Attaquant vedette de l’équipe nationale de Côte d’Ivoire et du club allemand de Dortmund, vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2023 avec l’équipe ivoirienne, Sébastien Haller, 30 ans, est bien plus qu’un joueur de football. Sportif éminemment médiatique, il est l’ambassadeur de plusieurs marques ainsi que de l’Unicef, via sa fondation, lancée en 2023. Également investisseur dans trois startups technologiques, le champion d’Afrique a une vie extra-sportive bien remplie.
Propos recueillis par Patrick Ndungidi
Forbes Afrique : Quel bilan tirez-vous de votre participation à la Coupe d’Afrique des Nations sur les plans collectif et personnel ?
Sébastien HALLER : La CAN constituait un grand objectif pour toute l’équipe. L’attente était grande avant la compétition. Sur le plan personnel, débuter le tournoi en étant blessé a été très stressant. Le challenge était mental et physique, dans une magnifique compétition qu’on jouait à domicile. L’équipe de Côte d’Ivoire a failli être éliminée rapidement. Mais, par la suite, elle a remporté des matchs de manière assez folle. Notre parcours pendant la CAN a été beaucoup plus dur mentalement que physiquement. Nous avons vécu de fortes émotions et avons été plus qu’heureux de remporter cette CAN et d’avoir atteint notre objectif d’une belle manière.
Qu’avez-vous ressenti en marquant quelques-uns des buts décisifs de cette CAN ivoirienne, après avoir vaincu un cancer ?
S. H. : Marquer des buts aussi importants vous rappelle les moments compliqués et les périodes de bataille qui vous ont justement permis d’arriver à marquer ces buts au cours de la compétition. Parfois, réaliser ses rêves est un peu bizarre, parce qu’on imagine tellement ces moments à plusieurs reprises qu’on ne se rend pas compte quand ils se concrétisent. C’est aussi l’occasion de penser aux personnes qui nous ont aidés à relever ce challenge. C’est un mélange de fierté, de soulagement et de bonheur dont on essaie de profiter au maximum.
Vous êtes ambassadeur de l’Unicef pour une campagne de sensibilisation à l’identification des naissances. En quoi consiste cette campagne et quelles sont les activités que vous menez dans ce cadre ?
S. H. : La campagne a été initiée pour sensibiliser les Ivoiriens à l’importance de l’identification et de l’enregistrement des naissances. Détenir une identité prouvée et justifiée est normal en Europe, mais ne l’est pas forcément en Côte d’Ivoire ou dans d’autres pays africains. Commencer sa vie avec une identité reconnue donne accès à des droits fondamentaux comme le droit à la santé, à l’éducation ou encore à la sécurité. En tant que footballeur connu, être l’image de la campagne permet de sensibiliser et d’avoir un impact auprès des Ivoiriens, en vue d’augmenter les enregistrements des naissances. Les résultats de ce travail de longue haleine seront évalués dans les mois à venir. Néanmoins, entre-temps, un tournoi de football avait été organisé pour booster la campagne. À la fin de cette dernière, nous pourrons discuter avec l’Unicef d’autres sujets liés à l’enfance.
Quelles sont les autres causes pour lesquelles vous souhaitez vous engager en Côte d’Ivoire en particulier, et en Afrique de façon plus générale ?
S. H. : La cause des enfants me tient à cœur. Avec ma fondation [Fondation Sébastien Haller, NDLR], nous essayons de les soutenir dans des secteurs qui sont plus simples d’accès : la santé, l’éducation et le sport ; trois domaines qui sont tous liés.
Quels sont précisément les objectifs de cette fondation, créée en Côte d’Ivoire, et comment comptez-vous les atteindre ?
S. H. : Cette structure a été lancée en juillet 2023. Mon objectif était non seulement de jouer pour l’équipe nationale de la Côte d’Ivoire, mais aussi de rendre à mon pays ce qu’il allait me donner dans le futur. La fondation est axée sur l’enfance, avec pour ambition d’intervenir dans les domaines de la santé, de l’éducation et du sport. Nous souhaitons également travailler avec différents partenaires pour nous accompagner dans nos activités. Dans ce cadre, j’ai notamment signé des contrats de partenariat avec l’Unicef ou encore Orange pour le développement de certains projets au bénéfice de la population ivoirienne.
Vous avez investi dans des startups technologiques comme Sorare, Weezl et Enjeux Football. Quels sont les domaines d’activité de ces startups ?
S. H. : Sorare, la plus connue, est une plateforme de jeu dans l’univers du sport. Elle propose des cartes de joueurs numériques sous licence officielle et permet à l’utilisateur de créer ses propres équipes en achetant, vendant, collectionnant et échangeant ces cartes. En jouant à des jeux de fantasy gratuits, vous pouvez gagner des points, tout comme un propriétaire de sport professionnel. Aujourd’hui, Sorare propose des jeux dans le football, la NBA et la MLB, ligues majeures de baseball aux États-Unis. On peut s’échanger des cartes plus ou moins rares et les faire progresser. Il faut choisir les joueurs qui réaliseront les meilleures performances.
Pour sa part, Weezl est une plateforme d’éducation aux règles du jeu de différentes disciplines sportives. L’utilisation de l’intelligence artificielle et des chatbots [agents conversationnels, NDLR] permet à l’application d’être autonome sur l’explication des règles. La plateforme a une valeur éducative et sportive. À terme, j’espère qu’elle sera un outil pédagogique, notamment pour les arbitres sur le continent africain.
Mon investissement dans Enjeux Football est un investissement du cœur. Mon kinésithérapeute en est l’un des créateurs et il a été une personne clé pendant ma convalescence, même si nous avions déjà une forte relation. Lancée depuis 2018, l’application permet d’aider un footballeur en quête de professionnalisme à bien gérer ses séances d’entraînement, sa santé, son alimentation, son sommeil, sa rééducation, etc. Enjeux Sport peut donc jouer le rôle d’ami, de coach ou de préparateur physique. C’est une aide au quotidien pour se professionnaliser et adopter les bonnes pratiques en matière d’entraînement, de musculation, de nutrition ou de prévention. Grâce à cette application, un jeune footballeur peut déjà s’adapter à ce qui l’attend dans le sport de haut niveau.
Pourquoi Enjeux Football est-il le choix du cœur ?
S. H. : J’ai investi dans cette application parce qu’elle véhicule beaucoup de valeurs positives, notamment dans le domaine de la santé. L’application peut aider beaucoup de jeunes footballeurs en Afrique et dans le monde désireux d’acquérir les bonnes techniques d’entraînement et de les comprendre. Pour l’instant, Enjeux sport est disponible uniquement en français, mais la version anglaise devrait être bientôt disponible sur le marché.
La base de cette application saine et bienveillante correspond à ses créateurs. Les investissements ne doivent pas toujours viser l’aspect financier, même si un retour sur investissement est toujours souhaité. Mais il faut de la patience, avoir le bon feeling et être serein sur les méthodes d’investissement.
Quel montant avez-vous investi dans ces startups ?
S. H. : Malheureusement, je ne peux pas donner de chiffres (rires).
L’investissement dans Sorare et Weezl n’est pas un choix du cœur ?
S. H. : J’ai aussi ressenti un bon feeling pour ces deux applications, même si leurs créateurs ne sont pas des proches. J’ai apprécié leurs concepts, parce qu’ils collent à la vision du futur. Beaucoup d’applications, de startups et d’entreprises existent actuellement et il est important de savoir où investir. Il m’a déjà été demandé d’investir dans le secteur de l’équitation. Même si cet investissement aurait pu être un bon deal, je n’ai pas de feeling dans ce secteur. Le risque consiste à investir uniquement pour des raisons financières. Il faut investir dans les domaines que l’on apprécie, et il n’est pas nécessaire d’en maîtriser les codes. Investir n’est pas non plus synonyme de dépenser toutes ses économies. L’investissement est un pari avec le feeling qui va avec.
Avez-vous la fibre entrepreneuriale et quels sont les autres domaines dans lesquels vous pourriez investir ?
S. H. : La fibre entrepreneuriale, oui et non. Le plus important pour moi aujourd’hui consiste à ne pas me disperser, au risque de perdre le fil de mes activités et de ne plus être concentré. Actuellement, la tech est le domaine à l’évolution la plus rapide et elle est omniprésente. Tout a un lien avec la technologie. Néanmoins, je peux investir dans le sport, les loisirs et la santé. Les domaines axés sur l’aide à la personne m’attirent aussi beaucoup.
Si vous n’aviez pas été footballeur, quelle profession auriez-vous voulu exercer ?
S. H. : Je m’intéresse à tous les métiers liés à l’apprentissage du corps et de l’esprit, ainsi qu’à la compréhension du comportement humain.
Quels sont vos projets et ambitions pour votre carrière ? Futur entraîneur ?
S. H. : Non, je ne souhaite pas être entraîneur. J’ai déjà effectué dix déménagements avec ma femme. Ça suffit (rires). Néanmoins, tous les plans sont conçus pour être changés. Pour l’instant, en tant que footballeur, il ne me reste pas dix ans de carrière. J’aimerais tout simplement continuer à prendre du plaisir, effectuer les meilleurs choix et que la transition, à la fin de ma carrière, se déroule de la meilleure des manières. Après ma carrière, j’aimerais avoir le plaisir de gérer moi-même mon agenda, d’être plus proche de ma famille et de mes enfants, et de mener des projets qui me tiennent à cœur.