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Nicole Sulu : « Ces trois dernières années, plus de 300 contrats ont été signés pendant le forum Makutano »

Nicole Sulu : « Ces trois dernières années, plus de 300 contrats ont été signés pendant le forum Makutano »

Fondatrice du forum d’affaires Makutano et du réseau d’affaires du même nom, Nicole Sulu, revient, pour Forbes Afrique, sur le bilan de la 9ème édition de ce business forum organisée, pour la première fois, en dehors de l’Afrique Centrale, à Abidjan, les 20 et 21 septembre. Elle exprime également les ambitions du dispositif Makutano pour les prochaines années.

Le Makutano c’est d’abord une ambition. Celle de contribuer au progrès social et économique en Afrique. Pour y parvenir nous partons d’où nous sommes puisque nous croyons fortement que chacun, à son échelle, a le pouvoir d’agir. 

Forbes Afrique : la neuvième édition du Makutano, qualifiée de « 100% hors les murs » s’est tenue, pour la première fois, en dehors de l’Afrique Centrale, précisément à Abidjan, en Côte d’Ivoire ? Pourquoi cette innovation et le choix de la Côte d’Ivoire ?

Nicole Sulu : Cette innovation est avant tout notre raison d’être. Bien que le forum Makutano soit né en RDC, notre ambition est résolument panafricaine. Nous avons la volonté de permettre aux chefs d’entreprises africains d’être pleinement porteurs de solutions face aux enjeux du développement du continent. D’abord par la rencontre, l’interaction et les partenariats entre pairs puis, par le dialogue avec les décideurs publics afin d’améliorer notre compétitivité et notre performance. Ce travail, nous le faisons depuis bientôt une décennie en Afrique centrale. Les fondations étant suffisamment solides, nous avons élargi notre action. 

Pour y parvenir, la casquette de chef d’entreprise nous a été fortement utile. À la question : Quelle est la destination export la plus pertinente pour un acteur francophone d’Afrique centrale ? La réponse est sans équivoque : la Côte d’ivoire ! La population francophone, c’est l’un des deux poumons économiques d’Afrique de l’Ouest avec le Nigeria, le port d’Abidjan dispose d’un hinterland significatif et la ville est idéalement placée dans le couloir Abidjan-Lagos qui pèse près de 75% du PIB de la CEDEAO. Ce sont autant d’atouts qui rendent la destination incontournable. 

Par ailleurs, les échanges entre la RDC et la Côte d’Ivoire augmentent comme le témoigne la récente ouverture d’une ligne aérienne entre Abidjan-Kinshasa. Les six projets de coopération annoncés à l’issue du Forum confortent cette lecture.

Quels ont été les sujets ou les thèmes abordés lors de ce Forum d’affaires, et pourquoi le choix de ces sujets ? 

N.S : Nous avons abordé les thématiques clés pour atteindre notre objectif qui est celui de faire croître le commerce intra-africain et qui a la capacité de contribuer à la prospérité et au progrès social en Afrique. Pour y parvenir, nous n’avons d’autres choix que de gagner les batailles fondamentales. À ce titre nous nous sommes focalisés sur celles où le secteur privé peut jouer un rôle déterminant. L’énergie, la transformation de nos matières premières, le financement de nos économies. À ces fondamentaux, nous y avons ajouté l’approche qui vise à transformer le potentiel inexploité du commerce intra-africain.   

Quels sont les secteurs où des opportunités économiques, commerciales et partenariales existent ou peuvent exister entre la RDC et la Côte d’Ivoire ? Comment se déclinent ces opportunités ?

N.S : La RDC est un pays continent de plus de 90 millions d’habitants dont 15 millions dans une mégalopole comme Kinshasa. La Côte d’Ivoire est la porte d’entrée pour de nombreux pays enclavés d’Afrique de l’ouest tout en totalisant 40% du PIB de l’UEMOA. Vous comprenez aisément que les opportunités sont nombreuses. Au-delà des secteurs essentiels que sont l’agriculture et l’industrie où les deux pays ont des atouts indéniables, je crois énormément en un lien entre Abidjan et Kinshasa dans le secteur tertiaire. Nous ne parviendrons à relever le défi de la transformation des matières premières que si nous réussissons parallèlement le défi de la tertiarisation qui dépend du développement du capital humain. La production locale est essentielle. Il faut lui adjoindre la recherche locale en amont et la distribution locale en aval.  

Des pays comme la Côte d’Ivoire et la RDC disposent de talents en grande quantité pour répondre à ce défi. Ainsi, nous pourrons devenir de grands centres de recherche et développement, de finance, de logistique intégrée dans les secteurs où nous avons un avantage concurrentiel comme les industries créatives et culturelles, le cacao, les mines, l’exploitation minière et forestière.

La soif entrepreneuriale est particulièrement forte dans les deux pays auprès des jeunes, et principalement dans le numérique. Comment le Réseau Makutano intègre-t-il cette donne dans ses stratégies d’accompagnement ? 

N.S : La vague entrepreneuriale en Afrique est colossale. Toutefois, encore trop de jeunes entrepreneurs se lancent par manque d’opportunités professionnelles. Face au manque d’emplois formels et décents, les jeunes préfèrent se lancer à leur compte. Cela étant dit, les questions qui se posent à nous et auxquelles nous répondons au niveau du Réseau Makutano sont de deux ordres : comment accélérer la création d’emplois formels et décents pour que l’entrepreneuriat ne soit pas un choix par défaut et, comment accompagner ceux qui ont véritablement la flamme entrepreneuriale. Face à cette question nous observons que les entrepreneurs qui réussissent sont ceux qui ont le plus grand capital, et celui-ci n’est pas qu’économique. Ça peut être un capital social comme le réseau familial, quel que soit le niveau. Cela peut également être le capital culturel comme ses études voire le capital symbolique dont les artistes usent souvent pour réussir. 

Sachant cela, notre approche stratégique est celle de permettre aux jeunes d’acquérir ou de prendre conscience qu’ils ont un capital avec lequel ils vont faire un effet de levier dans leur vie d’entrepreneur. Nous le faisons par du mentorat, du partage d’expérience ou des ateliers de formation. 

L’approche numérique répond aux mêmes besoins : développer une expertise et développer un réseau qui permettent de trouver son angel-investor, son cofondateur/cofondatrice ou son employé n°1.

Le Makutano va bientôt totaliser 10 ans d’existence. Entre forum d’affaires, réseau, Institut, etc. Pourriez-vous nous décrire ce qu’est le dispositif « Makutano » aujourd’hui ?

N.S : C’est d’abord une ambition : contribuer au progrès social et économique en Afrique. Pour y parvenir nous partons d’où nous sommes puisque nous croyons fortement que chacun, à son échelle, a le pouvoir d’agir. Comme nous sommes chefs d’entreprises, nous agissons pour un secteur privé prospère et dont l’impact est positif. C’est pourquoi nous avons fondé le réseau qui évite l’isolement du dirigeant et lui donne un élan collectif avec des pairs qui partagent la même vision et les mêmes valeurs. L’idée simple est de passer de la compétition simple à la co-opétition (collaboration/compétition) comme nous le voyons à l’échelle internationale où un acteur peut à la fois être concurrent et fournisseur ou concurrent et partenaire stratégique. Je pense notamment à l’automobile où un constructeur peut fournir le moteur à son concurrent ou à l’industrie créative et culturelle ou un artiste peut composer pour un autre. Nous voulons promouvoir ce modèle !

Alors pour faire vivre le réseau et mettre en œuvre cette vision, nous avons principalement deux  axes : l’événementiel, avec le business forum, est la partie émergée de l’iceberg. Ces moments visent à créer du lien, à rassembler des décideurs à l’agenda chargé pour statuer sur des actions communes. Nous nous réunissons également pour agir, car nous avons eu des temps de réflexion : c’est l’institut qui est le second axe. 

Au Makutano, nous savons que la réflexion et l’action vont de pair. Ce n’est pas la même temporalité mais les deux sont nécessaires. À partir de notre expertise et de notre expérience terrain, nous formulons des solutions dans une démarche participative et ascendante. L’expérience de terrain est inestimable et c’est toujours notre point de départ !

Comment décryptez-vous l’impact du Réseau Makutano sur l’économie congolaise depuis son lancement ?

N.S : L’impact est extrêmement positif à plus d’un titre. D’un point de vue économique, ces trois dernières années, plus de 300 contrats ont été signés pendant le Forum. Sur les problématiques de financement de l’économie qui sont importantes pour nous, deux conventions d’une valeur de 15 millions de USD ont été signées dernièrement entre Proparco et les banques congolaises EquityBCDC et Advans Banque Congo. Ces initiatives ont pour objectif de soutenir et d’accompagner les PME dans des secteurs clés comme l’inclusion financière, la santé, l’éducation, l’agro-alimentaire et autres secteurs à impact.

Evidemment, notre impact va plus loin. Ma plus grande satisfaction est d’avoir créé un lieu de dialogue durable et efficace entre le secteur privé et le secteur public. Je peux dire que nous comprenons mieux la réalité de l’autre et cela se voit aussi bien dans les politiques publiques que dans la gouvernance des entreprises.

Quel bilan faites-vous de cette 9e édition et quels sont vos objectifs pour les 10 prochaines années ?

N.S : Cette rencontre à Abidjan était l’accomplissement de notre vision pour le continent Africain : rassembler les talents africains au bénéfice de toute l’Afrique, hors frontières aussi. Elle a tenu ses promesses en ouvrant la porte à une collaboration qui façonne l’Afrique de demain et ouvre la voie pour l’émergence de champions africains. L’agence nationale pour la promotion des investissements de la RDC (ANAPI) et le centre de promotion des investissements de Côte d’Ivoire (CEPICI) ont annoncé plusieurs actions visant à faciliter des échanges entre la RDC et la Côte d’Ivoire, à l’instar de la signature d’un protocole d’accord de collaboration pour une promotion réciproque des investissements ou encore la suppression des visas entre les deux pays. Dans la continuité de ce que nous faisons actuellement, notre objectif pour les prochaines années est de continuer à faire bouger les lignes, à briser les barrières pour connecter les acteurs qui vont transformer l’Afrique. 

J’ai pour ultime objectif que nos membres puissent devenir non plus des champions nationaux ou panafricains mais des champions mondiaux, implantant ainsi des fonctions de décision et à hautes valeurs ajoutées en Afrique.  

Enfin, nous devons adresser dans ces 10 prochaines années la question de l’inclusion. Il y a un consensus assez partagé sur les bienfaits de la diversité. Néanmoins, la diversité sans inclusion est inopérante.

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