Détentrice depuis peu d’une licence d’établissement de monnaie électronique auprès de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et récipiendaire d’un récent prêt de 90 millions d’euros, la fintech Wave est bien armée pour poursuivre son expansion en Afrique de l’Ouest. Dans cet entretien, Katier Bamba, le directeur général de Wave Mobile Money Côte d’Ivoire, explique comment la start-up compte élargir sa gamme de services grâce à ces nouveaux acquis.
Par Michée Dare
Forbes Afrique : Vous avez récemment obtenu un important financement de 90 millions d’euros (en juillet), arrangé par la Société financière internationale (SFI). Que vous apporteront concrètement ces nouvelles ressources ?
Katier Bamba : Cet investissement nous permettra en premier lieu d’élargir et de consolider notre offre en matière de services financiers sur le marché ivoirien. Nous allons notamment proposer de nouveaux produits tels que les paiements marchands ou des solutions de crédit et d’épargne en partenariat avec des établissements financiers, qui viendront compléter notre offre actuelle. Le potentiel de développement et d’expansion des activités de Wave est important vu l’importance de la population non-bancarisée et nous sommes convaincus que ces investissements viendront accélérer le processus déjà entamé. Le défi de l’inclusion financière reste une priorité absolue pour Wave et cet investissement nous permettra d’aller plus loin dans notre volonté de renforcer l’accès à la finance digitale pour les populations tout comme pour les entreprises locales.
Vous allez aussi bientôt offrir des services de transferts d’argent vers de nouveau pays d’Afrique de l’Ouest. Comptez-vous rester fidèle à votre business model, basé sur des taux bas sur le segment international ?
K. B : Les taux bas, nous les pratiquons déjà avec des transferts transfrontaliers vers et depuis le Sénégal, le Mali et le Burkina Faso facturés au taux de 1.5%. Notre mission première étant d’inclure dans le système financier digitalisé la majorité des populations non-bancarisées, nous avons l’impératif de rendre les services de Mobile money moins chers et plus faciles à utiliser. Il est par conséquent logique que nous restions fidèles à ce modèle économique dans les pays dans notre sous-région.
Beaucoup dénoncent toutefois votre modèle d’affaire fondé sur ces taux bas. Selon certains, cela aurait pour conséquence de réduire fortement les revenus des distributeurs. Que répondez-vous à ces critiques ?
K. B : Améliorer le quotidien des populations avec des services financiers digitaux, voilà le credo que s’est donné Wave dès son entrée sur le marché. Le secteur du Mobile Money n’échappe pas à l’innovation et cela implique des changements à mener par tous les acteurs. Je tiens à le réitérer, les agents propriétaires de points de vente sont nos partenaires et alliés ; nous n’avons donc aucun intérêt à nuire à leurs intérêts étant donné qu’ils constituent un maillon essentiel dans la chaîne de distribution des services de Wave. Notre structure de commissionnement, basée sur le volume d’activité, a d’emblée pour conséquence de générer des revenus plus importants sur le long terme avec l’augmentation significative du nombre de transactions, rendue possible grâce à la facilité et à l’accessibilité des services, et avec l’entrée en scène régulière de nouvelles offres qui apportent plus de volume et donc plus de valeur à tous les acteurs de la chaîne de distribution.
En tant que fintech, quels sont les principaux défis à relever pour réussir sur le continent ?
K. B : Il nous faut inlassablement continuer à œuvrer pour faire de l’inclusion financière une réalité pour toutes les populations et cela veut concrètement dire faire évoluer notre offre en intégrant une plus large palette de produits et services financiers mobiles. Plus largement, nous relevons au fur et à mesure le défi majeur d’apporter des solutions adaptées aux besoins des populations justement exclues du système financier classique. Cela vient également avec son lot d’enjeux, car dans un pays comme la Côte d’Ivoire, il faut par exemple prendre en compte le taux d’analphabétisme encore élevé et qu’il faut pallier si l’on souhaite fournir la meilleure expérience utilisateur. Sur ce point, Wave ne lésine pas. Pour nous, c’est le client d’abord et nos équipes avec nos partenaires font en sorte de toujours proposer le meilleur de la technologie et de l’innovation, de la manière la plus adaptée.
Un dernier mot sur les perspectives à moyen terme. Comment voyez-vous évoluer le marché des services financiers digitaux au cours de la décennie à venir ?
K. B : Notre ambition est d’être les meilleurs mais dans un écosystème transformé et où une concurrence saine serait favorisée, avec des collaborations possibles entre acteurs et la mise en place de partenariat permettant de renforcer les chaînes de valeurs à plusieurs niveaux. In fine, c’est de cela dont il s’agit quand on parle de transformation digitale en Afrique de l’Ouest francophone. Au sein de notre filiale ivoirienne, nous rêvons pour notre part d’un pays où tout le monde utiliserait un portefeuille de monnaie électronique pour les transactions quotidiennes, et plus largement d’un continent où une entreprise telle que la nôtre simplifierait la vie des populations en leur offrant des services financiers à des coûts abordables. Les chantiers sont vastes et il est important de souligner qu’il s’agit d’une dynamique transformative et pas seulement disruptive. C’est à cela que ressemblera le marché des services financiers digitaux dans la décennie à venir. L’ensemble des services financiers essentiels deviendront des acquis fondamentaux pour les populations.