Principale partenaire de l’Africa SME Champions Forum – rendez-vous annuel dédié à la croissance des PME africaines–, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) a financé depuis sa création en 1973 plus de 1 000 projets, pour un volume total de plus de 11 milliards d’euros en prêts et en dons. Son président, l’économiste mauritanien Sidi Ould Tah, nous explique dans cet entretien de quelle façon la banque multiplie les initiatives pour relever le défi qu’elle s’est lancé en 2021 : constituer une coalition en faveur des PME d’Afrique.
Propos Recueillis Par Kouza Kiénou I Intégralité de l’Interview Publiée dans l’Édition 81
Forbes Afrique : Les Difficultés de Levées de Fonds Rencontrées par les PME Africaines Sont Connues de Longue Date. Quelle Réponse Apporte la BADEA à Cette Problématique et sous Quelles Formes Concrètes son Appui se Manifeste-t-il ?
SIDI OULD TAH : Les PME constituent plus de 90 % du tissu économique en Afrique. C’est pourquoi l’un des quatre piliers de la stratégie BADEA 2030 leur est consacré, avec un accent particulier sur l’autonomisation des femmes et l’emploi des jeunes. Mais au-delà de la question du financement, la BADEA a une approche holistique des problèmes auxquels font face ces PME : c’est le sens de la coalition que nous avons lancée à Abidjan avec nos partenaires en 2022. L’idée essentielle, derrière cette mobilisation, est de trouver des solutions intégrées aux défis multiples qui freinent leur développement. Il est vrai que seulement 20 % d’entre elles ont accès aux crédits. Toutefois, l’accès au financement à lui seul n’est pas suffisant si le cadre juridique et réglementaire, l’environnement des affaires, les capacités managériales et l’accès aux marchés ne sont pas réglés.
Quels Sont les Principaux Secteurs d’Activité dans Lesquels la BADEA Intervient pour Soutenir les PME ? Et Quels Sont les Critères de Sélection des Projets de Financement les Concernant ?
S. O. T. : Notre appui aux PME est multiforme, tout comme le sont les instruments utilisés. L’efficacité de l’action en leur faveur requiert en premier lieu une approche holistique. C’est dans cet esprit que la BADEA a développé avec ses partenaires des programmes traitant de différents aspects relatifs à leur environnement, ainsi qu’aux moyens humains et financiers. Les programmes ainsi développés offrent des solutions intégrées comprenant à la fois l’appui institutionnel, le développement des capacités et le financement.
Les Financements une Fois Décaissés, Comment Évaluez-vous l’Impact des Projets Soutenus dans les Différents Pays Bénéficiaires ?
S. O. T. : L’évaluation rétrospective constitue une phase importante du cycle des projets. Elle permet, à l’issue de leur mise en œuvre, de juger de la qualité de l’exécution, de la pertinence des interventions, mais aussi de tirer des leçons pour mieux concevoir les projets et opérations à venir et d’ajuster nos stratégies afin de mieux répondre aux besoins des pays bénéficiaires. Il est utile de noter également que la BADEA vient de publier son premier rapport sur l’efficacité du développement.
Pouvez-vous Partager des Exemples de Projets de Financement de PME Particulièrement Réussis Réalisés par la BADEA ?
S. O. T. : Ces exemples sont multiples…En voici quelques-uns.
– Bénin : Une ligne de crédit a été accordée au Fonds national de la microfinance. Le projet vise à apporter un support aux efforts du gouvernement pour réduire la pauvreté et améliorer le niveau de vie des populations les plus vulnérables et pauvres, notamment les femmes, les jeunes et les personnes ayant des besoins spéciaux, ce par le biais de microcrédits au service du secteur agricole.
– Ouganda : Projet de développement des marchés urbains et de la commercialisation des produits agricoles. Il fait partie du troisième Plan national de développement (2005-2009), qui se focalise sur la réduction de la pauvreté, l’amélioration des revenus, le renforcement et la modernisation de la production agricole. La construction des marchés urbains a permis aux petits agriculteurs d’augmenter leurs revenus et d’améliorer leur niveau de vie.
– Gambie : Ligne de crédit accordée au fonds social de développement. Elle vise à apporter plus de ressources à ce fonds national, qui à son tour sera capable de fournir plus de support financier aux institutions financières locales afin d’accorder par la suite des microcrédits aux institutions rurales.
– Rwanda : Ligne de crédit accordée à la Banque rwandaise de développement (BRD). Cet exemple illustre comment la BADEA a réussi à fournir les ressources nécessaires au pays via sa banque de développement nationale, dans le but de financer notamment les PME agricoles et industrielles.
Vous avez Réussi une Levée de Fonds de 500 millions d’euros, en janvier 2024, sur le Marché Obligataire International. Elle fait suite à l’Augmentation de Capital de la BADEA, aujourd’hui de 20 Milliards de Dollars1 (18 milliards d’euros). Ce Renforcement de vos Fonds Propres se Traduira-t-il par un Accroissement Rapide de vos Investissements sur le Continent ?
S. O. T. : L’année 2024 marque un tournant historique pour la BADEA, avec la première émission obligataire jamais réalisée par l’institution. L’augmentation du capital et l’accès aux marchés lui donnent de nouvelles possibilités pour accroître le volume de ses interventions. Elle renforce aussi son rôle de catalyseur de financement arabe pour l’Afrique. Sans anticiper sur les décisions qui seront prises par le conseil d’administration par rapport au plan quinquennal 2025-2029, il est quasi certain que le volume des investissements de la BADEA en Afrique connaîtra un grand essor dès l’année prochaine.
Un dernier Mot sur votre Actionnariat. Certains Détracteurs voient la BADEA comme un Outil de la Diplomatie Économique Saoudienne en Afrique, le Pays Détenant plus de 25 % des Parts de votre Institution. Que Répondez-vous à ces Allégations ?
S. O. T. : L’un des points forts de la gouvernance de la BADEA et qui la distingue des autres banques de développement, c’est l’égalité en termes de droit de vote entre les membres du conseil d’administration, quel que soit par ailleurs le pourcentage du capital détenu. Ce principe crée un équilibre nécessaire pour maintenir l’objectivité des décisions prises par l’organe délibérant. Cela met la banque à l’abri de toute influence, quelle qu’elle soit.
1. Contre 4,2 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros) en 2022.