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Le Véritable Héritage De Mansa Moussa : “L’Homme Le Plus Riche De Tous Les Temps”

Au sein des annales dorées de l’histoire, la saga de Mansa Moussa, empereur malien du XIVe siècle, flamboie comme un soleil. Ayant amassé une fortune estimée entre 400 et 600 milliards de dollars en données corrigées de l’inflation, le « Lion du Mali » fait passer Elon Musk (actuel homme le plus riche de la planète avec un patrimoine de 243,5 milliards de dollars) pour un « petit joueur ». À l’heure où Forbes Afrique dresse le palmarès 2024 des milliardaires africains, le nom de Moussa Ier évoque plus que jamais celui d’un précurseur.

Par Kokou GAMADO


Descendant d’une lignée de leaders impériaux d’Afrique de l’Ouest et petit neveu du fondateur du royaume malien Sundiata Keïta, Mansa (titre traditionnel malien signifiant « roi ») Moussa, né en 1280, a une histoire des plus particulières. Il est rapporté qu’en 1324, lors de son arrêt au Caire sur la route de La Mecque, le « Roi des rois » aurait distribué tellement d’or qu’il aurait dévalué la monnaie locale et provoqué une crise financière dont l’Égypte mit plus de dix ans à se remettre. Pour ce périple religieux, l’empereur du Mali médiéval – qui possédait alors près de la moitié des réserves d’or de l’Ancien Monde, selon le British Museum – aurait embarqué avec lui 60 000 hommes, sa cour royale, 8 000 courtisans, 12 000 esclaves et 100 chameaux, transportant chacun 150 kilos d’or pur.

« Si le monde contemporain se réfère souvent à l’Ouest quand il est question de modèles économiques, l’histoire de Mansa Moussa nous rappelle que les racines de la prospérité plongent profondément dans le sol africain »


L’Or : Un Moyen Et Non Une Fin

Plus qu’une image d’Épinal alimentée par les récits de voyageurs et magnifiée avec le temps, cette légende, dont les modalités varient selon les sources, atteste avant tout de l’influence économique, politique et militaire d’un empire africain qui ne connaissait à l’époque qu’un seul équivalent : l’empire mongol. Sous le règne du « Roi des rois », l’empire malien [qui s’étalait sur 3 000 kilomètres à travers l’Afrique de l’Ouest, de l’océan Atlantique jusqu’au Niger actuel en passant par le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, la Gambie, la Guinée- Bissau, la Guinée et la Côte d’Ivoire, NDLR] impressionnera jusqu’en Europe, s’invitant – à travers la représentation centrale de son souverain tenant un globe d’or symbole de sa richesse – sur l’Atlas catalan d’Abraham Cresques [une référence importante pour les navigateurs de l’époque médiévale, qui dépeint la vaste route de commerce traversant le Sahara, NDLR] et jusque dans les pages du Pantagruel de Rabelais. Malgré ses démonstrations de faste, le « Seigneur des mines », qui régna de 1312 à 1337, pourrait enseigner bien des choses aux magnats de notre époque, dont certains ont bien compris l’importance de mettre leur fortune au service de la cause collective (voir notre article sur les philanthropes africains, pages 42 à 44 du numéro 77). Car sa richesse, extraite des entrailles aurifères de l’Afrique de l’Ouest, n’était pas une fin en soi, mais un moyen d’élever les peuples vivant sur son territoire. Sous son règne éclairé, les cités de Niani (l’une des capitales de l’empire malien), Gao, et la « ville dorée » de Tombouctou devinrent des centres florissants de commerce et de culture, et connurent un rayonnement international. Tombouctou en particulier se mua, grâce à la contribution des nombreux érudits, savants et lettrés musulmans ayant suivi Mansa Moussa lors de son retour de La Mecque, en une cité islamique savante dotée de monuments emblématiques comme la célèbre Mosquée Djingareyber, symbole de l’architecture soudano- sahélienne, et de quelque 80 facultés – dont l’antique université coranique de Sankoré –, attirant des universitaires venus du monde entier pour y étudier la loi islamique, l’astronomie, la théologie et les sciences. Mécène clairvoyant, Mansa Moussa était bien conscient que l’éducation est un investissement prospérant bien après que l’or a perdu son éclat. Si le monde contemporain se réfère souvent à l’Ouest quand il est question de modèles économiques, l’histoire du « Roi des rois » nous rappelle que les racines de la prospérité plongent profondément dans le sol africain. Aujourd’hui, les grandes fortunes du continent bâtissent leur empire sur des fondations similaires : ressources naturelles, investissements stratégiques… Et vision à long terme.


Un Pont Jeté Entre Deux Époques

En évoquant la figure de Mansa Moussa, on ne ressuscite pas seulement un chapitre trop méconnu de l’histoire africaine, on interpelle le présent. La richesse de ce souverain, difficile à chiffrer mais incontestée, est un rappel que l’Afrique a toujours été un acteur économique puissant. La déflation de l’or que ses dépenses et dons fastueux ont entraînée au XIVe siècle n’est pas sans évoquer les fluctuations des marchés boursiers actuels, où un tweet peut bouleverser la valeur d’une entreprise. Selon SmartAsset.com en effet, la baisse de la valeur de l’or due au pèlerinage à La Mecque de Mansa Moussa aurait causé des pertes avoisinant les 1,5 milliard de dollars au Moyen-Orient.

Dans notre monde globalisé où les fortunes s’affichent en dollars, en actions et coups d’éclat mégalomanes, ce récit résonne comme un écho, une leçon de diversification et de philanthropie : la Silicon Valley a peut-être ses visionnaires, mais l’Afrique, elle, compte ses rois de légende. Loin d’un simple exercice de nostalgie, l’histoire sur laquelle nous avons choisi de nous pencher se veut un pont jeté entre deux époques. Elle rappelle que les Mansa Moussa d’aujourd’hui sont peut-être moins flamboyants dans leurs dépenses, mais tout aussi significatifs dans leur impact, bâtisseurs d’une Afrique moderne qui, tout en s’imposant comme place forte stratégique sur l’échiquier de l’économie mondiale, n’oublie pas les leçons de ses ancêtres.


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