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John Bosco Sebabi (PAPSS) : “L’objectif du système panafricain de paiement et de règlement est d’accroître le commerce panafricain” 

En marge des 30e Assemblées annuelles d’Afreximbank, qui se sont tenues en juin à Accra (Ghana), les équipes en charge du Système de paiement et de règlement panafricain (PAPSS) ont organisé une tournée de présentation visant à inviter le secteur privé africain à rejoindre cette nouvelle plateforme de paiement panafricaine. Forbes Afrique s’est entretenu avec John Bosco Sebabi, le directeur général adjoint du PAPSS, pour comprendre le rôle du système de paiement et de règlement dans la réalisation d’un marché africain commun.  

Propos recueillis par Blessed Sogah

Forbes Afrique : Les Assemblées annuelles 2023 d’Afreximbank ont été placées sous le thème “Concrétiser la vision. Créer la prospérité pour les Africains.” Pensez-vous que le continent est en mesure d’apporter la prospérité à ses habitants ?

John Bosco : C’est un plaisir de participer à la réunion 2023 de l’Afreximbank à Accra, d’autant plus que cette ville est le berceau du panafricanisme depuis l’indépendance des pays africains.

Oui, la vision a été créée à l’époque où les gouvernements africains et la Banque africaine de développement créaient la Banque africaine d’Import-Export. L’idée était de pouvoir compter sur nos propres institutions afin de financer le commerce et, clairement, au cours des 30 dernières années, l’Afreximbank a fait un excellent travail. Et oui, il est possible de concrétiser cette vision et je pense que l’Afrique, en tant que continent, est prête pour cela.

Les échanges opérés dans le cadre de l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine semblent ralentir et suscitent des inquiétudes quant à l’avenir de ce cadre. Êtes-vous d’accord avec cela et qu’est-ce qui pourrait expliquer cette situation ?

J. B. : Il faut replacer les choses dans leur contexte. L’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine a été mis en place et signé en 2018 à Kigali, au Rwanda, puis au Niger en 2019. Puis il y a eu la Covid et pendant près de deux ans rien n’a pu avancer. Si l’on tient compte de ce que le Secrétariat de la ZLECAf a réussi à accomplir jusqu’à présent et en dépit de tout cela, c’est un travail louable, et une réalisation extraordinaire.

L’une des réalisations les plus remarquables est la mise en place du Système panafricain de règlement des paiements (PAPSS), qui a été approuvé par les chefs d’État au Niger lors du lancement de l’AFCFTA (African Continental Free Trade Area, l’Accord établissant la Zone de libre-échange continentale africaine). Les chefs d’État ont mandaté le Secrétariat de la ZLECAf et l’Afreximbank pour mettre en place ce système de paiement. 

Et pourquoi cela ? Parce que l’activité économique la plus importante est celle des paiements, qu’il s’agisse d’en recevoir ou d’en émettre : toute activité économique est sanctionnée par des paiements. Cette base devait donc être mise en place avant que nous ne lancions le Système panafricain de paiements et de règlements l’année dernière dans cette même salle (Accra) en janvier ; nous avons maintenant neuf pays qui ont adhéré et d’autres vont bientôt le faire, ainsi que plus de 65 banques commerciales ayant des transactions conjointes dans la zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest. On peut donc dire que les choses démarrent lentement, mais il s’agit en fait d’une très bonne initiative.

H.E Wamkele Mene, Secrétaire de la ZLECAf & Professeur Benedict Oramah, Président d’Afreximbank

” L’objectif est d’accroître le commerce panafricain et d’utiliser nos monnaies locales, mais il s’agit d’un processus graduel ”

Le système panafricain de paiement et de règlement que vous avez lancé à Accra l’année dernière doit permettre les transactions en monnaie locale africaine. Cherchez-vous à mettre en garde le continent contre sa dépendance à l’égard du dollar ? Par ailleurs, la vision d’une monnaie commune est depuis longtemps sur la table de l’Union africaine, alors pourquoi ne pas adopter une monnaie unique pour faciliter les choses ?

J. B. : L’objectif est d’accroître le commerce panafricain et d’utiliser nos monnaies locales, mais il s’agit d’un processus graduel. Les paiements transfrontaliers posent plusieurs défis à l’international : celui de la rapidité, celui du coût, et celui de l’accès. Le système panafricain de paiement et de règlement offre donc des solutions à ces défis. Tout d’abord, il s’agit d’un système de paiement instantané : le bénéficiaire reçoit les fonds en 120 secondes maximum. Dans les essais que nous avons réalisés, ce délai est en moyenne de 10 secondes. 

Donc, le défi que vous évoquez à propos du dollar, oui, il est réel parce que nous avons négocié dans cette monnaie pendant un certain temps, et l’intention n’est pas de l’éliminer. Nous avons des monnaies locales, et comme les pays ont des déséquilibres commerciaux, la différence est compensée.

 Pourquoi ne pas utiliser une monnaie unique ?

J. B. : Cela fonctionne de différentes manières et cela peut probablement fonctionner aussi. Cependant, si vous regardez où nous en sommes et d’où nous sommes partis en tant que pays africains, nous sommes des pays indépendants, nous comptons 41 monnaies à ce jour et nous avons certaines étapes d’intégration économique à franchir. Cela aurait été plus facile si nous avions commencé en 1963 avec une seule monnaie, avant que les pays n’établissent leurs propres monnaies ; nous aurions pu avancer comme un seul homme. Aujourd’hui cependant, nous devons effectuer des transactions avec ce que nous avons, car il y a énormément de principes fondamentaux que nous devons préalablement mettre en place pour être en mesure de créer une union monétaire. C’est le processus par lequel l’Europe elle-même est passée. L’objectif que nous poursuivons est donc proche de celui qui a été mené à bien en Europe.

En tant que PAPSS, nous travaillons avec les banques centrales, qui fournissent les fonds de règlement, et nous proposons un modèle selon lequel les banques commerciales, qui exercent déjà ce type d’activité, devraient fournir les fonds de règlement et être en mesure de régler leurs propres transactions.

Cela garantit deux choses : d’une part, elles sont maîtresses de leur destin et, d’autre part, leurs clients peuvent se permettre d’effectuer des transactions pour n’importe quel montant sans aucune entrave. Les banques commerciales le font également depuis un certain temps. Elles savent ce qu’elles font, elles sont plus rapides, elles ont déjà ces fonds quelque part pour effectuer les règlements. C’est ce que nous voulons réaliser : lancer et introduire le module de règlement commercial et adopter les banques commerciales comme parties aux règlements.

En quoi le système panafricain de règlement des paiements profitera-t-il aux PME ?

J. B. : Pour qu’une institution financière puisse vous financer, elle doit avoir l’historique de vos transactions. Avec le PAPPS, nous sommes automatisés, tout est enregistré et les PME sont donc clientes des deux banques avec lesquelles nous travaillons. Le PAPPS propose une approche à plusieurs niveaux : nous avons les banques centrales, les banques commerciales et les fintech, qui travaillent avec les banques et les PME. Lorsque tout ce petit monde aura embarqué, ces informations seront disponibles et les institutions concernées seront en mesure de financer les PME.

Mon message aux banques et aux gouvernements est que le Système panafricain de règlement des paiements est là pour accroître le commerce panafricain. Toutefois, cela ne peut se faire que si nous nous réunissons tous et si nous sommes capables de travailler ensemble pour y parvenir.

Légende photo : John Bosco Sebabi, directeur général adjoint du Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), en marge de la tournée de présentation du PAPSS à Accra, au Ghana.

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