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3 questions à… Thierry Barbaut, directeur des écosystèmes innovants chez Tactis

Le cabinet de conseil et d’ingénierie en aménagement numérique Tactis accompagne le gouvernement rwandais et la mairie de Kigali dans la mise en place d’un projet ambitieux : un portail citoyen innovant, doublé d’un réseau de capteurs permettant de contrôler la qualité de l’air. Une initiative qui s’inscrit dans la feuille de route du programme« Kigali ville durable », fruit d’une politique novatrice et d’un plan d’envergure— le Smart City Rwanda Masterplan— destiné à transformer les villes rwandaises en cités intelligentes et durables.

Propos recueillis par Dounia Ben Mohamed

Forbes Afrique : Quel est le principe du portail citoyen que Tactis met en place à Kigali ? 

Thierry Barbaut : L’idée de départ est d’apporter une réponse au projet « Kigali Master Plan », au ministère du Numérique rwandais et à la mairie de Kigali, qui cherchent à améliorer la durabilité de la ville. Tactis a été missionnée pour créer une plateforme citoyenne grâce à laquelle il est possible de signaler, via une application dédiée, les dysfonctionnements observés dans la ville —présence de déchets, voirie abîmée, éclairage déficient… —, et d’être mis en contact rapidement avec les services de la mairie afin que ces dysfonctionnements soient pris en charge et résolus au plus vite. C’est un outil de dialogue entre les citoyens et la ville ; un bon relais de l’information pour une réponse rapide et appropriée. L’objectif est véritablement d’avoir de bons services publics, mais des services publics made in Africa, qui s’appliquent et s’adaptent à un environnement donné. D’une part, on démontre que l’on peut avoir de vrais services publics en Afrique et de l’autre, on invite le citoyen à contribuer à l’amélioration du vivre ensemble, à travers un socle collaboratif numérique de la « ville durable ». Je tiens à préciser que la mission de Tactis, dans ce contexte, n’a absolument pas consisté en du conseil : il s’agissait exclusivement de mettre en place un consortium d’acteurs capables de délivrer un programme intégré et adapté. 

Quel est le stade d’avancement du projet et en quoi est-il particulièrement novateur ? 

T. B. Le projet est aujourd’hui fonctionnel, en phase de test, et est entré en phase de raccord avec la mairie de Kigali. Il devrait être déployé et mis à la disposition de tous les citoyens dans les prochains mois. 

Je rappelle que c’est un projet qui s’inscrit dans le programme « Kigali ville durable » : la dynamique doit être acceptée et portée par les citoyens. Autre volet important, cette initiative relève d’une stratégie et d’une compétence rwandaises – et plus largement panafricaines – comme c’est également le cas à Diamniadio, au Sénégal, avec la démarche « Smart City Diamniadio ». On ne s’inspire pas de modèles de réussite européens, américains, ou asiatiques, mais bien purement africains.  En plus de ce portail citoyen, un projet complémentaire prévoit l’installation de capteurs permettant de mesurer le degré de pollution de l’air. En termes de durabilité, la pollution constitue un véritable défi pour les villes africaines, car si le continent ne contribue qu’à hauteur de 4 % à la pollution mondiale engendrée entre autres par la surconsommation, il en paye le prix fort.   La stratégie adoptée par des pays comme le Rwanda et le Sénégal est novatrice, car en valorisant la notion de ville durable et en favorisant une vision et une prise de conscience à grande échelle, elle peut avoir valeur d’exemple pour d’autres pays d’Afrique et du monde.

L’innovation technologique et écologique qui caractérise ce projet se retrouve également dans son approche collaborative impliquant États, collectivités locales, citoyens, entreprises et bailleurs de fonds… 

T. B. : Effectivement. Dans certaines villes européennes par exemple, la façon dont les services publics gèrent les déchets ou les questions liées à la protection de l’environnement font l’objet de nombreuses critiques. Critiques qui fusent sur les réseaux sociaux, mais débouchent rarement sur quelque chose de constructif. L’intelligence des autorités rwandaises a été de détourner cette exaspération citoyenne pour en faire un outil de changement par le biais de cette plateforme. « Vous êtes fâchés, il y a un problème, dites-le-nous. Pas sur Twitter, mais sur cette plateforme, et nous y apporterons une réponse ». C’est l’idée, et cela permet au citoyen de s’impliquer davantage et de devenir un acteur à part entière de sa ville. Ce type de portail, qui pourrait par la suite être étendu à l’ensemble du Rwanda et à d’autres pays d’Afrique, est également vecteur d’emplois. Il y a derrière un vrai mécanisme et en même temps la possibilité de s’investir, d’avoir une identité fiscale et du coup de bénéficier de vrais services publics pour aboutir à une ville plus durable et plus fonctionnelle. Aujourd’hui, il nous faut des solutions pour consommer le moins d’énergie possible et avec ces initiatives, l’Afrique montre qu’elle peut véritablement s’imposer comme force de proposition.  

Crédit-photo : Tactis

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