Fondée en 2015 dans la Silicon Valley, l’école de code Holberton qui a levé avec succès 20 millions de dollars en mars 2021 pour renforcer ses offres dans la formation en ligne, est déterminée à accélérer son implantation en Afrique. Dans cet entretien, le cofondateur et PDG de la start-up, Julien Barbier, précise ses ambitions pour le continent.
Propos recueillis par Patrick Ndungidi
Forbes Afrique : Présentez-nous les activités africaines d’Holberton.
Julien Barbier : Nos clients utilisent nos outils et programmes pour créer des écoles physiques ou bien des écoles en ligne. La plupart des formations durent entre 12 et 24 mois. Nos clients ont des étudiants dans 48 pays d’Afrique, en majorité en ligne, mais aussi en présentiel en Tunisie, en Afrique du Sud et en Egypte. Plus de campus physiques devraient être lancés bientôt. Nos programmes sont adaptés à nos partenaires, en fonction de leurs objectifs. Tous les programmes ne sont cependant pas identiques. Pour le réseau d’écoles « Holberton School », le programme se décline en deux parties. La première année est consacrée à l’apprentissage de tous les fondamentaux de la science informatique. La deuxième année est celle de la spécialisation : intelligence artificielle, Blockchain, algorithmie poussée, Web, réalité virtuelle ou réalité augmentée. Pour les partenaires qui sont en « marque blanche », c’est-à-dire que l’on soutient, mais qui ne prennent pas notre marque, nous avons également des programmes spécialisés. La plupart d’entre eux choisissent des formations sur 12 mois pour les métiers du web, car c’est dans ce domaine qu’il y a le plus de recrutements aujourd’hui.
Forbes Afrique : Qu’est-ce qui vous distingue des autres écoles de formation ?
Julien Barbier : Holberton travaille aujourd’hui uniquement sur la création de programmes pour former des ingénieurs informatiques de haut niveau. Nous travaillons avec nos partenaires pour fournir une éducation de qualité, qui escale facilement, et qui est accessible à tous. Grâce à cette formule (haute qualité + partenaires locaux) nous avons un impact positif important non seulement sur la vie des étudiants qui ont accès à des emplois bien payés à la fin de leurs études, mais également au niveau des économies locales. Aujourd’hui, toutes les sociétés cherchent des ingénieurs informatiques. Créer un tissu de talents formés aux métiers de la programmation informatique permet donc de créer énormément d’emplois, et également d’attirer les entreprises étrangères.
Il existe actuellement dans le monde une pénurie d’ingénieurs informatiques et de professeurs en informatique. En plus, disposer de campus physiques, comme dans l’enseignement classique, coûte cher. Grâce à notre méthode de formation, qui est en peer learning, on fait en sorte que les étudiants soient leurs propres professeurs et ceux des autres. On n’a donc plus besoin de professeurs. Plus on a d’étudiants et plus la qualité de notre programme augmente. Dans le système classique, plus on a d’étudiants par professeur, plus la qualité décroît. Néanmoins, pour les personnes qui préfèrent le présentiel, nous le fournissons via notre marque Hollberton School. Mais c’est toujours l’étudiant qui est maître de sa formation. Une des clés du succès d’Hollberton est qu’on apprend à nos étudiants à apprendre. C’est un apprentissage actif et non passif.
Forbes Afrique : Pour l’année 2022, 60 000 étudiants en Afrique suivent la formation dispensée par Holberton. De quels pays proviennent ces étudiants et quelles formations suivent-ils ?
Julien Barbier : Les trois pays avec le plus d’étudiants sont le Nigeria, l’Ethiopie et le Kenya. Ils suivent tous une formation d’ingénieur informatique. Il s’agit notamment des métiers d’ingénieurs en full-stack, front-end, back-end ou encore ingénieurs informatique machine Learning. Au Nigeria, nos partenaires ont accueilli 22 000 étudiants, en Éthiopie 15 000, au Kenya 10 000, au Ghana 2 300, en Afrique du Sud 1 300 et en Côte d’Ivoire 1000.
Forbes Afrique : Quels besoins principaux en formation avez-vous identifiés en Afrique ?
Julien Barbier : L’Afrique a énormément de talents et d’entrepreneurs incroyables. Ce qui manque et qui est critique pour créer des champions à l’échelle globale, est un pool de talents conséquent en ingénierie informatique. On estime qu’il n’y a que 690,000 développeurs informatiques en Afrique contre 4.5 millions aux USA et 6 millions en Europe. L’Afrique, qui est plus grande que les USA et l’Europe, devrait avoir dix fois plus d’ingénieurs pour pouvoir rivaliser. Le Rwanda, par exemple, ne compte actuellement que 6 400 ingénieurs informatiques actifs. En plus de ces ingénieurs, 1 200 étudiants suivent activement nos programmes actuellement dans ce pays. Si on continue sur cette lancée, dans 5 ans, nous aurons doublé le nombre actuel d’ingénieurs informatiques au Rwanda. Il n’y a simplement pas assez de formations disponibles aux plus grands nombres aujourd’hui, et nos partenaires et futurs partenaires travaillent pour résoudre ce problème, qu’ils soient privés ou publiques. Former autant de jeunes aux métiers clés d’aujourd’hui et de demain va tout changer.
Forbes Afrique : Quel est le profil type d’un étudiant d’Holberton aujourd’hui en Afrique et combien coûtent vos formations ?
Julien Barbier : Les gens viennent de partout. Jeunes, moins jeunes, hommes et femmes, en reconversion ou étudiants, avec ou sans diplômes et de tous milieux. Mais il y a une chose qu’ils partagent tous : une grande motivation. J’ai eu l’occasion de parler personnellement avec certains étudiants, ils sont incroyablement motivés et talentueux. Quant aux prix des formations, ils varient en fonction des partenaires, de ce qu’ils offrent et de leur contexte. Certains offrent gratuitement l’éducation (via des partenariats avec des entreprises qui payent par exemple pour la formation de leurs collaborateurs), tandis que d’autres offrent une option où l’étudiant ne paye seulement qu’après avoir trouvé un travail. D’autres encore font payer « classiquement » avant de commencer. Pour notre part, nos partenaires nous payent par nombre d’étudiants actifs dans leurs programmes.
Forbes Afrique : Quel est le taux de réussite ?
Julien Barbier : Le taux de réussite est de 80% pour les partenaires qui ont des écoles physiques. Ce taux de réussite se situe entre 40 et 60% pour les partenaires en ligne en marque blanche. Si on veut changer les choses rapidement, il faut un mélange de formation en présentiel et en ligne. Si on ne fait que du physique, on atteint moins d’étudiants et si on ne fait que de la formation en ligne, on n’aide pas les gens qui ont ce besoin de contact avec d’autres personnes.
Forbes Afrique : Un dernier mot sur vos ambitions à long terme en Afrique.
Julien Barbier : Nous voulons continuer à soutenir nos partenaires actuels et contribuer à cette révolution technologique et économique. Nous sommes extrêmement fiers de l’impact créé par nos partenaires sur des milliers de jeunes et moins jeunes, et il me tarde de découvrir ce que ces étudiants vont créer plus tard dans leur carrière. Avec nos partenaires, nous allons ouvrir les portes de l’ingénierie informatique de haut niveau à 250,000 étudiants cette année, et probablement entre 3 millions et 5 millions commenceront nos programmes d’ici 2030. Tous ne finiront pas car le programme est très dur, mais je suis sûr que parmi eux se trouve la ou le prochain Steve Jobs.