Préserver mais également développer. Tel est le défi qui incombe aux pays côtiers africains, à la recherche d’un juste équilibre entre la protection de leurs côtes et le développement durable de l’activité maritime. Enjeux et explications avec Kokou Edem Tengue, Ministre de l’Economie Maritime, de la Pêche et de la Protection Côtière du Togo.
Propos recueillis par Dounia Ben Mohamed
Le Togo est membre d’un programme régional destiné à protéger les côtes ouest-africaines, le West Africa Coastal Areas Program. De quoi s’agit-il au juste ?
Le Programme de gestion du littoral ouest-africain, ou WACA(pour West Africa Coastal Areas Program, ndlr) est un programme de résilience côtière destiné à protéger à la fois l’espace côtier, les infrastructures, les populations ainsi que les biens et services sur la côte ouest-africaine. De la Mauritanie à l’Angola, nous assistons à un phénomène d’érosion côtière qui s’explique par deux phénomènes, la montée des eaux consécutive à la fonte des glaciers ; mais aussi les constructions d’infrastructures, alimentées par le boom démographique, qui prélèvent du sable sur ces côtes, au mépris des normes environnementales. Une des réponses du gouvernement togolais a été de participer à ce vaste chantier mais cette réponse n’est pas suffisante dans l’absolu car il s’agit d’un ouvrage ayant une durée de vie limitée dans le temps, de dix à trente ans. Il faudra trouver d’autres mécanismes dans le cadre de la COP27 et réfléchir à des normes réglementaires continentales plus contraignantes. Pour les États côtiers, le défi est donc de protéger mais aussi de valoriser ces espaces, à travers le développement du tourisme côtier et balnéaire notamment mais aussi en promouvant une activité portuaire responsable et durable.
L’activité portuaire justement. Le Togo a gagné deux places dans le dernier classement mondial « One hundred container ports 2022 ». Comment expliquer cette progression ?
Il faut saluer la politique du chef de l’Etat, qui a réussi à allier le secteur privé et l’État pour pouvoir mettre en place des infrastructures modernes. Les partenariats publics-privés (PPP) sont souvent critiqués en Afrique mais sur ce point, force est de constater que le port de Lomé est un exemple de PPP réussi. Il permet de mettre en place des infrastructures portuaires de premier plan avec des objectifs de performances que seul le privé peut assurer. Plus largement, le pays a développé un certain nombre de « soft improvements », tels que l’amélioration du cadre général dans lequel se font les affaires et le travail effectué en direction des pays enclavés du Sahel, qui ont fait de Lomé leur façade maritime. Résultat, le Togo est en train de relever son pari de devenir la porte d’entrée des pays d’Afrique de l’Ouest. Le port sec d’Adétikopé a par ailleurs été opérationnalisé, constituant une véritable extension du port maritime de Lomé. C’est la 1ere fois en Afrique subsaharienne qu’un port sec joue ce rôle, ce qui confirme la stratégie du Togo de se positionner comme un hub logistique en Afrique de l’Ouest. De fait, dans le classement que vous mentionnez, notre pays est aujourd’hui à la 4eme position sur le continent, après Durban, Tanger Med et Dar-es-Salam.
Reste à trouver le juste équilibre entre la préservation de l’environnement et le développement de l’économie. Une équation complexe qui se joue notamment à la COP 27. Quelle est la position du Togo à ce sujet ?
Il est clair que nous n’allons pas inscrire la question de la protection de la planète dans une stratégie de décroissance. Il y a un lien évident entre le PIB et l’augmentation du trafic de conteneur. Comment faire en sorte que cette croissance se fasse en harmonie avec la protection de l’environnement ? Cette décarbonisation a été envisagée en silo par l’industrie maritime sans faire le lien avec les enjeux discutés à la COP27. Or cette COP doit faire le lien entre la décarbonisation de l’industrie maritime et les contributions nationales à travers lesquelles les pays se sont engagés. Plusieurs initiatives sont envisagées, dont les bateaux à zéro émission. On ne va toutefois pas détruire la flotte existante mais revoir les moteurs pour les rendre moins polluants. Pour cela, on doit se donner les moyens de contrôler les normes en matière d’émission des navires et faire en sorte que la croissance dans l’industrie maritime, qui est un gage de croissance du PIB, se fasse dans le respect de l’environnement. Pour ce qui concerne le plaidoyer mené par le Togo, il a été convenu, au niveau de la CEDEAO, d’adopter une stratégie commune de négociation, qui permet de parler d’une seule voix afin d’obtenir plus aisément gain de cause. Par ailleurs, il faut que les Etats maîtrisent mieux les mécanismes de financement du fonds vert, du fonds pour le climat… Dans le cas de l’industrie maritime, il faut permettre aux armateurs de trouver ces financements pour rendre ces industries vertes.