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African Empires, une histoire de l’Afrique et de son héritage dans le monde moderne

Série documentaire historique diffusée sur TV5Monde et disponible en 2024 sur Canal+ Afrique, African Empires se propose de partir à la découverte des personnalités emblématiques du continent, dont Soundiata Keita, Shaka Zulu, la princesse Yennenga et la souveraine Amanirenas pour la première saison. Ambition de cette production ? Mettre en lumière une histoire du continent encore trop peu connue, et démontrer sa portée universelle. Rencontre avec Sebastien Onomo, créateur et producteur de la série au sein de Special Touch Studios.

Propos recueillis par Olivia Yéré Daubrey


Forbes Afrique : Pouvez-vous nous présenter votre société Special Touch Studio, à l’origine de la production d’African Empires 

Sébastien Onomo : Je suis CEO de la holding SO Media Invest, qui est l’actionnaire majoritaire de la société Special Touch Studios. Une société que j’ai créée en 2015 avec l’entrepreneur Olivier Laouchez, qui en est sorti depuis. L’objectif, depuis le départ, est de produire des films et des talents émergents, porteur d’une vision multiculturelle, ambitieuse. Notre ligne éditoriale se concentre principalement sur des projets en lien avec l’Afrique, les Antilles, les Caraïbes, l’Asie, le Moyen-Orient et les cultures urbaines, car j’en suis féru. On a un développement de société constant depuis sa création. Il est en lien avec une forte appétence du public pour les sujets que nous abordons avec une approche sur tous les genres et tous types de formats : fiction, animation, documentaire. Nous sommes sur notre terrain pour accompagner les auteurs sur des narrations singulières.

« Les grands royaumes précoloniaux ne sont pas bien connus des Africains et de leur diaspora, et c’est normal : pendant longtemps, les manuels scolaires étaient pensés et fabriqués en Occident »

Sébastien Onomo I ©Droits Réservés

« L’objectif, depuis le départ, est de produire des films et des talents émergents, porteur d’une vision multiculturelle, ambitieuse »


Quel est votre parcours ?

S.O. : Je ne viens pas d’un milieu où j’étais prédestiné à faire du cinéma. J’ai donc emprunté la voie de l’abnégation, celle qui fait que l’on essaye de croire en ses rêves, et celle des études, qui fait que l’on peut essayer de les concrétiser. Je dirais que pour moi, cela a marché. Durant mes études de lettres, jusqu’à ma licence, j’ai travaillé sur des projets cinéma et audiovisuels en occupant différentes fonctions. Un apprentissage sur le terrain qui m’a été bénéfique, lorsque j’ai par la suite intégré le master en Production audiovisuelle de l’Institut national de l’audiovisuel à Paris (INA). Une formation complète qui m’a permis de rencontrer Serge Lalou, un producteur que j’admire, et qui m’a proposé d’intégrer la société Les Films d’Ici très tôt comme producteur, à 24 ans. Durant cette formation, j’ai aussi fait un stage qui a été très important pour moi au sein de la société Entre Chien et Loup, où j’ai beaucoup appris aux côtés de la productrice Diana Elbaum et du producteur Sébastien Delloye. Depuis fin 2021, je me consacre exclusivement au développement des sociétés du groupe SO Medias Invest

Chris Macari BTS Shaka Zulu I ©Droits Réservés

Comment est née l’idée de cette série sur l’histoire africaine précoloniale ?

S.O. : L’idée de cette série m’est venue par le biais d’une précédente production, Bois d’Ébène, de Moussa Touré. On y parlait du commerce triangulaire, mais je ressentais un manque. Il fallait que l’on puisse découvrir l’Afrique avant cette époque, que je connaissais mal, voire pas du tout. Ces grands royaumes précoloniaux ne sont pas bien connus des Africains et de leur diaspora à travers le monde. Mais c’est normal : pendant longtemps les manuels scolaires étaient pensés et fabriqués en Occident. Alors je me suis dit : “Et si on racontait l’histoire de l’Afrique avant la colonisation ? ” Puis les empires et royaumes sont apparus comme le moyen de pouvoir narrer ces histoires. Et lorsqu’on se penche encore plus dans le détail, des figures inspirantes apparaissent. On a envie de partager cela largement. C’est comme ça qu’est née l’idée de ce docufiction sériel.


Quelles sont les ambitions portées par un tel projet ?

S.O. : Elles sont simples : partager cette histoire du continent africain avec le plus grand nombre. Permettre à ceux qui le souhaitent de grandir avec la connaissance de leur histoire. Je me serais probablement construit différemment en ayant une meilleure conscience de ces récits. C’est une série qui pourrait servir de support pour enseigner cette histoire aux jeunes, un peu comme une encyclopédie audiovisuelle sur l’histoire de l’Afrique.

Vous vous êtes d’ailleurs appuyé sur les travaux de l’Histoire générale de l’Afrique, une encyclopédie (en 13 volumes) lancée par l’UNESCO en 1980. Parlez-nous de ce partenariat.

« Notre collaboration avec l’UNESCO a permis de renforcer la solidité du projet et permettra dans le futur de faire voyager davantage la série, de lui donner un impact plus fort »

S.O. : Très tôt dans le processus de création, nous avons eu connaissance des travaux de l’UNESCO sur l’histoire de l’Afrique. Il nous a donc semblé naturel de les solliciter pour bénéficier de leur expérience, de leur expertise et de leurs réseaux, afin de donner à la série le maximum de gages qualitatifs, tant sur le plan artistique, qu’historique. Cette collaboration a permis de renforcer la solidité du projet et permettra dans le futur de faire voyager davantage la série, de lui donner un impact plus fort, car l’institution qui nous accompagne est puissante et implantée sur de nombreux territoires, où elle joue un rôle majeur pour la connaissance de cette histoire.

Pouvez-vous nous détailler les différentes étapes de production de la série ? 

S.O. : Nous avons eu une longue étape de développement du projet pour écrire la série avec les deux scénaristes, Laurent Mizrahi et Thomas Marlier, trouver les réalisatrices et réalisateurs. Beaucoup de travail pour réunir le financement de la série. Et beaucoup de travail pour organiser les tournages durant et juste après la période Covid. Enfin, la phase de montage et de postproduction a aussi mobilisé toute l’attention et l’engagement de l’équipe sur la production du film.


Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?

S.O. : La principale difficulté pour moi a été de réussir à financer ce type de production à la hauteur de ce qu’elle mérite, pour conserver une ambition initiale forte, et être en capacité de toucher une large audience. Cela a été long, parfois fastidieux, mais je n’ai pas baissé les bras et aujourd’hui la série existe. Pour la deuxième saison, que je rêve de produire, le même parcours sinueux s’annonce. Mais je suis convaincu que cette série est nécessaire alors cela prendra le temps que cela prendra, mais on ne lâchera rien.

Parlant de financement, quel a été le budget pour produire African Empires, combien avez-vous investi par épisode et combien investissez-vous en général pour vos projets audiovisuels à Special Touch Studios ?

S.O. : On est à environ 225 000 euros par épisode, soit environ 900 000 euros pour la première saison. À titre personnel, j’ai investi beaucoup d’argent pour boucler le budget. Aussi, ça dépend du projet, mais en moyenne, nous produisons des documentaires autour de 20 000 euros pour 52 minutes. En animation, la moyenne des films que je produis tourne autour de 6 millions d’euros, même si nous lançons dans quelques semaines notre plus gros film pour un budget de 8,5 millions d’euros. En fiction, notre moyenne par film est à ce jour d’environ 4 millions d’euros.

Behind the scene Amanirenas (Au Sénégal) I ©Droits Réservés


Quel est le chiffre d’affaires annuel de Special Touch Studios ?

S.O. : Les règles comptables sont un peu particulières dans notre secteur, car le chiffre d’affaires ne se constate que lorsque les films sont terminés. Nos cycles de production étant particulièrement longs par rapport aux autres industries, je dirais qu’en termes de financements signés en moyenne par an, nous sommes sur Special Touch Studios, qui est une entité de SO Medias Invest, autour de 5 millions d’euros. Un chiffre qui va continuer de croître avec les investissements et les recrutements effectués ces derniers mois.

Pour revenir au projet en lui-même, pourquoi avoir fait le choix du docufiction ?

S.O. : Le choix du docufiction nous a permis d’incarner les personnages de nos récits. Les rendre plus vivants, plus proches du spectateur pour susciter de l’empathie, du respect, de l’admiration ou de la fierté. Sans ce choix, nous serions restés à un niveau de récit plus « théorique ». L’ajout de la fiction a rendu cela plus abordable narrativement, et plus palpable au niveau du parcours de ces personnages, de leur humanité et de leur universalité. 

« Sans le choix du docufiction, nous serions restés à un niveau de récit plus “théorique”. L’ajout de la fiction a rendu cela plus abordable narrativement »

Behind the scene Soundiata Keita I ©Droits Réservés

Votre série fait intervenir des historiens, un grand griot, un sociologue dozo… Comment avez-vous choisi ces interlocuteurs ? 

S.O. : On voulait avoir une constance dans notre approche en impliquant des experts issus du continent et des pays, territoires, dont nous racontions les histoires à travers la série. C’était donc naturel et nécessaire, en même temps, d’appuyer et d’illustrer la cohérence de notre propos par la présence de figures d’autorité, qui attestent du sérieux de notre démarche du point de vue artistique, historique et scientifique.

Sébastien Onomo I ©Droits Réservés


Compléments d’information

African Empires : Une série documentaire historique qui propose de partir à la découverte des plus grands royaumes et empires d’Afrique avant la colonisation. Une mise en lumière des héritages laissés au monde actuel.

Écrit par : Laurent Mizrahi et Thomas Marlier

Créée par : Laurent Mizrahi et Sébastien Onomo

Produit par : Special Touch Studios et Creative Touch Studios – Sébastien Onomo

Historiens : Amzat Boukari, Sylvia Serbien et Claude Rilly avec le concours de l’UNESCO

Diffusé sur TV5Monde depuis le 3 novembre 2023


Special Touch Studios en bref

Dénomination : Special Touch Studios

Date de création : 2015

Secteur : Production cinématographique

Chiffres d’affaires :  5 millions d’euros


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