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Morin Oluwole (Meta) : « De nombreuses marques africaines ont compris que le numérique était un levier essentiel de leur stratégie commerciale »

Morin Oluwole, Meta

Spécialiste de la transformation digitale et créative et femme d’influence fortement engagée dans l’essor de l’Afrique, Morin Oluwole, directrice mondiale de la division luxe chez Meta (Facebook/Instagram), partage dans cette interview la vision luxe et mentorat du groupe pour le continent. Une exclusivité Forbes Afrique.

Propos recueillis par Ricardo VIta

Forbes Afrique : La mode et la beauté sont-elles au cœur de la stratégie d’Instagram ? Et pourquoi ? Quelles sont les opportunités sur Instagram pour les marques africaines de mode et de beauté ?

Morin Oluwole : Instagram permet à tous ceux qui le souhaitent de pouvoir transformer leur passion pour la mode en carrière, et de se constituer une large communauté comprenant des consommateurs potentiels. Il en va de même pour les marques et les entreprises auxquelles Instagram offre gratuitement de la visibilité, leur permettant ainsi de communiquer et de partager leurs valeurs au plus grand nombre. Instagram compte désormais plus de deux milliards d’abonnés dans le monde et le hashtag #fashion continue de se positionner dans le top 5 des hashtags les plus utilisés au quotidien.

À l’heure où l’on parle des talents créatifs qui existent sur le marché africain, comment leur conseilleriez-vous de se démarquer, de partager leur image et de communiquer sur Instagram ?

M. O. : De nombreuses marques africaines ont compris, avant même la pandémie, que le numérique était un levier essentiel de leur stratégie commerciale. Et pour celles qui étaient un peu en retard, elles ont rapidement pris le virage numérique pendant la pandémie, car c’était leur dernière possibilité de maintenir le lien avec leurs consommateurs et les membres de leur communauté. Il est important de chercher à rester créatif pour continuer à être pertinent, mais aussi d’être curieux en testant les nouvelles fonctionnalités lorsqu’elles sont lancées. Cela peut donc amener les marques africaines et plus largement les membres de la communauté à expérimenter et tester de nouveaux contenus et formats comme avec les Reels. Les Reels sont un format court que l’on peut associer à de nombreuses fonctionnalités déjà disponibles sur la plateforme et à des outils créatifs — les effets à réalité augmentée et la bibliothèque musicale par exemple. Les Reels sur les plateformes Meta sont regardés plus de 140 milliards de fois par jour. Adopter ces nouveaux formats est le meilleur moyen de prendre part à la conversation, de lâcher-prise sur l’obsession de la perfection et in fine de gagner en visibilité.

Quels sont les comportements des consommateurs les plus importants sur les plateformes Meta à connaître en rapport avec l’industrie de la mode et du luxe ?

M. O. : La mode s’inspire d’Instagram et de la culture numérique portée organiquement par la nouvelle génération, inversant ainsi le cycle de l’influence culturelle. On constate sur Instagram une émulation incroyable, notamment de la « Gen Z » à définir les nouvelles tendances en matière de mode, portée en particulier par les créateurs de contenus, qui sont le nouveau baromètre de ces tendances.

De nombreuses entreprises en Afrique sont dirigées par des femmes, comment comptez-vous aider les petites entreprises, en particulier les femmes entrepreneures, à réussir avec les outils numériques que vous pouvez leur proposer ?

M. O. : Nous sommes très investis dans le soutien aux PME en Afrique subsaharienne, car nous savons qu’elles sont le moteur des économies locales. Cette année, nous avons mis en place le programme Meta Boost dans plus de 13 pays, permettant à plus de 25 000 entrepreneurs d’être formés au marketing digital. Nous allons plus loin avec l’initiative « She Means Business », qui propose des formations uniquement destinées aux femmes entrepreneures. Près de 20 000 femmes ont bénéficié de ces sessions en 2022 au Sénégal, au Ghana, au Kenya et en Afrique du Sud. L’initiative #SheMeansBusiness s’inscrit dans le prolongement de l’engagement à long terme de Meta en faveur de l’autonomisation économique des femmes. Non seulement nous les outillons sur la création et la croissance d’une entreprise grâce au numérique, mais nous nous penchons également à les former autour de l’éducation financière et l’accès au capital, ce qui est un des obstacles majeurs qu’elles rencontrent sur le continent.

Quelles sont les dernières fonctionnalités récemment lancées par Instagram les plus adaptées au secteur de la mode et du luxe ?

M. O. : En matière d’intelligence artificielle, les filtres restent un excellent moyen pour les marques de communiquer de manière créative et de pouvoir permettre aux gens de s’engager de manière interactive avec la marque. Sans oublier les Stories, les filtres AR ou encore le Feed, qui permettent aux marques de promouvoir leur univers et leurs produits.

Comment voyez-vous la vision des talents et entrepreneurs africains ? Où le numérique joue-t-il un rôle dans leur succès ?

M. O. : Nulle part plus qu’en Afrique les plateformes sociales telles qu’Instagram ont permis de briser les barrières pour les créateurs et les entrepreneurs. C’est précisément ce que nous avons mis en lumière dans une campagne intitulée « Made By Africa Loved By The World », où des créateurs tels que le Sud-Africain Rich Msini ou l’Ivoirienne Lafalaise Dion racontent que grâce à Instagram, ils se sont fait connaître et ont pu vendre leurs produits partout dans le monde entier.

Quelles initiatives le groupe Meta a-t-il développées pour répondre aux besoins et soutenir le consommateur et les entrepreneurs africains ?

M. O. : Les créateurs et les entreprises constituent une partie essentielle de la communauté Instagram.
C’est pourquoi Instagram s’est profondément investi dans l’offre d’un large éventail d’outils et de fonctionnalités (tels que Instagram Video [ex-IGTV], les Shops, et les publicités) afin d’aider les entrepreneurs à se connecter efficacement avec leur public et à présenter leurs marques. Les Shops permettent aux entreprises de créer facilement une boutique en ligne unique à laquelle les clients peuvent accéder à la fois sur Facebook et Instagram.



La facilité d’utilisation de Facebook et Instagram en fait des outils de choix pour les entrepreneurs africains, dont l’accès aux financements est limité, et qui trouvent sur nos plateformes un des moyens les plus rentables de développer leur activité. L’Afrique représente certains des créateurs les plus innovants et les plus prometteurs. Comment les plateformes numériques peuvent-elles les aider à se faire entendre, à exprimer leurs points de vue et à créer de nouvelles opportunités d’affaires ?

M. O. : Nous sommes très attentifs à la scène créative en Afrique et à son incroyable dynamisme. Grâce à leurs communautés, les créateurs de contenu en Afrique sont en mesure de mettre en lumière les sujets de société. Ils jouent un rôle-clé dans l’émergence de nombreux sujets culturels, tels que la diversité, l’inclusion ou le développement durable, et savent toucher de vastes populations dans un délai plus court que la plupart des plateformes traditionnelles. Par ailleurs, Instagram permet d’accélérer le décloisonnement des industries créatives en Afrique et leur donne le pouvoir de définir les nouvelles tendances. L’avenir de la création de contenu et des créateurs est prometteur. Il faut néanmoins rappeler que le public apprécie plus que jamais l’authenticité. Ce n’est pas tant le nombre de followers qui compte, que l’engagement généré avec eux et la valeur et la qualité des messages partagés. C’est le seul moyen de construire une communauté pertinente et durable, que l’on parle de mode, ou plus largement de beauté ou de design.

Comment les marques africaines de mode et de luxe peuvent-elles jouer un rôle dans le futur de l’innovation et du métavers ?

M. O. : Nous travaillons beaucoup à la création d’outils plus futuristes, mais aussi très pratiques dans la vie quotidienne et dans le monde de la mode et du luxe. Le métavers constitue un atout remarquable pour ces secteurs grâce à ses expériences immersives et engageantes. À court terme, nous conseillons aux marques de développer des audiences, communautés et relations sur nos plateformes qui perdureront dans le métavers. Le premier pas pour les entreprises aujourd’hui c’est de faire croître leurs audiences avec des filtres, des publicités ou des boutiques en réalité augmentée. Par exemple, Gucci offre des vêtements exclusifs aux fans et aux adeptes qui veulent habiller leurs avatars avec leurs produits. Nike a acquis une entreprise de chaussures virtuelles pour fabriquer des baskets numériques, tandis que Ralph Lauren a lancé sa première ligne de mode digitale. Les nouvelles technologies sont une opportunité pour tous et notre vision est de contribuer au métavers pour un milliard de personnes. Nous avons récemment collaboré avec les organisations Africa No Filter, Electric South et Imisi 3D pour mettre en place un parcours de mentorat, avec des bourses allant jusqu’à 30 000 dollars américains, à destination de jeunes créateurs basés en Afrique. Le programme « L’Afrique du futur : raconter des histoires, construire des mondes » est axé sur l’accompagnement de la génération future de créateurs de Réalité Étendue (XR) en Afrique.

Comment le groupe Meta aide-t-il à construire une Afrique meilleure pour l’avenir ?

M. O. : Nous continuons à nous tenir résolument aux côtés de toutes les parties prenantes, créateurs, entrepreneurs et société civile, afin de favoriser la création d’entreprises, amplifier la voix de ceux qui portent le récit africain et son ambition, et proposer davantage de formations pour l’alphabétisation numérique et la création de contenus en réalité étendue. Nous faisons également des investissements majeurs pour une meilleure connectivité, notamment à travers 2Africa, le plus long câble sous-marin au monde dont l’objectif est d’améliorer l’accès à internet dans une quinzaine de pays en Afrique.



Morin Oluwole en bref

Morin Oluwole est un leader d’opinion de l’industrie du luxe chez Meta, où elle gère les partenariats mondiaux du groupe avec les clients du secteur du luxe sur des plateformes comme Facebook et Instagram. Elle siège également au conseil d’administration de Biologique Recherche (marque française de soins de luxe), est membre du comité d’adhésion de Soho House, et membre du conseil de l’innovation chez One&Only Resorts.

Titulaire d’une licence et d’une maîtrise en biologie humaine et en sociologie de l’université de Stanford, ainsi que d’une maîtrise en gestion de l’université de Columbia, elle a été boursière du millénaire Bill Gates et a reçu le Prix du doyen pour l’excellence académique pendant cinq années consécutives. Elle a d’abord travaillé dans le conseil en gestion chez Sachs Consulting à New York, avant de rejoindre Facebook en 2006 en tant que responsable de l’élaboration de solutions commerciales stratégiques pour le vice-président Global Marketing Solutions du groupe, se concentrant notamment sur le marketing des produits (pages Facebook), les partenariats mondiaux (mode/luxe) et la publicité numérique.

Citée dans Vogue, Luxury Daily, Harper’s Bazaar Arabia, Luxury Society, MatchesFashion.com, l’Opinion, FashionNetwork, A&E Magazine, Journal du Luxe, CB News, Black Enterprise, Luxus Plus, Luxury Society, etc., Morin apparaît comme une figure incontournable de l’industrie de la mode et du numérique, et a pris la parole à l’occasion d’évènements aussi prestigieux que la Condé Nast International Luxury Conférence, le Paris Luxury Summit, et autre. Elle met à profit sa forte audience en ligne (près de 230 000 followers sur ses différents réseaux) pour partager son expertise sur le développement business et économique, la transformation digitale, l’essor de l’Afrique, l’entrepreneuriat et le mentorat.

Née au Nigéria, elle parle quatre langues (anglais, français, espagnol et yoruba) et a vécu sur trois continents. Parfaitement bilingue en français, elle est actuellement basée à Paris.


Crédit-photo : Audran Sarzier

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