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Raoul Rugamba : «L’Afrique doit renforcer son soft power»

Raoul Rugamba

Quand l’Afrique et sa diaspora se réunissent pour valoriser ce que le continent a de plus cher, à savoir sa culture, cela donne le Summit & Festival Creative Africas. Portée par les plateformes Movement Of Creative Africas et Africa in Colors, cette initiative dédiée aux industries culturelles et créatives se tiendra du 30 juin au 3 juillet prochain à Kigali. Explications avec son co-promoteur, Raoul Rugamba, fondateur d’Africa In Colors.

Propos recueillis par Dounia Ben Mohamed

Forbes Afrique : Parlez-nous de vous et de ce qui vous a amené à vous intéresser au secteur de l’industrie créative en Afrique.

Raoul Rugamba : Je m’appelle Raoul Rugamba, je suis un entrepreneur rwandais et suis le fondateur de Hobe Agency, une agence de communication créative et de gestion événementielle. J’ai commencé à travailler dans l’industrie créative via mon oncle qui dirigeait une société de production. C’était en 2008 et j’étais alors technicien du son et de l’éclairage. Après cela, j’ai progressivement été amené à assister mon oncle dans ses affaires, de suivre ses clients, de fournir du matériel avant de finalement me lancer en 2015 dans la communication créative avec ma propre entreprise, Hobe Agency. Depuis, nous sommes impliqués dans l’image des entreprises, le lancement de produits / services, le développement de projets, la création de nouvelles solutions…

Forbes Afrique : Présentez-nous la plateforme que vous avez créée, Africa in Colors ?

Raoul Rugamba : Lancée en 2018, l’initiative Africa in Colors est consacrée à la promotion des industries culturelles et créatives (ICC) africaines. Africa in Colors est née de l’idée de pouvoir vivre de notre activité dans le secteur du divertissement, et ce en faisant en sorte que les entreprises évoluant dans cette filière puissent créer des emplois et des revenus durables pour elles-mêmes et leur pays. On s’est cependant très vite rendu compte que ce défi — vivre de son métier — était aussi celui de nombre de nos partenaires, tant au Rwanda qu’ailleurs en Afrique. Un constat qui nous a logiquement poussés à adopter une vision panafricaine.

« Nous donnons aux acteurs africains des industries culturelles et créatives les moyens d’agir en leur fournissant les compétences, les connaissances et les plateformes nécessaires à leur rayonnement mondial ».

Nous avons alors compris que si nous voulions trouver une solution durable à ce problème, nous devions mettre en place une approche globale, en opérant en tant qu’entité unique et en rassemblant les différents acteurs, ce qui ne pourrait se faire que par le biais d’un écosystème culturel et créatif panafricain. L’écosystème n’apporterait pas seulement les changements positifs que nous souhaitions, mais serait également capable de créer des emplois décents et de générer des revenus pour nous, les acteurs du secteur, ainsi que pour nos pays. Nous avons donc défini trois piliers principaux pour atteindre notre objectif, qui sont respectivement l’éducation, la collaboration et l’accès au financement. En résumé, nous donnons aux acteurs africains des industries culturelles et créatives les moyens d’agir en leur fournissant les compétences, les connaissances et les plateformes nécessaires à leur rayonnement mondial. 

Forbes Afrique : Si la créativité africaine n’est plus à démontrer, elle ne représente que 5% d’un marché mondial estimé à plus de 2000 milliards de dollars. Qu’est-ce qui fait défaut ?

Raoul Rugamba : Petite correction, la part du continent est en réalité inférieure à 2% et le marché mondial vaut plus de 2000 milliards de dollars. Je pense que cette relative faiblesse africaine est d’abord due au fait que nous, les entrepreneurs créatifs et autres acteurs de l’industrie créative du continent, travaillons chacun dans notre coin, sans plateforme de collaboration. Il faut donc créer les conditions pour que les secteurs publics et privés se réunissent et discutent de leurs besoins, de ce qui est faisable et de ce qui n’est pas faisable, comment créer cet environnement… Et une fois que nous aurons cela, sur une base solide, la croissance de cette industrie et des acteurs de cette industrie sera imparable.

Forbes Afrique : C’est cet écosystème que vous voulez créer en réunissant les artistes eux-mêmes mais également les acteurs publics et privés, les investisseurs…

Raoul Rugamba : Nous voulons que cette plateforme soit une simulation de l’environnement sain que nous voulons construire pour que les écosystèmes des industries créatives du continent se développent et soient un contributeur majeur à l’économie de notre continent. Nous invitons ainsi toutes les parties prenantes à nous réunir, discuter directement sur ce qui est faisable et ce qui ne l’est pas. Nous voulons que les parties impliquées puissent tracer des lignes et des étapes sur la façon dont nous allons aller de l’avant pour construire un environnement qui va devenir la vitrine des talents africains, porter la croissance et favoriser les opportunités d’emploi sur le continent.

Forbes Afrique : C’est précisément l’objet de votre initiative, le Summit & Festival Creative Africas, qui se tiendra prochainement à Kigali.

Raoul Rugamba : L’idée est d’abord de s’associer à d’autres partenaires pour raconter notre histoire de collaboration et d’intégration sur des marchés. Dans le cas du Summit & Festival Creative Africas, nous avons mis en place ce projet en collaboration avec le Movement Of Creative Africas (MOCA), une plateforme axée sur les industries culturelles et créatives d’Afrique et de la diaspora, créée par Alain Bidjeck à Paris. Ensemble, on constitue un réseau global de 50 pays à travers le monde, 35 étant sur le continent africain et 15 étant en dehors du continent. L’édition 2022 du festival recevra des artistes de renommée internationale, tels que le rappeur Youssoupha ou encore le groupe Magic System. Mais également des stylistes, des créateurs de projets animés… Des acteurs des ICC du continent. Et des acteurs internationaux du secteur numérique tels que YouTube. L’idée est de faire converger le monde à Kigali, et ce pour 3 raisons majeurs. La première est de montrer une nouvelle image de l’Afrique à travers les ICC. Ensuite, il s’agit de booster l’économie, le commerce à travers les ICC. Enfin, l’objectif ultime est de positionner le Rwanda comme un hub en matière d’ICC. Reste un challenge : créer l’écosystème qui permettra de réaliser cette ambition. Africa in Colors a vocation à créer cet environnement pour que le secteur contribue à notre économie et créé des emplois pérennes.

Forbes Afrique : C’est votre leitmotiv : il faut s’appuyer sur les ICC pour la relance des économies africaines post-Covid. 

Raoul Rugamba : Absolument. Il n’y a pas d’autres options si nous voulons impulser une véritable reprise économique. L’Afrique doit accroître son « soft power », mettre à profit les talents dont elle dispose. Pour rappel, avant la pandémie de Covid-19, l’Afrique avait besoin de créer au moins 18 millions d’emplois par an, juste pour absorber les jeunes actifs entrant sur le marché du travail. Aujourd’hui, ce nombre a peut-être doublé, et avec la façon dont la crise sanitaire a changé les choses, certains emplois ont tout simplement disparu, ce qui rend encore plus difficile leur remplacement.

« Les ICC offrent de véritables alternatives aux pays africains pour réduire le taux de chômage des jeunes ».

De ce point de vue, les ICC offrent de véritables alternatives aux pays africains pour réduire le taux de chômage des jeunes, dans la mesure où c’est un secteur qui nécessite, avant tout, du talent et de la créativité. Mieux, en pariant sur cette filière, les pays africains seraient en mesure de positionner leurs jeunes générations sur les emplois du futur, tels que l’IA, la RA, la RV, qui sont au cœur de la créativité. On créerait ainsi les emplois nécessaires tout en bâtissant une économie inclusive et orientée vers le futur, qui permette aux jeunes actifs de répondre à leurs besoins et de contribuer à l’activité de leur pays. Par ailleurs, une autre raison de miser sur les ICC est leur capacité à stimuler la croissance d’autres secteurs (tourisme, hôtellerie…) qui, pris ensemble, représentent une part importante des PIB nationaux. En définitive, si les pays africains améliorent leur « soft power » grâce aux ICC, ils seront en mesure de mieux se positionner sur les marchés mondiaux, en attirant davantage d’investissements et en renforçant les chaînes de valeur locales.

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