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Psychologie des grandes fortunes : “Une nouvelle génération dotée d’une fibre entrepreneuriale décomplexée” I Coralie Omgba

Selon le magazine Forbes, le continent africain compterait 19 milliardaires connus cumulant une fortune estimée à 81,5 milliards de dollars. Quels sont les profils de ces très grandes fortunes ? Associée et consultante chez AllSees Limited, un cabinet de conseil spécialisé dans le secteur de l’ultra-luxe, Coralie Omgba apporte des éléments de réponse.

Propos recueillis par Miriam Fogoum Siekappen

Forbes Afrique : L’Afrique compte de plus en plus de grandes fortunes. Dans quels domaines évoluent le plus souvent ces personnes ?

Coralie Omgba : Il est important de noter que la fortune n’est pas toujours composée d’espèces sonnantes et trébuchantes. Les domaines dans lesquels on retrouve ces fortunés sont donc très souvent l’agroalimentaire, la télécommunication, la finance — notamment banque et assurance —, mais aussi l’import-export. 

Ces individus fortunés sont-ils généralement des héritiers ou des self-made-men/women ?

C. O. : D’un point de vue financier, est considéré comme fortuné celui qui détient un patrimoine égalant ou dépassant les 30 millions de dollars en actifs liquides, nets et « investissables » hors résidence principale, actifs immobiliers, biens de consommation ou « collectionnables ». Du point de vue des sciences sociales, est considéré comme fortuné celui qui cumule, en plus du capital financier, un capital social et culturel riche et cultivé ; c’est le monde des collectionneurs, des titres de propriété par exemple. En termes de classification, vous avez donc des Mega High Net Worth (MGHNW, plus de 250 millions de dollars), des Ultra High Net Worth (UHNW, plus de 30 millions de dollars), et des High Net Worth (HNW, plus de 1 million de dollars). 

Sur le continent, on compte environ 6 700 multimillionnaires en dollars et plus de 300 personnes détenant une fortune de plus de 100 millions de dollars, soit un ratio relativement faible à l’échelle mondiale. Mais ce qui importe, c’est que la tendance est à la hausse. L’Afrique abrite certains des marchés affichant la croissance la plus rapide au monde, notamment le Rwanda, l’Ouganda et l’île Maurice. On retrouve chez les ultras-riches africains des familles traditionnelles, qui perpétuent l’héritage par la transmission et la succession de père en fils/fille à la tête des entreprises familiales. Il y a aussi des hommes et des femmes qui se sont bâtis eux-mêmes dans le monde des affaires ou de l’investissement. À noter également, l’arrivée d’une nouvelle génération dotée d’une fibre entrepreneuriale décomplexée, qui propose des business models hybrides.

Quel est, selon vous, leur rapport à l’argent sur le plan socioculturel ? 

C. O. : Le continent est complexe par sa diversité, sa richesse culturelle d’une région ou d’un pays à un autre. Ainsi, le rapport à l’argent peut totalement différer selon la culture, la tradition, la religion, les croyances.

« On relève un point d’ancrage commun reliant le rapport à l’argent sur le plan socioculturel : le collectif, le sens du partage qui se traduit de différentes manières, en fonction des traditions et de la structure des sociétés africaines concernées ».

Toutefois, on peut noter un point d’ancrage commun reliant le rapport à l’argent sur le plan socioculturel : le collectif, le sens du partage qui se traduit de différentes manières, en fonction des traditions et de la structure des sociétés africaines concernées. Une façon de vivre l’opulence différente de celle qui prévaut généralement en Occident. En France notamment, où le rapport à l’argent est plus ancré dans la culture judéo-chrétienne, où l’ostentation est mal vue et où l’argent est destiné aux plus nécessiteux, ce qui fait que la richesse s’y vit discrètement, à l’abri des regards. 

Comment ces grandes fortunes aiment-elles généralement dépenser leur argent ? 

C. O. : Les fortunés de la génération boomer et baby-boomer de l’Afrique francophone, par exemple, ont un profil assez conservateur, proche de celui des Européens. Ils réalisent des placements en fonction des investissements et/ou des allocations d’actifs traditionnels qu’ils possèdent.

« La génération des millennials a la particularité de présenter un profil double, puisqu’elle se montre à la fois soucieuse de réaliser des placements de “bon père de famille” tout en étant portée sur le risque, c’est-à-dire prête à saisir de nouvelles opportunités de placement ».

Quant à la nouvelle génération, celle des millennials — nés entre le début des années 80 et la fin des années 90 —, elle a la particularité de présenter un profil double, puisqu’elle se montre à la fois soucieuse de réaliser des placements de « bon père de famille » tout en étant portée sur le risque, c’est-à-dire prête à saisir de nouvelles opportunités de placement. Ses représentants sont aujourd’hui davantage tournés vers le « consommer utile » et le « consommer intelligent » que sur l’enrichissement. 

Les fortunés africains dépensent leur argent dans des services et produits exclusifs. Leurs besoins et leurs attentes sont spécifiques et sur mesure. Pour l’instant, ils sont encore très peu à investir dans le yachting, l’aviation privée, la haute horlogerie et la haute joaillerie. Cependant, la philanthropie en faveur de l’éducation les intéresse, et l’engouement pour l’art contemporain a propulsé l’art dans les hautes sphères de la finance. Les riches africains à la fortune récente aiment, eux, le luxe ostentatoire : bijoux, grosses voitures, etc.

Crédit-photo : DR




 

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