Élu à la présidence de la Fédération camerounaise de football en décembre dernier, l’ancien international est la première personnalité à avoir fait la Une de notre magazine, en 2012. C’était il y a tout juste dix ans. Dans cet entretien, le patron de la Fecafoot revient sur cette décennie écoulée tout en précisant ses projets et ambitions.
Propos recueillis par Antoine Leroy
Forbes Afrique : En 2012, vous aviez fait la une du tout premier numéro de Forbes Afrique. Depuis, dix années se sont écoulées. Quel regard portez-vous sur cette décennie passée, tant au niveau personnel qu’au niveau du continent ?
Samuel Eto’o Fils : Une décennie déjà ! Le temps passe si vite. Une décennie d’ambitions, de rêves, de réalisations mais aussi de désillusions et de rendez-vous manqués. Dans l’ensemble, cette décennie aura été une décennie forte en enseignements porteurs pour l’avenir. À titre personnel, comme le disait notre illustre devancier Nelson Mandela, « je ne perds jamais, je gagne toujours ». La Cover d’il y a dix ans que vous évoquez, était sur l’opérateur Set Mobile (une entreprise télécoms lancée en juillet 2012 par Samuel Eto’o Fils et qui mettra la clé sous la porte deux ans plus tard, NDLR). J’ai beaucoup appris de ce rendez-vous manqué. Notre continent, lui, a, à la fois fait des progrès au plan économique et marqué des buts contre son propre camp. En effet, les conflits et les guerres consacrent une régression que je regrette. Il y a toutefois un grand motif d’espoir : c’est cette jeunesse pragmatique, forte de ses rêves et de ses ambitions. J’ai confiance en cette jeunesse.
Élu président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) en décembre dernier, au terme d’une campagne riche en rebondissements, vous avez annoncé votre intention de réformer le modèle économique actuel des clubs. Dans les circonstances présentes, quel constat portez-vous sur ce point spécifique ?
Samuel Eto’o Fils : Comme vous pouvez vous en douter, lors de l’élaboration de mon programme, j’ai beaucoup réfléchi et questionné la rentabilité de notre football en Afrique en général, et de nos clubs en particulier. Nous produisons au plan international, les meilleurs joueurs… Mais nos championnats sont presque tous moribonds et peu attractifs. Nos clubs, à défaut de gagner de l’argent, n’arrivent même pas aux nécessaires équilibres financiers. En conséquence, les modèles économiques sont à repenser et à refonder. Le continent, et mon pays en particulier, ont néanmoins réalisé des investissements conséquents en stades. Dans mon pays, le gouvernement du président Biya a apporté un soutien admirable au développement du football, qui est un vecteur de stabilité et un trait d’union social.
Ce soutien est toutefois insuffisant. Je travaille à un modèle économique qui relancerait l’attractivité des championnats, valorisant par conséquent les clubs et monétisant ainsi mieux les joueurs. Comment ? Par le marketing, la digitalisation, le relèvement du traitement salarial des joueurs et par conséquent du niveau du jeu, la monétisation des droits télévisés… Plusieurs pistes sont à l’étude. Et en dépit des difficultés, nous sommes, six mois après notre arrivée à la Fédération camerounaise de football (Fecafoot)- sur le bon chemin, avec des résultats tangibles.
La formation des jeunes talents est régulièrement citée parmi les principaux défis à relever du football africain. Quelles pistes possibles pourraient selon vous être explorées ?
Samuel Eto’o Fils : Le président de la CAF, le docteur Motsepe a fait du football à destination des jeunes son cheval de bataille. J’ai quarante ans et le développement de ce football jeune est ma priorité. J’ai moi-même bénéficié de l’existence de ces écoles pour devenir Samuel Eto’o. J’ai à titre personnel investi dans le football jeune et continue de le faire. Nous devons aller plus loin que ce qui se fait aujourd’hui. Réformer les championnats de vacances et de quartiers, travailler avec les acteurs et investisseurs potentiels et actuels pour restructurer les écoles de football. Ces écoles font du bon travail mais une marge de progression demeure. De fait, dans notre programme pour la Fecafoot, ce sont toutes ces pistes d’avenir que nous avons évoquées en détail.
L’avenir justement. Quelles stratégies marketing devraient être mises en place pour booster les revenus de la filière ?
Samuel Eto’o Fils : Comme indiqué précédemment, nous avons théorisé le football business avec comme outils le marketing, le digital, le lobbying mais aussi et surtout la création d’un réseau d’alliés au sein du patronat et des milieux d’affaires. Notre stratégie est de conceptualiser le football au plan marketing comme un support, un outil de production de revenus et de développement des marques en Afrique. Voilà sommairement exposé notre feuille de route sur le sujet.
Un dernier mot sur vos ambitions personnelles…
Samuel Eto’o Fils : Mes ambitions personnelles ? Je suis dans l’opérationnel avec une vision bien arrêtée pour redonner au football camerounais toute sa grandeur. Le foot, le foot et encore le foot au service du développement du continent et de l’épanouissement de nos jeunes. J’existe, moi Samuel Eto’o, grâce à l’amour inconditionnel de cette jeunesse africaine. Leur soutien indéfectible même dans les moments troubles m’oblige. Je me sens solidaire de cette jeunesse africaine. Je suis solidaire de leurs souffrances et de leurs espérances. Nous avons du potentiel. Nous avons les ressources. Nous avons les hommes. Et cette jeunesse formidable saura trouver le chemin. Je serai toujours à ses côtés.
Retrouvez Samuel Eto’o Fils au sommaire de notre numéro 66, daté juillet-août 2022.
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