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Kanizat Ibrahim : «Il est temps de professionnaliser le football féminin africain»

Kanizat Ibrahim, 5è Vice-Présidente de la CAF ©DR

À l’heure où s’achève la Coupe d’Afrique des nations féminine de football au Maroc, Forbes Afrique s’est tourné vers la vice-Présidente de la Confédération africaine de football (CAF), Kanizat Ibrahim, pour dresser un état des lieux de la planète foot féminine sur le continent.

Par Szymon Jagiello

Forbes Afrique : Que représente le football féminin en Afrique aujourd’hui ?

Kanizat Ibrahim : Au préalable, je pense qu’il serait bon de revenir sur l’histoire de ce sport qui est très populaire, mais qui est resté longtemps exclusivement tourné vers les hommes. Aujourd’hui, les choses bougent et les femmes sont de plus en plus à oser casser les mœurs masculines liées à ce sport. Grâce à cela, plus de 140 000 joueuses sont désormais enregistrées sur le continent, soit 24 sportives par 100.000 femmes. De plus, 80% des associations membres de la CAF ont pris part à la phase qualificative de la CAN, ce qui n’était pas le cas en 1998.

Forbes Afrique: Le Maroc accueille actuellement la CAN féminine de football. Ce tournoi contribuera-t-il à accroître l’intérêt pour ce sport conjugué au féminin ?

Kanizat Ibrahim : J’en suis convaincue. Pour cette nouvelle édition, nous sommes passés, pour la première fois, de 8 à 12 équipes, dont 4 pourront se qualifier pour la Coupe du monde féminine de 2023, qui aura lieu en Australie et Nouvelle-Zélande. Cet élément va certainement booster la compétition et permettre un plus grand spectacle avec plus de stars, plus de matchs et plus d’intérêt médiatique. D’un point de vue social, cette compétition permettra par ailleurs aux femmes africaines de se démarquer et de démontrer de quoi elles sont capables, tout en permettant aux jeunes filles de pouvoir s’identifier à ces joueuses et de croire en leur capacité de pouvoir repousser leur limite.

Forbes Afrique : Ce type de compétition peut-il permettre d’accroître les revenus du football féminin au niveau continental ?

Kanizat Ibrahim : Dans les faits, il est très difficile d’évaluer le poids économique du football féminin car les indicateurs fiables sont très peu nombreux, et ce malgré le grand potentiel que représente cette filière. Malheureusement, peu de clubs investissent dans le football féminin et certaines joueuses ne sont même pas rémunérées, pour tout vous dire. C’est pour cette raison que le Président de la CAF, Patrice Motsepe, en a fait une de ses priorités pour les prochaines années.

Forbes Afrique : Avec quelles stratégies ?

Kanizat Ibrahim : Par exemple, nous mettons l’accent sur la sensibilisation pour changer les mentalités, ce qui permettra aux femmes de jouer au football en faisant face à moins de préjugés, de manière plus naturelle. Nous travaillons également sur une meilleure affluence du public dans les stades pour rehausser les droits d’image, un développement de la médiatisation qui serait susceptible d’attirer de gros sponsors. Pour cette CAN, je peux par exemple vous confirmer que nous avons des pays dont les sélections ne sont pas engagées dans le tournoi final et qui ont néanmoins acheté des droits de diffusion, ce qui ne se serait pas vu auparavant. En ce sens, nous avons désormais une différente perception et ceci prouve donc que cette compétition devient un véritable événement populaire.

Forbes Afrique : Malgré ces développements, l’Afrique semble faire encore pâle figure face au reste du monde en termes de revenus générés par la filière.

Kanizat Ibrahim : Bien que 37 des 54 associations membres de la CAF aient adopté une stratégie pour le développement du football féminin selon une récente étude de la FIFA, nous ne pouvons pas ignorer qu’un écart existe par rapport à ce qui se passe ailleurs, comme aux États-Unis que vous venez de mentionner. Face à ce contexte, notre but est donc que le ballon rond féminin africain tende vers la professionnalisation. La stratégie que nous avons lancée en 2020 a permis de redéfinir l’image de marque du football féminin en Afrique en développant, par exemple, des stratégies de communication tournées vers le numérique car les jeunes, qui font partie de nos principales cibles, sont de plus en plus connectés. 

Forbes Afrique : Quels sont les défis qui entravent la croissance économique du football féminin en Afrique ?

Kanizat Ibrahim : Outre les barrières sociales et culturelles qui restreignent la pratique du football dans de nombreuses zones, des défis existent au niveau des infrastructures. Tant que ceux-ci ne seront pas bien développés et que nous ne mettrons pas de moyens dans la formation pour donner toutes les conditions requises pour que les femmes puissent progresser, nous n’y arriverons pas. Il est temps donc de professionnaliser ce football féminin, un objectif qui peut être atteint rapidement sur ce continent, à condition de respecter les règles établies et les bonnes pratiques qui sont proposées.

Forbes Afrique : De quelle manière ?

Kanizat Ibrahim : À cette aune, nous avons introduit un système de licence car il faut rappeler que ce ne sont pas les équipes nationales qui professionnalisent le football mais les clubs. Il est donc de notre devoir d’accompagner ces derniers afin qu’ils répondent aux critères sportifs, juridiques voire financiers qui régissent ce secteur. 


Cet article extrait de notre numéro 66, daté juillet-août 2022.

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