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30 Under 30 Forbes Afrique : les étoiles venues du Sénégal (édition 2023)

Étoiles polaires, étoiles montantes, étoiles filantes… dans le ciel qu’ils partagent et sous lequel nous respirons, les jeunes Africains inscrivent leurs trajectoires variées, redéfinissant le continent et ses frontières en bousculant codes et traditions, bien conscients que « demain est devant » et déterminés à y apporter leur contribution.

Dossier coordonné par Élodie Vermeil, avec la contribution d’Harley McKenson-Kenguéléwa

Une jeunesse au firmament

Si les classements institutionnalisés reposent sur des indicateurs rigoureux, accessibles et quantifiables, les classements jeunesse obéissent à une logique plus aléatoire : il s’agit de prendre l’air du temps, d’activer les réseaux et partenaires (cabinets de conseil, entrepreneurs locaux, dirigeants d’entreprises, business angels, etc.), d’ouvrir l’œil sur ce qui se fait et se passe, de repérer les buzz, les noms récurrents, de distinguer l’anecdotique du durable, les gloires d’un jour et les vraies histoires, les secteurs porteurs ou à fort impact social et/ou médiatique et, parfois, de parier sur certains profils…Plusieurs critères ont présidé à notre sélection, parmi lesquels la notoriété médiatique et internet, l’âge, le secteur, le parcours et le profil. Nous nous sommes par ailleurs efforcés d’observer une stricte parité hommes-femmes, tout en balayant le spectre géographique et professionnel le plus large possible, bien que de grandes tendances reviennent (économie numérique, art et culture, sport…). La diaspora, outil majeur de l’expansion du soft power africain, occupe elle aussi une place de choix au sein de ce classement, l’Afrique s’incarnant et se réalisant aujourd’hui « entre deux rives », avec et dans le monde. Dans ce contexte, nous avons pris conscience du fait que le plus difficile, quand on se livre à un tel exercice, n’est pas de « remplir les 30 cases », mais bien de s’y limiter, la jeunesse africaine – du vendeur de rue au cadre supérieur en passant par l’autoentrepreneur – brillant par ses multiples talents, sa capacité d’adaptation, sa fine lecture du monde qui l’entoure et des enjeux de développement qui le traversent, ainsi qu’une soif d’entreprendre forçant l’admiration. Néanmoins au moment de trancher, le critère le plus important a été celui de l’impact bénéfique sur les communautés et populations du continent. Car pour être vraiment inclusif, le développement doit dépasser les visions de court terme et les considérations purement mercantiles ou affairistes. Or, force est de constater que l’entrepreneuriat social et les initiatives « game-changing » ont de plus en plus le vent en poupe en Afrique. C’est l’une des grandes tendances qui ressort de nos classements jeunes, depuis quelques années déjà : la jeunesse africaine pense « nous » et non « je »; elle veut aider ses pairs, se rendre utile, partager et transmettre. Un vrai gage d’espoir pour l’Afrique de demain, et le monde interconnecté au sein duquel elle s’inscrit et s’affirme avec un peu plus d’éclat chaque jour.

Awa BOUSSO DRAMÉ I Chercheuse en sciences géospatiales I 26 ans Sciences Géospatiales I Environnement I Cap-vert, Sénégal

Chercheuse et afroféministe engagée, Awa Bousso Dramé considère que la meilleure réponse aux inégalités de genre (la recherche scientifique restant largement dominée par les hommes) est la quête de l’excellence. Pour cette jeune Sénégalaise de 26 ans, il ne s’agit pas seulement de briser le plafond de verre, mais bien de s’aventurer au-delà des barrières afin d’inspirer les nouvelles générations. À cet égard, l’institut Coastal & GeoSciences, qu’elle a créé début 2022, accorde une attention particulière aux femmes à travers des programmes de formation et d’accompagnement dédiés. Dotée d’une expérience l’ayant menée aux quatre coins du monde, diplômée des meilleurs établissements d’enseignement supérieur (la Sorbonne, Columbia University, University College London) et lauréate de nombreuses récompenses internationales prestigieuses, cette chercheuse en géosciences côtières (géomorphologie) et SIG (Système d’information géographique) s’attache à résoudre le casse-tête de la gestion du littoral au Sénégal et peut-être même en Afrique de l’Ouest, en proposant de nouvelles méthodes qui associent SIG et intelligence artificielle. Elles permettent de suivre l’érosion et les inondations, mais aussi d’apporter de nouvelles connaissances et scénarios d’évolution, tout en accompagnant la prise de décision au niveau national et continental. Un terrain géopolitique d’autant plus sensible que les littoraux cristallisent des enjeux environnementaux et de développement économique souvent incompatibles… comme c’est le cas du projet gazier sénégalo-mauritanien de la Grande Tortue Ahmeyim (GMA), dont la mise en exploitation, prévue fin 2023, pourrait engendrer des émissions de gaz à effet de serre, une destruction de l’habitat naturel et des risques de déversement de gaz. D’autres études de cette jeune scientifique – qui fait partie des 20 lauréates du prix Jeunes Talents d’Afrique subsaharienne pour les femmes et la science, décerné en novembre 2022 par l’Unesco et la Fondation L’Oréal – ont aussi permis de mettre à jour une importante érosion côtière liée à la construction d’une autoroute urbaine sur le littoral nord de Dakar. À travers ses recherches, elle a à cœur de proposer des solutions durables à des phénomènes qui auront un impact sur les communautés, et ce pour longtemps.

Alassane DIONG I Acteur I 26 ans I Industrie Cinématographique Sénégal, France

Né en 1997, Alassane Diong est un acteur français formé auprès de Karine Nuris. Sa carrière d’acteur, entamée en 2017 dans le film réalisé par Dominique Farrugia Sous le même toit aux côtés de Gilles Lellouche, alterne entre courts-métrages (Baltringue, nommé pour le César 2021 du meilleur film de court-métrage), séries (Les Grands sur OCS ; Les Sauvages, où il partage l’affiche avec Roschdy Zem…) et longs-métrages (Fleuve Noir, du réalisateur césarisé Érick Zonca, avec Vincent Cassel et Romain Duris ; Merveilles à Montfermeil de Jeanne Balibar ; Suprêmes, où il interprète le rappeur Solo, du groupe NTM ; Le Roi des ombres, film Netflix dont il partage l’affiche avec le rappeur Kaaris…). Il est véritablement révélé au grand public lors du Festival de Cannes 2 022, où son interprétation de Thierno – jeune homme de 17 ans enrôlé de force par l’armée française pour combattre sur le front – dans le film Tirailleurs de Mathieu Vadepied, sélectionné dans la catégorie « Un Certain Regard », lui vaut une standing ovation et les félicitations de Thierry Frémaux, délégué général du Festival. « Je trouve que c’est un acteur qui va faire de grandes choses, j’en suis persuadé », dit de lui Omar Sy, avec lequel il partage l’affiche de ce film événement (premier de l’année 2023 à passer la barre du million d’entrées) et qui se trouve être également son oncle. Une belle histoire, et un beau tremplin pour ce jeune espoir du cinéma français.

Guillaume DIOP I Danseur étoile I 23 ans I Art & Culture Sénégal, France

En devenant le premier danseur étoile noir de l’Opéra de Paris (une nomination qui intervient après plus de 300 ans d’existence) le 11 mars dernier à l’issue d’une représentation du ballet Giselle donnée à Séoul, Guillaume Diop est entré dans l’Histoire. Figurant parmi les cinq Noirs ou Métis que compte le corps de ballet (154 membres) de la prestigieuse institution, il a en outre – fait extrêmement rare – accédé au titre suprême sans passer par la case « premier danseur ». Enfant de l’an 2000 né d’une mère auvergnate et d’un père sénégalais (qui aurait préféré voir son fils jouer au foot, car pour lui la danse était un « sport de Blancs »), Guillaume Diop, qui a commencé à danser à l’âge de 4 ans, s’est très vite retrouvé confronté à des questions d’ordre racial quant à sa physionomie et sa capacité à interpréter les grands rôles du répertoire classique. Aux États-Unis, où les mentalités sont plus progressistes en la matière (en 2015, Misty Copeland fut la première femme noire à être promue danseuse principale de l’American Ballet Theater), il pense trouver une réponse dans le contrat que lui propose l’Alvin Ailey American Dance Theater, une compagnie de danse contemporaine composée exclusivement de danseurs de couleur. Mais outre sa préférence pour le ballet, il réalise qu’en France sa différence fait sa force et porte un vrai combat : celui d’une plus grande diversité et d’une meilleure représentation des gens de couleur au sein d’un monde codifié par… Louis XIV. Coauteur du manifeste De la question raciale à l’Opéra, écrit en 2020 dans la foulée du mouvement #BlackLivesMatter, Guillaume ouvre la voie à d’autres danseurs issus de la diversité et, par sa nomination, concourt à faire tomber les barrières mentales et sociales empêchant les enfants de se lancer. Une belle contribution à l’enrichissement d’un art pluricentenaire.

Khaby LAME I Influenceur I 23 ans I Créateur de contenus Sénégal, Italie

Chômeur et inconnu au début de la pandémie, l’influenceur sénégalais est aujourd’hui la personnalité la plus populaire du monde sur les réseaux sociaux. Son succès, le jeune créateur – de son vrai nom Khabane Lame – l’a bâti en premier lieu à coups de saynètes muettes tournant en dérision des tutoriels tirés par les cheveux et des séquences vidéo absurdes, diffusées notamment sur TikTok, la plateforme de partage de vidéos chérie de la génération Z. Résultat : il comptait, en mai 2023, toutes plateformes confondues (TikTok, Instagram, Facebook…), plus de 230 millions d’abonnés, soit une base de followers plus importante que la population du Nigéria (220 millions d’habitants), pays le plus peuplé d’Afrique. Devenu en juillet 2022 le visage du Web3 – la société de cryptomonnaies Binance a fait appel à lui et à l’icône du football Cristiano Ronaldo pour représenter la marque au niveau international –, il est aussi depuis début 2022 l’une des nouvelles égéries du groupe de prêt-à- porter Hugo Boss. À terme cependant, le jeune influenceur rêve d’une autre carrière, du côté du septième art. On a ainsi pu le voir à la Mostra de Venise 2021, puis fouler le tapis rouge lors de la 75e édition du Festival de Cannes. Un tremplin idéal pour assouvir son rêve ultime : « gagner un Oscar ». Une chose est sûre : l’histoire de sa vie a tout d’un scénario hollywoodien.

Khadjou SAMBE I Surfeuse & Coach I 26 ansI Industrie du Sport I Sénégal


En Afrique subsaharienne, où la mer est tour à tour envisagée dans sa fonction utilitaire et nourricière, ou assimilée au royaume des puissances occultes (la fameuse Mammy Watta), le surf n’est pas une pratique culturellement répandue. Encore moins chez les femmes, bien que les lignes commencent doucement à bouger sous l’influence de quelques « surf activistes » soucieux de démocratiser ce sport de glisse, les valeurs qu’il véhicule et son impact sociétal. Dans ce contexte, Khadjou Sambe, première surfeuse professionnelle du Sénégal et seule femme sur les trois surfeurs sénégalais membres de la World Surf League, fait figure d’exception et de pionnière. Tous ces préjugés, cette jeune femme, tombée en amour pour le surf à l’âge de 13 ans, les a combattus, se dressant contre sa famille qui voyait d’un mauvais œil sa passion et considérait que la place d’une femme était à la maison. À l’eau aussi elle a dû s’imposer pour gagner le respect de ses homologues masculins qui ne la prenaient pas au sérieux. Sa rencontre avec l’Américaine Rhonda Harper marque un tournant décisif. À l’origine du programme Black Girls Surf, qui milite pour que les femmes noires soient mieux représentées dans le surf de compétition, cette dernière, impressionnée par la détermination de Khadjou, décide de la prendre sous son aile : coaching, entraînements, nutrition, apprentissage des règles de l’International Surf Association, voyage en Californie… En 2 019, Khadjou prend la tête de l’antenne sénégalaise de Black Girls Surf. Si elle n’a pu participer aux Jeux olympiques de 2020, elle continue de s’entraîner dur et s’attache à transmettre à la prochaine génération de compétiteurs les joies et les valeurs du surf. À travers Black Girls Surf, elle souhaite améliorer la représentation des femmes noires dans la discipline, les encourageant à se forger physiquement et moralement pour briser les codes sociaux. Qui sait : certaines d’entre elles surferont peut-être les vagues des Jeux olympiques de la jeunesse qui se dérouleront à Dakar en 2026…

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