Créée en 2016 et présente à Paris, Cotonou et Dakar, Goya est une marque de souliers et de maroquinerie qui revendique un sens du style intemporel et un ancrage culturel assumé. À 41 ans, son fondateur, Rodrigue Vodounou, trace une route singulière : celle d’un luxe africain conscient de ses racines, mais ouvert sur le monde. Dans cet entretien, il revient sur son parcours atypique, les défis de la production, l’importance d’industrialiser la création africaine, et ses ambitions.
Propos Recueillis Par Olivia Yéré
Forbes Afrique : Racontez-Nous Votre Parcours. Qu’est-Ce Qui Vous a Conduit à Créer Goya ?
Rodrigue Vodounou : J’ai quitté l’école assez tôt pour entrer dans la vie active. Mon parcours est tout sauf classique : publicité, puis opticien, un métier appris sur le tard. J’ai exercé pendant sept ans avant de me lancer dans une activité de chauffeur privé, à une époque où le concept de VTC était encore nouveau. Parallèlement, j’ai toujours aimé l’élégance. Dès l’enfance, je choisissais des souliers plutôt que des baskets. Ma mère m’a transmis ce goût du détail, du « bien fini ». À travers mes voyages en Europe, j’ai découvert les bastions de la chaussure, en Italie et en Espagne. Ce sont toutes ces expériences, presque fortuites, qui ont conduit à la naissance de Goya. Mes sources d’inspiration viennent d’abord de ma famille : mon grand- père était cordonnier, tandis que ma mère a affiné mon regard esthétique. Le nom « Goya » vient du peintre Francisco de Goya. Une reproduction de l’un de ses tableaux, accrochée dans l’atelier de mon grand-père, m’a marqué. Ce nom, ce lien avec la peinture, m’a parlé : la peinture sublime de couleurs fades devenues couleurs vivantes, comme un cuir brut que l’on patine pour lui donner de la profondeur. Il y avait là un parallèle évident avec mon travail. Et comme j’ai débuté la marque à Saragosse en Espagne, l’hommage était tout trouvé.
« Je veux que Goya devienne une maison iconique du continent »
Quelle Est la Vision Créative de la Maison Goya, Autrement dit l’ADN de la Marque ?
R. V. : Goya est le fruit d’un mariage entre mes racines africaines et mon expérience européenne1. C’est ce mariage d’univers, de cultures, de matières, qui m’a poussé à créer une maison qui puisse porter cette identité croisée avec élégance. Je dis souvent : « La chaussure fait la tenue ». Chez Goya, l’ADN repose sur quatre piliers : évidence, qualité, authenticité et humilité. Chaque pièce raconte une histoire sobre, mais affirmée. On ne cherche pas l’ostentation, mais l’élégance juste.
Comment Conjuguez-vous Héritage Culturel et Esthétique Contemporaine Dans Vos Collections ?
R. V. : Je suis très impliqué dans le processus de création – quasiment au quotidien. Et cette immersion se nourrit bien sûr de mes racines. Être africain, c’est une identité, un rythme, une sensibilité. Même si je vis entre les deux continents, je reste connecté à cet héritage qui façonne ma manière de voir le monde, les couleurs, les matières. Il s’agit d’un équilibre entre respect et réinvention. Je m’inspire de mon environnement, des matières locales, mais je veille à les sublimer dans une esthétique qui parle aussi à l’international. C’est un dialogue entre les origines et le présent.
Être africain, c’est une identité, un rythme, une sensibilité.
Où Sont Fabriquées Vos Pièces et Quels Savoir-Faire Mobilisez-Vous Dans le Processus de Production ?
R. V. : Une partie de la production est réalisée au Bénin et au Sénégal, notamment pour les sandales et certains tissus. Cela valorise les savoir-faire locaux. Mais pour les pièces nécessitant une finition d’excellence, nous produisons encore en Italie. L’industrie locale monte en puissance, mais elle a encore besoin de structuration.
Face aux Réalités du Terrain, Quels sont les Défis Majeurs à Relever Pour Faire Évoluer Goya ? Et Comment Percevez-Vous le Potentiel à Venir du Marché Africain du Design ?
R. V. : Le financement reste le plus grand frein. Produire, assurer la logistique, se développer sur plusieurs marchés… tout cela demande des moyens importants. En Afrique, les créateurs ont encore trop peu accès aux financements adaptés. Le potentiel du luxe africain est énorme. L’Afrique regorge de ressources, de talents et de matières. Mais pour que le secteur passe un cap, il faut industrialiser et mieux structurer la chaîne création-production- distribution. Le luxe africain ne doit plus être vu comme marginal.
Quels Sont les Derniers Temps Forts de Votre Marque et Comment Envisagez-Vous Son Expansion ?
R. V. : Nous avons lancé une nouvelle ligne de bagagerie et élargi notre distribution. Une collaboration est en cours avec le constructeur automobile Aston Martin. Nous avons des boutiques à Paris, Dakar et Cotonou. Et une quatrième boutique ouvrira à Abidjan au second semestre 2025. Ce sont des implantations pensées. L’idée est de croître dans des zones où l’élégance rencontre une demande locale forte, en avançant avec des partenaires fiables. Je veux que Goya devienne une maison iconique du continent, reconnue pour son élégance, la qualité de ses pièces et la puissance de son identité. Mon rêve : que, lorsque l’on pense à une grande maison africaine de souliers ou de maroquinerie, le nom de Goya vienne immédiatement à l’esprit.
1. Né en Belgique et élevé en France, Rodrigue Vodounou entretient un lien profond avec le Bénin, d’où sont originaires ses parents.
LA MAISON GOYA EN BREF
CRÉATION : 2026
BOUTIQUES : Paris, Dakar, Cotonou, Abidjan
PRIX DE VENTE : de 150 euros à 500 euros (chaussures) de 40 euros à 400 euros (maroquinerie)
STYLES : Escarpins, mocassins, sneakers, mules, bottes, sandales, sneakers pour enfants
LIEUX DE FABRICATION : Venise, Cotonou, Milan, Dakar
NOMBRE D'EMPLOYÉS : 12
CHIFFRE D'AFFAIRES (2024) : 600 000 euros
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