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Les milliardaires africains sont moins riches

Classement 1

Soumis au double effet de la chute des indices boursiers et de la faiblesse des devises, les milliardaires africains sont moins nombreux, passant de 23 il y a un an à 20 aujourd’hui. Quatre d’entre eux sont sortis du classement des personnalités les plus riches du continent établi par Forbes l’année dernière, alors qu’une seule personne a retrouvé sa place dans la liste après une absence de quatre ans.

Pratiquement tous les milliardaires listés, à l’exception de quatre d’entre eux, accusent une baisse du montant de leur fortune. Pour la huitième année consécutive, le Nigérian Aliko Dangote est l’Africain le plus riche. Sa fortune, estimée à 10,3 milliards de dollars, est en recul de 2 milliards par rapport à l’année dernière. Une baisse qui s’explique par une chute de 20% des actions de Dangote Cement, sa plus importante activité. La deuxième personnalité la plus riche du continent est Mike Adenuga, lui aussi nigérian, avec une fortune estimée à 9,2 milliards de dollars. Adenuga est propriétaire de Globacom, le troisième opérateur de téléphonie mobile du Nigeria. Il détient également la société d’exploration pétrolière Conoil Producing, un important patrimoine immobilier au Nigeria et un réseau de 12000 tours pour la téléphonie cellulaire. Sa fortune, qui était estimée à 5,3 milliards de dollars en janvier 2018, a augmenté de manière spectaculaire. Un bond qui résulte d’informations plus détaillées sur les actifs qu’il a communiqués. En troisième position se trouve le diamantaire héritier Nicky Oppenheimer, d’Afrique du Sud. Son grand-père a fondé la société minière de diamant De Beers que Nicky a gérée avant de la revendre au géant minier Anglo American pour 5,1 milliards de dollars en 2012. Il pèse aujourd’hui 7,3 milliards de dollars, contre 7,7 milliards il y a un an. Parmi les rares milliardaires africains qui sont plus riches cette année, on compte le Zimbabwéen Strive Masiyiwa, dont la fortune estimée à 2,3 milliards de dollars est en hausse par rapport aux 1,6 milliard de dollars de 2018. Il est plus riche du fait de la hausse de la valeur des actions d’Econet Wireless Zimbabwe et d’un nouvel investissement qui a dopé la valeur de ses parts dans la société Liquid Telecom, entreprise spécialisée dans la fibre optique et l’exploitation de satellites. Dans le classement des pays, l’Égypte et l’Afrique du Sud sont en tête avec chacun cinq milliardaires, suivis par le Nigeria qui en compte quatre et le Maroc deux. Forbes a identifié un milliardaire en Algérie, un en Angola, un en Tanzanie et un au Zimbabwe.

QUATRE SORTIES

Les trois Sud-Africains qui sont sortis l’année dernière de la liste sont Stephen Saad, fondateur de la société de médicaments génériques Aspen Pharmacare; Desmond Sacco, président de la société minière Assore Group; et Christoff el Wiese, fondateur du groupe de distribution Pepkor et ancien président de Steinhoff International, spécialisé dans la distribution de mobilier. Steinhoff International, qui a racheté Pepkor en 2015, est empêtré dans un scandale fi nancier qui a éclaté en décembre 2018. Peu de temps après, Christoff el Wiese a démissionné de son poste de président. La quatrième personne à sortir du classement est l’Égyptien Onsi Sawiris, qui détient des parts dans la société de fertilisants et de produits chimiques domiciliée en Hollande OCI N.V. Ces quatre milliardaires ont trébuché à cause de la chute de la valeur des actifs de leur principale activité. Le Nigérian Abdulsamad Rabiu, propriétaire du groupe BUA, a fait son retour dans le classement pour la première fois depuis 2015. À la fi n de l’année dernière, il a fusionné sa compagnie Kalambaina Cement avec Cement Company of Northern Nigeria, qu’il contrôle. Il possède désormais 97% de l’entité. Kalambaina, qui vient de lancer une nouvelle cimenterie et a commencé à commercialiser la production mi-2018. OBU Cement a de son côté récemment étendu ses activités en ajoutant une nouvelle ligne de production dans son unité. Deux de nos 20 milliardaires sont des femmes : Isabel dos Santo, la fi lle de l’exprésident angolais Jose Eduardo dos Santos, et la Nigériane Folorunsho Alakija. La fortune de Dos Santo a chuté, passant de 2,7 milliards de dollars à 2,3 milliards, essentiellement du fait de la baisse de la valeur de ses actions dans deux de ses sociétés domiciliées au Portugal : le groupe pétrolier Galp et l’entreprise de communication Nos. À cela s’ajoute le déclin des actions d’Unitel, la compagnie de téléphonie mobile angolaise, dont elle détient 25% des parts. Unitel est engagée dans une procédure d’arbitrage avec un de ses actionnaires, le groupe brésilien Oi, qui soutient qu’elle lui doit 608 millions de dollars de dividendes impayés sur cinq ans, depuis 2014. Unitel s’est gardée de donner suite à nos questions sur l’aff aire. Folorunsho Alakija détient pour sa part une participation dans l’un des gisements de pétrole les plus productifs du Nigeria, exploité par Chevron. Sa fortune a fondu en raison de la chute de la valeur du gisement, en partie parce que sa production s’est stabilisée. La totalité de la fortune de ces 20 magnats africains est égale à 68,7 milliards de dollars, en recul par rapport aux 75,4 milliards de l’estimation totale de l’année dernière. Toutefois, la moyenne individuelle des membres de la liste a progressé, passant de 3,3 milliards début 2018 à 3,4 milliards de dollars aujourd’hui.

MÉTHODOLOGIE

Notre liste prend en compte la richesse des Africains milliardaires qui résident en Afrique ou dont l’activité y est prioritairement développée. Avec deux exceptions : le milliardaire d’origine soudanaise Mo Ibrahim, qui est citoyen résident britannique, et le milliardaire londonien Mohamed Al-Fayed, de nationalité égyptienne. Strive Masiyiwa, de nationalité zimbabwéenne et résident à Londres, apparaît dans la liste du fait de l’importante activité africaine de sa holding de télécommunications. Nous avons calculé les actifs nets en prenant en compte la valeur des actions boursières clôturées au vendredi 4 janvier 2019. Pour évaluer les activités économiques détenues, nous avons couplé les revenus estimés ou les bénéfices en tenant compte du rapport prix/vente ou du ratio cours sur bénéfice pour des entreprises similaires. Certains membres de la liste sont devenus plus riches ou moins riches d’une semaine ou d’un jour à l’autre suivant la date de notre évaluation.

Enquête de Will Yakowicz, Zina Moukheiber et Ariel Shapiro, coordonnée par Kerry A. Dolan et Luisa Kroll.

Évaluer la fortune des richissimes Africains

L’exercice qui consiste à classer les fortunes des milliardaires de la planète est un classique dans la galaxie de Forbes. L’entrée des plus grandes fortunes africaines dans ce must de l’élite financière a constitué un véritable marqueur dans l’émergence du continent comme acteur significatif de l’économie mondiale.

PAR MICHEL LOBÉ  EWANÉ

Lorsque Forbes a pour la première fois listé des Africains dans son célèbre classement, il s’agissait de Blancs sudafricains. L’Afrique du Sud, alors première puissance économique africaine, était considérée comme une économie développée, industrialisée et transparente. Et puis il y eut des Égyptiens avec la famille Sawiris, avant que d’autres Arabo-Africains, des Marocains en l’occurrence, ne viennent renforcer la liste. Il a pourtant fallu l’entrée fracassante des milliardaires nigérians dans ce classement, et en particulier celle d’Aliko Dangote, devenu l’homme le plus riche d’Afrique, pour révéler au monde, mais aussi aux Africains euxmêmes, que ce continent a commencé à écrire des lettres d’or dans le livre des grandes fortunes de la planète. Pour expliquer cette entrée des Africains noirs dans le classement de Forbes, il faut souligner que le Nigeria est entre-temps devenu la première économie de l’Afrique. En 2014, pour la première fois dans l’histoire du Top 50 des Africains les plus riches, 13 Nigérians prenaient place dans le classement, dont trois nouveaux milliardaires en dollars. Avec une fortune évaluée à 14,7 milliards de dollars, Aliko Dangote s’imposait comme le numéro 1 africain, pointant à la 67e place du classement mondial. Une performance remarquable! Mais cette émergence des riches Africains n’a été rendue possible que parce que les enquêteurs de Forbes ont pu trouver des informations disponibles à travers les capitalisations boursières détenues par les entreprises de ces hommes d’aff aires. On notera que l’écrasante majorité des magnats africains classés par Forbes sont issus de pays anglophones et que tous ont des entreprises listées dans le marché boursier de leur pays. Ce dernier point est loin d’être un détail. Car c’est parce qu’ils sont listés qu’il existe une réelle transparence sur les informations qui permettent aux journalistes d’investigation du magazine d’éplucher leurs comptes, de déterminer leurs actifs et donc d’évaluer le montant de leur fortune. Ainsi s’explique le fait que Forbes puisse arriver à un niveau d’exactitude et de précision proche de la réalité. C’est sans doute également ce qui explique que, hors Maghreb, il n’y ait pas d’Africains francophones dans ce classement. Ces derniers continuent de fonctionner dans une opacité structurelle qui ne facilite guère les enquêtes. Rares sont ceux qui ont à ce jour fait le pari de la Bourse, ce qui supposerait qu’ils dévoilent, déclarent et détaillent la totalité de leurs actifs. Beaucoup d’entre eux refusent que leurs entreprises publient leurs résultats et, même quand cela arrive, les informations communiquées sont incomplètes ou inexactes. Forbes Afrique, qui s’est livré à l’exercice d’évaluation des fortunes francophones, s’est heurté au mur du silence, du fl ou et de l’opacité. Certains de nos hommes d’affaires commencent à voir que communiquer sur leur richesse peut être utile pour leur entreprise – mais ils sont rares. Ceux-là ont compris que le regard que l’on porte sur eux et leur compagnie change lorsqu’ils ont été classés. Et ils savent que, d’un point de vue marketing, ils ont tout à gagner auprès de leurs interlocuteurs : banquiers, pouvoirs publics, partenaires et bailleurs de fonds internationaux.

Edition Février 2019

Pour lire l’intégralité de cet article, rendez-vous à la page 21-24 du numéro 54 Février 2019

 

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