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« Notre ambition est de faire du tourisme le troisième pilier de l’économie ivoirienne », Siandou Fofana

Afin de faire de la Côte d’Ivoire un hub majeur du tourisme africain, le gouvernement ivoirien a lancé en 2019 le plan «Sublime Côte d’Ivoire » pour le développement du tourisme national, avec près de 3 200 milliards de francs CFA (4,8 millions d’euros) d’investissement alloués. À l’aube de 2025, sa date d’échéance, Siandou Fofana, ministre du Tourisme et des Loisirs de Côte d’Ivoire, nous en dresse un bilan.

Par Jihane Zorkot


Forbes Afrique : Où en est aujourd’hui la stratégie nationale de développement touristique « Sublime Côte d’Ivoire » ? Quels en sont les développements majeurs ?

Siandou Fofana : Après l’édiction de cette stratégie, nous avons entrepris en 2019 une vaste offensive internationale afin d’attirer les bailleurs, notamment à travers des tables rondes à Dubaï et Hambourg, et la tenue en 2020 du 1er Forum sur l’investissement touristique en Afrique. Ces rendez-vous ont été l’occasion d’adouber notre stratégie auprès de l’écosystème touristique mondial et nous avons intégré l’ONU Tourisme, l’establishment de la gouvernance mondiale du tourisme. La parenthèse de la Covid-19 a altéré cet élan, sans toutefois en rompre l’intérêt. Nous avons réajusté quelques outils de gouvernance en digitalisant les pratiques mercatiques et communicationnelles, en réorientant les investissements vers des projets plus structurants (avec à la clé l’arrivée d’enseignes de renom dans le paysage touristique et hôtelier national), et en portant en lumière des investisseurs nationaux appelés à devenir des champions. Cette stratégie nationale a pour ambition de faire du tourisme le troisième pilier de l’économie ivoirienne et de positionner notre écosystème touristique dans le Top 5 africain à l’échéance 2025. Sa triple finalité est de développer un moteur de croissance du PIB et de démultiplier les recettes fiscales ; de favoriser le développement territorial hors Abidjan par l’essor des villes secondaires ; et de créer un réservoir d’emplois. Sous la gouvernance du président Alassane Ouattara, c’est-à-dire en l’espace d’une décennie, notre secteur a opéré une croissance de plus de 65 %, en particulier en matière d’hôtellerie. Notre offre d’hébergement est de plus de 5 000 hôtels pour une capacité d’accueil d’environ 70 000 chambres et près de 200 000 lits ; contre 3 708 hôtels pour 53 117 chambres et 101 386 lits en 2020 lors de la survenue de la pandémie de Covid. Soit un taux d’accroissement de 25 % en moyenne.

Siandou Fofana, ministre du Tourisme et des Loisirs de Côte d’Ivoire

« En l’espace d’une décennie, notre secteur a opéré une croissance de plus de 65 %, en particulier en matière d’hôtellerie »


L’organisation de la CAN a permis de tester la capacité d’accueil des hébergements touristiques ivoiriens, mais aussi l’attractivité du secteur. Quelles ont été les retombées concrètes de cet événement ?

S. F. : L’organisation de la CAN a été un ballon d’essai grandeur nature de la vocation touristique et ludique du pays, ce dont la destination ivoirienne peut désormais être estampillée. Car l’hospitalité, à tous égards, rime d’abord avec l’accueil.

Sans vouloir donner dans l’autosatisfaction, nos indicateurs nous inclinent à afficher un relatif satisfecit. Nous avons le sentiment d’avoir pu offrir une CAN mémorable au peuple ivoirien*, une sublime expérience à l’Afrique et au monde (avec plus de 2 millions de visiteurs), et d’avoir mis la Côte d’Ivoire sur orbite médiatique avec plus de 2 milliards de téléspectateurs.

Ce succès se traduit par des chiffres record : plus de 2 milliards de téléspectateurs à travers le monde, et plus de 1,2 million de spectateurs présents dans les six stades du pays, soit une augmentation de 25 % par rapport à la CAN 2021. Cette ferveur populaire s’est aussi traduite dans les recettes de billetterie, qui ont connu une explosion de 800 %. Le nombre de sponsors a augmenté de 70 %, passant de 68 à 110, et les revenus commerciaux ont connu une hausse de 26 %. Les droits TV ont également progressé de 33 %, avec 110 partenaires TV et la couverture de 171 territoires, dont de nouveaux marchés comme le Brésil, l’Inde, l’Italie et la Russie. Cet engouement s’est également traduit dans le monde numérique. L’événement a généré un nombre record de 2,2 milliards de vidéos vues et 2,1 milliards d’impressions sur les plateformes numériques, avec un pic de 3,6 milliards de vues sur TikTok.

La Côte d’Ivoire a franchi un cap majeur en janvier 2024, avec 11,23 millions d’internautes sur une population de 29,24 millions. Ce taux de pénétration Internet (38,4 %) met en lumière le développement rapide des infrastructures numériques dans le pays. Les réseaux sociaux, en particulier, y connaissent une expansion fulgurante avec 7 millions d’utilisateurs (+50,5 % par rapport à l’année précédente) et un taux de pénétration de 23,9 %. La presse a également joué un grand rôle dans la réussite de l’événement avec plus de 5 000 demandes d’accréditations enregistrées : un record.

« L’organisation de la CAN a été un ballon d’essai grandeur nature de la vocation touristique et ludique du pays, ce dont la destination ivoirienne peut désormais être estampillée »


Quels sont les axes majeurs prévus pour le développement du tourisme ivoirien dans les années à venir ?

S. F. : Aujourd’hui, les touristes sont en quête d’authenticité. Or ce qui fait la singularité de la Côte d’Ivoire, c’est avant tout sa culture. C’est donc l’un de nos axes majeurs, sur lequel nous souhaitons travailler davantage, pour valoriser cette diversité culturelle, ce brassage ethnique et ce folklore qu’il faut préserver et enseigner à l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (INSAAC), afin d’en faire un produit d’appel. Le second axe est l’éco-tourisme : la richesse de notre faune et de notre flore doit être préservée, en combattant les feux de brousse et en renforçant les acquis des populations riveraines en termes d’autosuffisance, pour éviter de prendre possession de ces richesses naturelles. La poursuite de « Sublime Côte d’Ivoire » portera également sur l’exploration et la valorisation de nos plans d’eaux. Du point de vue du tourisme balnéaire, nous souhaitons implanter un modèle de développement touristique dans chaque ville bordant le littoral. À l’échelle mondiale, on observe que les voyageurs sont de plus en plus vertueux vis-à-vis de la nature. La Côte d’Ivoire souhaite participer à ce mouvement vers un tourisme durable et éco-responsable. Des études sont déjà en cours, qui nous permettront d’entrer de plain-pied dans un tourisme plus vert et respectueux de l’environnement. In fine, nous ferons en sorte que le territoire bénéficie d’infrastructure de divers ordres, mais surtout que les populations locales deviennent les premiers acteurs de notre écosystème, présentant aux touristes l’hospitalité légendaire des Ivoiriens.

« Nous souhaitons implanter un modèle de développement touristique dans chaque ville bordant le littoral »


* Quelque 500 milliards de francs CFA (environ 760 millions d’euros) ont été investis dans les infrastructures sportives (stades, villages CAN, routes…).



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