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Maurice Mboa, le nouveau Basquiat

Maurice Mboa, le nouveau Basquiat
Mboa

À l’image de son glorieux aîné américain, prophète inspiré de la mouvance underground, l’artiste camerounais mélange la matière et le mental comme d’autres le corps et l’âme.

Par Albert Ménélik Tjamag

Maurice Mboa. Le nom ne vous dit sans doute pas grand-chose, mais il y a fort à parier que ce ne sera pas longtemps le cas. Il se murmure et passe de bouche en bouche dans les plus belles galeries du monde. Sur le très sélectif marché de l’art contemporain, la cote de l’artiste camerounais ne cesse de grimper. Il faut dire que son style est particulier, son approche inédite, son support surprenant et son histoire renversante bien que difficile à résumer de manière linéaire. Dès lors, pour tenter de démêler les fils qui sous-tendent cette créativité déconcertante, on fera appel aux quatre lettres de son nom, Mboa. Un nom symbolique du reste puisqu’en langage familier camerounais, Mboa signifie “le pays”. Quatre lettres, M. B. O. A. dont l’acronyme résume parfaitement le cheminement personnel du créateur : la Minutie d’un Béotien dont les Origines impactent l’Artiste.

Minutie : Quand il rentre dans ses ateliers de création, que ce soit à Yaoundé au Cameroun ou à Genève en Suisse, Maurice Mboa se transforme. La candeur et la simplicité du premier abord laissent place à la rigueur et à l’exigence du résultat. L’artiste ouvre ses antennes pour recueillir l’offrande inspirée des voix qui lui chuchotent ses créations. Mais le créateur camerounais va au-delà. Il ne se contente pas de retranscrire des conversations empruntées, il lutte avec la matière pour imposer un médium par-delà le discours. Maurice Mboa mélange la matière et le mental comme d’autres le corps et l’âme.

Béotien : Dans le dictionnaire de la langue française, le béotien est la personne qui ne possède pas des connaissances suffisamment précises, dans un domaine particulier. C’est la base même de toute démarche artistique qui ne recherche pas forcément un aboutissement, mais une démarche qui nous rapproche de la quintessence imaginée par notre esprit. Célébré précocement pour ses talents (il a gagné le premier prix d’expression artistique d’une célèbre école d’art de Yaoundé et a été finaliste du prix du président Paul Biya), Maurice Mboa n’a ainsi découvert que bien plus tard que c’est l’art qui lui donnait le plus de satisfaction. Cette candeur donne une certaine fraîcheur à sa démarche artistique.

Origines : Les créations du peintre camerounais mettent un point d’honneur à questionner l’origine des choses. La source est toujours importante, car elle définit les trajectoires. Maurice Mboa a aujourd’hui 38 ans, un âge considéré comme jeune par certains, surtout pour un artiste qui peut manquer de bouteille à cette période de sa vie. Mais la rudesse de son expérience de vie au Cameroun- élevé au village par sa grand-mère, il est ostracisé par les enfants du voisinage – la particularité de son parcours d’abord autodidacte confronté à la rigueur et l’exigence suisses affirment son style unique. L’artiste ne se définit pas comme un point de départ, mais comme faisant partie d’une continuité même s’il ambitionne de marquer son temps comme personne avant lui. 

Artiste :
Maurice a l’habitude de se définir comme une vieille âme. Un génie artistique venant d’un temps immémorial pour nous apprendre à regarder différemment. Dans son entourage, on l’appelle le “petit vieux” de par ses raisonnements et sa vision du monde. Mais Maurice Mboa revient de loin. En 2021, à la suite d’un accident, il est opéré à cœur ouvert. Six mois auparavant, lors d’une exposition, il avait mystérieusement donné à ses œuvres des noms ne reflétant pas la nature du travail présenté, selon l’organisateur de l’exposition. Plus tard, on s’aperçut que chaque titre donné représentait en réalité le séquençage des évènements qui lui arrivèrent par la suite.  Une chose est sûre, cet épisode, qui aurait pu s’achever tragiquement, a transfiguré son art et ouvert les yeux du monde sur son œuvre. Maurice Mboa se définit aujourd’hui comme “inclassable, difficilement codifiable”. Il se dit intermédiaire d’une image venue d’ailleurs et qui s’impose à lui. Le tableau préexiste dans son esprit par fragments successifs et ses doigts lui donnent une seconde vie.

Maurice Mboa est un artiste universel dont l’âme a emprunté un corps noir. Il revendique une glorieuse africanité sans en faire une barrière, mais une main tendue, qu’il offre du reste bien volontiers. Car l’artiste ne se contente pas de produire, il veut aussi transmettre et valoriser le travail artistique, en donnant une chance à ceux qui n’ont pas eu le loisir de changer leur destination métier. Fidèle à ses origines, il a ainsi créé un centre culturel dans son quartier de Mvog Ada à Yaoundé. Une manière d’échanger sur sa pratique, d’interagir avec les aspirants et d’entretenir une discussion avec la jeune génération, au travers d’ateliers récurrents.


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