essor du tourisme en Côte d’Ivoire.
Et au-delà d’Abidjan, quelles sont les ambitions du groupe Accor pour le développement en Afrique, en particulier en Afrique de l’Ouest ?
J. R. : Le groupe Accor est très engagé en Afrique de l’Ouest, collaborant étroitement avec différents investisseurs privés, fonds d’investissement et acteurs du domaine. Nous explorons actuellement plusieurs projets, notamment l’expansion de nos marques, bien que nous envisagions également d’autres marques comme Ibis en fonction des besoins spécifiques du marché et des opportunités disponibles. Le développement est ciblé sur des marchés où nous pouvons maximiser notre impact, non seulement en termes d’hôtellerie, mais aussi en contribuant au développement économique local.
Quid du développement durable ?
J. R. : C’est une excellente question. Le développement durable est un pilier fondamental de notre stratégie et se décline par une approche multidimensionnelle. Nous mettons en œuvre des pratiques écologiques dans l’ensemble de nos opérations, en nous efforçant constamment de réduire notre empreinte environnementale. Ceci inclut l’optimisation de notre consommation d’énergie et d’eau, ainsi que la gestion responsable de nos déchets.
Nous accordons également une grande importance à notre impact socioéconomique local. Outre l’emploi local, nous nous efforçons de travailler avec des fournisseurs de proximité, renforçant ainsi les circuits courts. Cette approche contribue non seulement au développement économique des communautés qui nous accueillent, mais s’inscrit également dans notre engagement en faveur du développement durable.
Récemment, le groupe a conclu un partenariat stratégique avec le WWF, qui nous permettra de renforcer nos initiatives en matière de durabilité et de les aligner sur les meilleures pratiques internationales. Enfin, nous travaillons à l’obtention de l’écolabel Green Key pour nos établissements. Cette certification reconnue internationalement attestera de l’excellence de nos pratiques en la matière.