Ils sont artistes, sportifs, scientifiques ou entrepreneurs et tous influencent, à leur manière, les perceptions sur le royaume chérifien, parfois jusque dans les sphères économiques et politiques. Connus bien au-delà des frontières du Maroc, ces femmes et ces hommes sont le visage moderne du softpower marocain.
Par Olivia Yéré Daubrey
Rachid Yazami I Physico-chimiste
Dans nos téléphones, nos ordinateurs, nos voitures électriques, son invention est partout. Et pourtant, peu connaissent son nom. Rachid Yazami, né à Fès en 1953, est le chimiste marocain à l’origine d’une découverte qui a changé le monde : l’anode en graphite des batteries lithium-ion, utilisée aujourd’hui dans plus de 95 % des batteries rechargeables. Formé au Maroc et en France, Yazami rejoint le CNRS dès les années 80 et pose les bases de ce qui deviendra l’un des piliers de la mobilité et de la technologie moderne. Inventeur prolifique, il est l’auteur de plus de 190 brevets et 250 publications scientifiques. En parallèle de ses recherches en France, il poursuit une carrière internationale, notamment au Caltech (California Institute of Technology) et à la NASA aux États-Unis, puis à Singapour, où il fonde sa propre entreprise de R&D. À contre-courant de la célébrité, il choisit l’impact durable plutôt que la lumière médiatique. En 2014, son apport est salué par le prestigieux prix Charles-Stark-Draper, considéré comme le « Nobel de l’ingénierie », et en 2023 par le grand prix de la fondation VinFuture au Vietnam. Aujourd’hui encore, il explore de nouveaux horizons, comme les batteries au fluor et le développement d’algorithmes intelligents de charge ultra rapide des batteries.Passeur de savoir et innovateur infatigable, Yazami prouve qu’un Marocain peut électriser la planète, non par la parole, mais par la matière grise.

Jamel Debbouze I Humoriste, acteur, producteur
Des rues de Trappes aux scènes les plus prestigieuses, Jamel Debbouze a construit bien plus qu’une carrière : un pont vivant entre la France et le Maroc, entre les marges et les projecteurs. Avec une énergie communicative et une audace joyeuse, il a su imposer une parole libre, populaire, souvent politique, au cœur de la culture francophone contemporaine. Révélé sur Radio Nova puis Canal+, il devient une figure incontournable du rire dès la fin des années 1990. Mais c’est au cinéma qu’il marque les esprits, enchaînant les succès critiques et populaires – d’Amélie Poulain à Indigènes, en passant par Astérix, Angel-A, La Marche, ou encore Le nouveau Jouet et Mercato. Au fil des rôles, il redessine les contours de la représentation des diasporas maghrébines à l’écran. En parallèle, il crée des plateformes qui font éclore une nouvelle génération : le Jamel Comedy Club à Paris, puis le Marrakech du Rire, devenu un rendez-vous international. En 2015, alors qu’il a 40 ans, il passe derrière la caméra avec Pourquoi j’ai pas mangé mon père, film d’animation audacieux à portée universelle. Ambassadeur assumé de son double héritage, il n’a jamais rompu le lien avec le Maroc, qu’il met à l’honneur autant dans ses projets artistiques que dans ses engagements personnels. Jamel Debbouze est l’un de ces artistes qui ne se contentent pas de briller : ils ouvrent la voie à tout un continent, par le rire, la fierté et la transmission.

Gad Elmaleh I Humoriste, acteur
De Casablanca à Hollywood en passant par Paris, Montréal ou Marrakech, Gad Elmaleh a bâti un empire comique multilingue, mêlant tendresse, ironie et universalité. Né au Maroc en 1971, il y passe les dix-sept premières années de sa vie avant de s’envoler pour le Canada, puis la France. Au Cours Florent, il se forme avec rigueur à l’art dramatique et signe dès 1995 son premier spectacle, Décalages, qui pose les jalons d’un humour finement autobiographique. C’est pourtant avec La Vie normale que son ascension s’accélère. Les personnages de Chouchou et Coco deviennent cultes, à la scène comme à l’écran. Ses spectacles remplissent les salles sur plusieurs continents, et ses incursions au cinéma – de Woody Allen à Spielberg – le positionnent comme l’un des rares humoristes francophones à avoir percé aux États-Unis. Gad Elmaleh n’a jamais oublié son ancrage marocain. Il le célèbre avec finesse dans ses sketchs, ses interviews, et ses retours réguliers sur les scènes maghrébines. Sa double culture nourrit une œuvre profondément humaniste, dans laquelle l’exil, la transmission, la foi et la famille tiennent une place centrale. Entre stand-up new-yorkais, comédie populaire et drames intimistes, il explore toutes les facettes de son art. En mêlant authenticité et ambition, il fait rayonner un softpower marocain subtil et attachant, où le rire devient un passeport universel.

Tahar Ben Jelloun I Écrivain, poète, peintre
Depuis plus de cinq décennies, Tahar Ben Jelloun tisse un pont entre littérature, engagement et mémoire. Formé à la philosophie à Rabat puis à la psychopathologie sociale à Paris, il a imposé une œuvre dense, traduite dans plus de quarante langues, qui fait résonner l’âme du Maghreb au-delà des frontières. Sa plume, sensible et lucide, explore les blessures de l’exil, les injustices sociales, le racisme et la quête d’identité. Premier auteur marocain à recevoir le Prix Goncourt pour La Nuit sacrée (1987), il s’impose comme une référence incontournable dans les lettres francophones. À travers romans, poésies, essais et interventions publiques, il fait émerger des récits essentiels pour comprendre les mutations de nos sociétés, notamment celles de l’immigration maghrébine en Europe. Tahar Ben Jelloun entretient aussi un lien profond avec les arts plastiques, à travers ses écrits sur de grands artistes marocains et internationaux, mais aussi par sa propre pratique de la peinture. Pour lui, cette activité picturale constitue un contrepoint lumineux à son œuvre littéraire souvent marquée par la souffrance humaine. Écrire et peindre sont ainsi devenus deux expressions complémentaires d’un même besoin vital d’équilibre et de beauté. Au fil des années, Tahar Ben Jelloun devient aussi un pédagogue. Avec Le Racisme expliqué à ma fille ou L’Islam expliqué aux enfants, il défend une parole accessible, tournée vers les jeunes générations. Membre de l’Académie Goncourt, par ailleurs cofondateur du Festival international des arts visuels de Tanger (juin 2026), il incarne aujourd’hui une conscience littéraire internationale, attachée à la liberté, au dialogue et à l’exigence intellectuelle.

Leïla Slimani I Écrivaine
Prix Goncourt, représentante de la francophonie, autrice traduite dans plus de 40 langues, Leïla Slimani s’impose comme l’une des plus puissantes ambassadrices culturelles du Maroc à l’international. Née à Rabat dans une famille cultivée et francophone, cette Franco-Marocaine puise sa force dans une double appartenance assumée. Diplômée de Sciences Po Paris et formée au journalisme à Jeune Afrique, elle quitte la presse en 2012 pour se consacrer à l’écriture. Dès son premier roman Dans le jardin de l’ogre, elle ose aborder l’addiction sexuelle féminine – un sujet tabou. Mais c’est Chanson douce (2016) qui la propulse au sommet : Goncourt, succès international, adaptation cinématographique. Féministe engagée, Leïla Slimani refuse les assignations identitaires et s’attaque aux silences sociaux : sexualité, intégrisme, exil, hypocrisie bourgeoise. En 2017, elle devient la représentante personnelle d’Emmanuel Macron pour la francophonie, sans jamais perdre sa liberté de ton. Elle refusera d’ailleurs le poste de ministre de la Culture, préférant l’indépendance à la fonction. Romancière, essayiste, scénariste, elle signe en 2024 le livret de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris. Son œuvre, marquée par une langue précise et poétique, donne une voix à ceux que l’on tait. À travers elle, c’est un Maroc pluriel, courageux et moderne qui s’invite dans les débats du monde.

French Montana I Rappeur, producteur et entrepreneur
Propulsé depuis les rues du Bronx jusqu’aux plus grandes scènes du rap mondial, le Maroco-Américain French Montana – de son vrai nom Karim Kharbouch – incarne une trajectoire fulgurante, forgée entre Casablanca, New York et Los Angeles. Né le 9 novembre 1984 à Casablanca, puis arrivé aux États-Unis à l’adolescence, il passera en quelques années de jeune immigré sans ressources à producteur influent, à force de résilience, de flair et de créativité. Révélé par ses DVD Cocaine City et une série de mixtapes devenues cultes, il s’impose avec des titres comme Choppa Choppa Down ouShot Caller, avant de signer avec les poids lourds Bad Boy Records (label de Puff Daddy) et Maybach Music (label de Rick Ross). Surnommé « roi des featurings », il multiplie les collaborations prestigieuses – Drake, The Weeknd, Mariah Carey – tout en fondant son propre label, Coke Boys Music. Entrepreneuriat, philanthropie, revendication identitaire : French Montana dépasse le cadre du rap. Il reste attaché à ses origines, et agit concrètement pour l’Afrique, en soutenant notamment des hôpitaux et des programmes éducatifs. Fiancé depuis l’été dernier à la princesse dubaïote Sheikha Mahra Al Maktoum Sheikha Mahra, sa success-story illustre un softpower marocain urbain et audacieux.

Assaad Bouab I Acteur
Charismatique, précis, multilingue : Assaad Bouab s’impose depuis plus de vingt ans comme l’un des visages les plus captivants du cinéma et des séries franco-internationales. Né en France mais élevé au Maroc, il cultive très tôt une ambition artistique nourrie de diversité. Diplômé du Cours Florent puis du Conservatoire de Paris, il se fait d’abord remarquer dans Marock, chronique générationnelle qui bouscule les codes. Sa carrière prend rapidement une envergure internationale. On le retrouve dans Indigènes et Hors-la-loi, mais aussi dans Queen of the Desert (où il faitune apparition aux côtés de Nicole Kidman), avant d’intégrer des productions emblématiques comme Homeland, Messiah ou encore la dernière saison de Peaky Blinders sur Netflix, Bad Sisters et Franklin sur Apple TV et la mini série The Pursuit of Love sur Amazon Prime. En France, son rôle de Hicham Janowski dans la série à succès Dix pour cent lui offre une notoriété auprès du grand public. Assaad Bouab est aujourd’hui un acteur incontournable, capable de naviguer avec aisance entre les univers culturels. Par sa présence à l’écran et le choix de ses rôles, il contribue à faire rayonner une image contemporaine, exigeante et universelle du Maroc.

Badr Hari I Kick-Boxeur
Badr Hari a redéfini à lui seul le kick-boxing moderne. Plus qu’un simple athlète, il est une onde de choc qui a traversé les arènes du monde entier. Redouté pour sa puissance de frappe, avec un ratio exceptionnel de 92 victoires par KO, il a hissé les couleurs du Maroc au sommet d’un sport ultra-compétitif, longtemps dominé par d’autres continents.Formé sur les pavés d’Amsterdam et aguerri dans les salles mythiques du Muay-Thaï, il s’est imposé sur les scènes japonaises du K-1 puis dans les tournois internationaux les plus médiatisés. Son palmarès impressionne : huit titres mondiaux toutes organisations confondues et des duels devenus légendaires face à Schilt, Overeem ou Verhoeven. S’il a parfois suscité la controverse en dehors du ring, son aura et son charisme dépassent largement le cadre sportif. Icône populaire, il s’affiche aux côtés de figures comme Cristiano Ronaldo et soutient activement les jeunes athlètes marocains. Animé par le désir de démocratiser le sport afin de bâtir un Maroc sportif et en bonne santé, Badr Hari a fondé Punch by Badr Hari, premier réseau national de salles de sport au Maroc. Son ambition : étendre ce projet à travers l’Afrique. Aujourd’hui, Badr Hari demeure une figure centrale du sport marocain. Fort de son expérience, il prolonge son influence à travers sa carrière d’entrepreneur. En bâtissant un écosystème sportif ambitieux et accessible, il poursuit son combat hors du ring : inspirer, unir et faire émerger une génération prête à se dépasser.

Achraf Hakimi I Footballeur international
À seulement 26 ans, Achraf Hakimi est devenu l’un des ambassadeurs les plus visibles du Maroc sur la scène mondiale. Né à Madrid dans une famille modeste originaire de Oued Zem et Ksar El Kébir, il choisit très jeune de représenter les couleurs du royaume chérifien, malgré les sollicitations de la sélection espagnole. Ce geste, aussi fort que rare, a façonné l’aura de l’arrière droit devenu symbole de loyauté et d’excellence. Formé au Real Madrid, révélé à Dortmund puis sacré champion avec l’Inter Milan, il brille aujourd’hui au Paris Saint-Germain où il s’est imposé comme un élément-clé, cumulant quatre titres de champion de France et une Ligue des champions historique. Sa trajectoire en club s’accompagne d’une ascension fulgurante en sélection nationale : CAN, Mondial, Jeux olympiques… Hakimi est devenu l’un des piliers des Lions de l’Atlas. Sur le terrain, sa vitesse fulgurante, son sens du jeu et sa polyvalence technique en font un cauchemar pour les défenses adverses. En dehors, il se distingue par un engagement humanitaire discret mais concret, notamment à travers sa fondation lancée en 2023. Dans un monde du football souvent standardisé, Achraf Hakimi incarne un Maroc audacieux, fidèle à ses racines, et prêt à briller sur les plus grandes scènes. Il n’est pas seulement un athlète hors pair : il est un vecteur de fierté nationale et un visage moderne du softpower marocain.

Jamal El Karkouri I Architecte
Formé en Allemagne mais enraciné dans la culture marocaine, Jamal El Karkouri fait partie de ces créateurs qui transforment les lignes en langage. À la tête de l’agence d’architecture EJ à Kénitra, il conçoit des édifices où la rigueur rencontre l’élégance culturelle du royaume. Théâtres, villas, complexes touristiques : ses réalisations racontent l’histoire d’un Maroc en mouvement, capable de se réinventer sans renier ses fondations. Plus qu’un architecte, El Karkouri se définit comme un artiste de l’espace. Nourri de peinture, de musique et de sculpture, il transpose dans ses constructions une vision sensorielle du monde. Une courbe, une ombre, la forme d’une babouche retournée : tout peut devenir point de départ. « Le noir et le blanc traduisent la force, le rouge, c’est la vie », confie-t-il, fidèle à une esthétique aussi symbolique que fonctionnelle. Loin des clichés traditionnels, il modernise les codes marocains – moucharabiehs, patios, jeux d’ombre pour mieux en révéler la puissance intemporelle. Son projet de grand théâtre, en phase finale de réalisation, illustre cette volonté : bâtir des lieux de culture qui font dialoguer passé et avenir. Dans un Maroc en pleine effervescence économique et artistique, Jamal El Karkouri propose une architecture qui pense, qui sent, qui parle. Une architecture qui, en fusionnant les héritages, affirme la place du royaume dans la cartographie contemporaine du beau.

Bouchra Réjani I Dirigeante d’entreprise dans le secteur des médias et de la télévision
De Casablanca à Paris, en passant par Londres, Bouchra Réjani a tracé un parcours singulier qui l’impose comme l’une des productrices les plus influentes de l’audiovisuel francophone. Fondatrice du studio WeMake, elle revendique une vision mondiale où l’Afrique et la région MENA occupent une place centrale. Née à Casablanca et élevée dans l’Ouest de la France, elle considère ses origines africaines comme une boussole intime. Après un début de carrière dans l’audit financier, elle rejoint les médias et gravit les échelons chez Fox Kids (News Corp) et Disney, avant de diriger FremantleMedia France (RTL Group) et Shine France (News Corp). Elle y accompagne le succès de formats planétaires comme The Voice, MasterChef, Nouvelle Star, Incroyable Talent ou la série Tunnel, adaptée du format scandinave Bron. En 2017, elle fonde WeMake Productions à Paris. Le studio produit pour Netflix, Prime Video, Canal+, France Télévisions, M6 et TV5Monde, mais aussi pour RTL4 et SBS6 (Pays-Bas), MBC (Arabie Saoudite), Mediaset (Italie)et Freevee Prime Video (États-Unis). Parmi ses productions : Jusqu’à l’Aube, The Missing One, Secret Duets, Everybody Play Now et Battle Quizz… Dans la région MENA, Starlight est devenu un rendez-vous culturel majeur sur 2M Maroc, renouvelé saison après saison et désormais en cours d’adaptation. Avec Les Nouveaux Boss, premier concours panafricain d’entrepreneurs coproduit avec TV5Monde, l’ambition est de révéler sur la scène internationale la nouvelle génération de leaders africains. Aujourd’hui, Bouchra Réjani s’affirme comme une passeuse entre les cultures, bâtissant des ponts entre l’Europe, l’Afrique et le monde arabe. Son ambition : donner aux récits venus du Sud une place centrale dans la conversation mondiale.


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